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Saint John Paul II's 1st Apostolic Visit to Zaire

2nd - 6th May 1980

Pope St John Paul II was a pilgrim to Zaire (now DR Congo) for the first time in 1980 to celebrate the jubilee centenary of the evangelization of Zaire. It was the first stop on his first pilgrimage to Africa, his 5th apostolic journey, on which he also visited Congo, Kenya, Ghana, Upper Volta (now Burkina Faso) and the Ivory Coast.

After the arrival ceremony in Kinshasa, Pape St Jean Paul II spoke to the faithful of the archdiocese of Kinshasa, when he consecrated Zaire to Our Lady. Afterwards he met with the President of Zaire. His second day, 3rd May, began with Mass for families followed by a meeting with the bishops of Zaire and bishops from other African countries. The Holy Father then met with religious women at the Carmel of Kinshasa and representatives of other Christian confessions before speaking to the Diplomatic Corps in Zaire. On Sunday 4th May, Pope John Paul II ordained eight new Bishops; this was followed by the Regina Caeli. He then met with professors and university students, priests, the Polish community of Zaire and the faithful in a Kinshasa parish. On 5th May JPII departed from Kinshasa to spend most of the day in Congo-Brazzaville.

In the evening, on returning to Zaire, he visited Kisangani Cathedral. St John Paul II spent his final day (6 May) in
Kisangan, celebrating Mass, praying at the cemetery of Makiso and meeting with the Mission of St Gabriel before his departure for Kenya.

Discours du Pape St Jean Paul II à l'arrivée en Afrique
Kishasa, Zaïre, vendredi 2 mai 1980 - in French, Italian & Portuguese & Spanish

"Monsieur le Président, Monsieur le Cardinal, Excellences, Mesdames, Messieurs, Chers Frères et Sœurs, Que Dieu bénisse le Zaïre! Que Dieu bénisse toute l’Afrique!

1. C’est une très grande joie pour moi d’aborder pour la première fois le continent africain. Oui, en baisant cette terre, mon cœur déborde d’émotion, de joie, d’espérance. C’est l’émotion de découvrir la réalité africaine et de rencontrer chez elle cette partie notable de l’humanité, qui mérite estime et amour, et qui est appelée, elle aussi, au salut en Jésus-Christ. C’est la joie pascale qui m’habite et que je voudrais partager avec vous. C’est l’expérience qu’une vie nouvelle, une vie meilleure, une vie plus libre et plus fraternelle est possible sur cette terre, et que l’Église que je représente peut y contribuer grandement. Cette visite et les rencontres qu’elle va permettre sont des grâces dont je veux d’abord remercier le Seigneur. Dieu soit béni!

2. A tous les habitants de l’Afrique, quels que soient leur pays et leur origine, j’exprime mes salutations amicales et chaleureuses, et mes sentiments de confiance. Je salue d’abord mes frères et fils catholiques, et les autres chrétiens. Je salue tous ceux qui, profondément animés de sentiments religieux, ont à cœur de soumettre leur vie à Dieu ou de rechercher sa présence. Je salue les familles, pères et mères, enfants et vieillards. Je salue spécialement ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme. Je salue ceux qui œuvrent au bien commun de leurs concitoyens, à leur éducation, à leur prospérité, à leur santé, à leur sécurité.

Je salue chacune des nations africaines. Je me réjouis avec elles qu’elles aient pris en mains leur propre destin. Je pense à la fois au bel héritage de leurs valeurs humaines et spirituelles, à leurs efforts méritoires, à tous leurs besoins présents. Chaque nation a encore une longue marche à parcourir pour forger son unité; approfondir sa personnalité et sa culture; réaliser le développement qui s’impose en tant de domaines, et cela dans la justice, avec le souci de la participation et de l’intérêt de tous; s’insérer avec une part active dans le concert des nations. Pour cela l’Afrique a besoin d’indépendance et d’entraide désintéressée; elle a besoin de paix. A tous et à chacun, j’exprime des vœux cordiaux et fervents.

3. Je viens ici comme Chef spirituel, Serviteur de Jésus-Christ dans la lignée de l’Apôtre Pierre et de tous ses successeurs, les évêques de Rome. J’ai mission, avec mes frères les évêques des Églises locales, d’affermir les fils de toute l’Église dans la véritable foi, et dans l’amour conforme à Jésus-Christ, de veiller à leur unité, de renforcer leur témoignage. Un nombre important d’Africains adhèrent désormais à la foi chrétienne et je voudrais que ma visite leur soit un réconfort, en cette étape significative de leur histoire. Deux de ces Églises m’ont spécialement invité pour le centenaire de l’évangélisation, que d’autres s’apprêtent aussi à célébrer.

Je viens ici comme homme de la religion. J’apprécie le sens religieux si ancré dans l’âme africaine et qui demande, non pas à être relégué, mais au contraire purifié, élevé et affermi. J’estime ceux qui tiennent à mener leur existence et à construire leur cité dans un rapport vital avec Dieu, en tenant compte des exigences morales qu’il a inscrites dans la conscience de chacun, et donc aussi des droits fondamentaux de l’homme dont il est le garant. Je partage avec ceux qui ont cette vision spirituelle de l’homme la conviction que le matérialisme, d’où qu’il vienne, est un esclavage dont il faut défendre l’homme.

Je viens ici en messager de paix, désireux d’encourager, comme Jésus, les artisans de paix. Le véritable amour cherche la paix et la paix est absolument nécessaire pour que l’Afrique puisse se consacrer entièrement aux grandes tâches qui l’attendent. Avec tous mes amis africains, je voudrais que demain chaque enfant de ce continent puisse trouver la nourriture du corps et la nourriture de l’esprit, dans un climat de justice, de sécurité et de concorde.

Je viens ici en homme d’espérance.

4. Sans plus attendre, je remercie l’Afrique de son accueil. J’ai été profondément touché de l’hospitalité que tant de pays de ce continent m’ont si généreusement proposée depuis quelques mois. J’ai vraiment été dans l’impossibilité d’accepter toutes les invitations, durant ce premier voyage de dix jours. Je l’ai vivement regretté, et je pense notamment à l’attente de certains pays particulièrement méritants et riches de vitalité chrétienne, que j’aurais tant voulu combler. Mais ce sont des visites remises à plus tard. J’espère bien qu’à l’avenir la Providence donnera au Pape l’occasion de les accomplir.

J’ai le ferme espoir de revenir sur ce continent. D’ores et déjà, que tous ces pays soient assurés de mon estime et de mes vœux! Je penserai d’ailleurs à eux, à leurs mérites, à leurs joies et à leurs préoccupations humaines et spirituelles lorsque j’aborderai les différents thèmes de mon voyage, et m’adresserai aux diverses catégories d’interlocuteurs. Mon message est pour toute l’Afrique.

5. Et maintenant, je me tourne tout spécialement vers ce pays du Zaïre qui est au cœur de l’Afrique et qui est le premier à m’accueillir. Ce grand pays plein de promesses, que je suis si heureux de visiter, ce pays appelé à de grandes tâches, des tâches qui demeurent difficiles.

Mon premier mot est pour remercier Monsieur le Président et son Gouvernement, pour remercier les évêques, de leur invitation pressante.

Je sais l’attachement d’un grand nombre de Zaïrois à la foi chrétienne et à l’Eglise catholique, grâce à une évangélisation qui a progressé très rapidement.

C’est maintenant le centenaire de cette évangélisation que je viens célébrer avec vous, chers amis.

Il est bon de regarder le chemin parcouru, où Dieu n’a pas ménagé ses grâces pour le Zaïre: une pléiade d’ouvriers de l’Évangile sont venus de loin, ont consacré leur vie pour que vous aussi, vous ayez accès au salut en Jésus-Christ. Et les fils et les filles de ce pays ont accueilli la foi. Elle a porté des fruits abondants, chez de nombreux baptisés. Des prêtres, des religieux, des évêques, un cardinal, sont issus du peuple zaïrois, pour animer, avec leurs frères, cette Église locale et lui donner son vrai visage, pleinement africain et pleinement chrétien, en lien avec l’Église universelle que je représente parmi vous.

Durant les jours qui vont suivre, nous reparlerons de tout cela. La perspective de toutes ces rencontres me réjouit profondément. Dès maintenant, que tous ces Frères et Fils, que tous les habitants de ce pays, reçoivent mon salut chaleureux et les vœux amicaux que mon cœur forme pour eux.

Que Dieu bénisse le Zaïre! Que Dieu bénisse l’Afrique!"

St John Paul II's speech to the archdiocese of Kinshasa &
Act of Consecration to the Mother of Christ
Kishasa, Zaire, Friday 2 May 1980 - in French, German, Italian, Portuguese & Spanish

"Loué soit Jésus-Christ!
Que Dieu notre Père et Jésus-Christ notre Seigneur vous donnent la grâce et la paix!
Que l’Esprit Saint soit votre joie!

1. Chers Frères et Soeurs dans le Christ,
Votre Archevêque, le cher Cardinal Joseph Malula, vient de me souhaiter la bienvenue au nom de vous tous, évêques, prêtres, religieux, religieuses, séminaristes et laïcs de l’archidiocèse de Kinshasa et des autres communautés catholiques du Zaïre. Je le remercie vivement. Il a évoqué la vitalité de l’Eglise qui est au Zaïre, une vitalité que l’Eglise de Rome connaît et apprécie. Et moi, Evêque de Rome, j’avais un grand désir de venir jusqu’à vous.

Je viens comme Serviteur de Jésus-Christ, le Chef invisible de l’Eglise. Je viens comme Successeur de l’Apôtre Pierre, auquel Jésus a dit: “Affermis tes frères”, puis, par trois fois: “Sois le pasteur de mes agneaux... sois le pasteur aussi de mes brebis” [Jn
21, 15-17], c’est-à-dire de tout le troupeau de mes disciples. Par la volonté de Dieu, malgré mon indignité, j’ai hérité à mon tour de cette charge, qui est celle du Pape, c’est-à-dire du Père, celle du Vicaire du Christ sur la terre, qui préside à l’unité dans la foi et la charité.

2. Tout d’abord, je rends grâce à Dieu avec vous pour tout ce qu’il a réalisé au Zaïre pendant cent ans. Je viens aujourd’hui célébrer avec vous le centenaire de l’évangélisation, regarder avec vous le chemin parcouru, un chemin qui a connu des difficultés et des peines, des joies et des espérances.

Un chemin de grâces! Le centenaire nous permet de mieux mesurer en quelque sorte les bienfaits du Seigneur et les mérites de vos prédécesseurs. Et de prendre appui sur cette histoire chrétienne pour un nouvel élan.

Il y a juste un siècle, en effet, quelques missionnaires, brûlant d’amour pour le Christ et pour vous, venaient partager avec vous la foi qu’ils avaient eux-mêmes reçue; ils ont voulu, dès le début, implanter l’Eglise, faire naître une Eglise locale, avec les Africains. La moisson fut grande. Vos pères ont accueilli la Parole de Dieu avec générosité et enthousiasme. Aujourd’hui l’arbre de l’Eglise s’est solidement enraciné dans ce pays; ses branches s’étendent dans toute la contrée. La foi est devenue le lot d’un nombre considérable de citoyens et de citoyennes du Zaïre. De vos familles zaïroises sont issus des évêques, des prêtres, des religieuses, des catéchistes, des laïcs engagés, qui encadrent ou soutiennent vos communautés. Et l’Evangile a imprimé sa marque dans la vie et dans les mœurs. Dieu soit loué! Et bénis soient tous ceux qui ont fait fleurir cette Eglise, ceux qui sont venus de loin et ceux qui sont nés dans ce pays! Bénis soient ceux qui la guident aujourd’hui!

3. Chers amis, vous avez vécu une première grande étape, une étape irréversible. Une nouvelle étape vous est ouverte, non moins exaltante, même si elle comporte nécessairement de nouvelles épreuves, et peut-être des tentations de découragement. C’est celle de la persévérance, celle où il faut poursuivre l’affermissement de la foi, la conversion en profondeur des âmes, des façons de vivre, afin qu’elles correspondent toujours mieux à votre sublime vocation chrétienne; sans compter l’évangélisation qu’il faut continuer vous-mêmes dans des secteurs ou des milieux où l’Evangile est encore ignoré. Comme saint Pierre l’écrivait aux premières générations de convertis dans la Dispersion, je vous dis: “Soyez vigilante... à l’exemple du Saint qui vous a appelés, soyez saints vous aussi dans toute votre conduite” [
1 Pt 1, 13-16].

C’est ainsi que l’Eglise qui est au Zaïre atteindra sa pleine maturité chrétienne et africaine.

4. Je sais que vos évêques - qui sont vos pasteurs et vos pères - vous guident avec lucidité et courage sur ces chemins du Royaume de Dieu, comme en témoignent les exhortations, lettres ou appels qu’ils vous ont adressés personnellement ou collégialement. Je viens affermir et encourager le ministère de ces évêques qui sont mes frères. Mais en même temps, je viens encourager tous les chrétiens et chrétiennes de Kinshasa et du Zaïre.

Je suis heureux que ma première rencontre, en cette cathédrale, soit avec les prêtres, les religieux, les religieuses, les séminaristes. Dans l’édification de l’Eglise, vous avez une place de choix. Votre ordination, votre consécration religieuse, votre appel au sacerdoce sont des grâces inestimables.

Remerciez le Seigneur! Servez-le dans la joie, la simplicité et la pureté de cœur. Vous êtes destinés, plus que les autres disciples du Christ, à être, le sel qui donne saveur, et la lumière qui brille; j’ai désiré avoir un entretien prolongé avec les prêtres, puis avec les religieuses, au cours des journées qui viennent. Mais dès ce soir, je vous salue avec toute mon affection. Mon premier mot est un mot de réconfort, dans la note d’action de grâces qui convient à un centenaire.

Prêtres, soyez heureux d’être ministres du Christ, annonciateurs de sa Parole et dispensateurs de ses mystères: Imitamini quod tractatis, “vivez ce que vous accomplissez”. Soyez des éducateurs de la foi, des hommes de prière, ayez le zèle et l’humilité du serviteur, vivez votre consécration totale au Royaume de Dieu dont votre célibat est le signe.

Religieux et religieuses, soyez heureux d’avoir donné tout votre amour au Christ et de servir l’Eglise, vos frères et sœurs en toute disponibilité. Avec toutes les personnes consacrées du Zaïre, laissez le Christ saisir vos vies, afin de devenir des témoins transparents pour le peuple de Dieu et pour les hommes de bonne volonté. Je pense à votre Sœur, Zaïroise, qui vous a précédés, en laissant un lumineux exemple de pureté et de courage dans la foi, la Servante de Dieu, Sœur Anwarite, que, j’espère, l’Eglise pourra bientôt béatifier.

Et vous, prêtres, religieux, religieuses et laïcs venus d’autres pays comme missionnaires, et qui continuez à coopérer aux divers services de l’Eglise en ce pays, soyez heureux d’être ici où votre entraide est précieuse et nécessaire, et où vous êtes témoins de l’Eglise universelle. Poursuivez ce service amical et désintéressé, sous la conduite des Pasteurs zaïrois qui sauront accueillir tous les prêtres à part entière dans leur presbyterium.

Séminaristes, soyez heureux de répondre à l’appel du Maître qui ne déçoit pas. Accueillez la pédagogie du Christ qui a formé tant de vos aînés. Préparez-vous en assimilant à fond la doctrine solide et la discipline de vie qui vous permettront d’être à votre tour des guides spirituals. Je souhaite que beaucoup suivent vos traces. Les vocations sacerdotales sont la preuve de la vitalité et la maturité d’une Eglise locale qui devient ainsi capable de prendre en mains la responsabilité de l’œuvre de l’Evangile, en donnant au message évangélique et à la mission de l’Eglise leur pleine authenticité chrétienne et africaine.

Je ne veux pas oublier les laïcs chrétiens que je rencontrerai aussi: pères et mères de famille, animateurs de petites communautés catéchistes, éducateurs, laïcs engagés, étudiants et jeunes de Kinshasa ou des autres cités ou villages. Qu’ils soient heureux et fiers de leur foi! Partout où ils travaillent, qu’ils soient les témoins de l’Amour du Christ qui les a aimés le premier! Et qu’ils poursuivent un apostolat où ils sont irremplaçables!

5. Je dois vous faire à tous la recommandation que l’Apôtre saint Paul exprimait dans toutes ses lettres, lui qui visitait tant de premières communautés chrétiennes. C’est celle qui a suscité la dernière prière de Jésus après la Cène: “Que tous soient un”. Oui, bannissez toute division, vivez dans l’unité qui plaît à Dieu et qui fait votre force, autour de vos prêtres. Et que les prêtres soient unis dans un même presbyterium autour de leurs évêques. Manifestez un accueil bienveillant et une réelle collaboration entre vous, Zaïrois et Zaïroises, et avec les étrangers venus partager votre vie.

L’Eglise, c’est une famille, d’où personne n’est exclu.

En recevant votre témoignage, je vous apporterai à mon tour celui de l’Eglise qui est à Rome, et celui de l’Eglise universelle qui a son centre à Rome. C’est une seule famille. Aucune communauté ne vit fermée sur sol: elle se relie à la grande Eglise, à l’unique Eglise. Votre Eglise a été greffée sur le grana arbre de l’Eglise, où, durant cent ans, elle a puisé sa sève, ce qui lui permet maintenant de donner ses fruits à elle et de devenir elle-même missionnaire auprès des autres. Votre Eglise devra approfondir sa dimension locale, africaine, sans jamais oublier sa dimension universelle. Je sais votre attachement fervent au Pape. Aussi je vous dis: par lui, demeurez unis à toute l’Eglise.

Et maintenant, je vous invite à tourner avec moi, vos regards et vos cœurs vers la Vierge Marie.

6. Permettez-moi, en effet, en cette année où vous rendez grâce à Dieu pour le centenaire de l’évangélisation et du baptême de votre pays, de me référer à la tradition que nous trouvons au début de ce siècle, au début de l’évangélisation en terre africaine.

Les missionnaires qui venaient pour annoncer l’Evangile commençaient leur service missionnaire par un acte de consécration à la Mère du Christ.

Ils s’adressaient à elle de cette façon:

“Voici que nous nous trouvons parmi ceux qui sont nos frères et nos cœurs, et que ton Fils, o Vierge Marie, a aimés jusqu’à la fin. Par amour, il a offert sa vie pour eux sur la croix; par amour, il demeure dans l’Eucharistie pour être la nourriture des âmes; par amour, il a fondé inébranlable dans laquelle on trouve le salut. Tout cela, ces frères et ces sœurs au milieu desquels nous arrivons ne le savent pas encore; ils ne connaissent pas encore la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Mais nous, nous croyons profondément que leurs cœurs et leurs consciences sont préparés à accueillir l’Evangile du salut par l’œuvre du sacrifice du Christ, et aussi grâce à ton intercession maternelle et à la médiation.

Nous croyons que, lorsque le Christ, du haut de la croix, t’a donné chaque homme comme fils, en la personne de son disciple saint Jean, tu as accepté aussi comme fils et comme filles ces frères et ces sœurs auxquels sa sainte Eglise nous envoie maintenant, nous, comme missionnaires.

Aide-nous à accomplir le mandat missionnaire de ton Fils sur cette terre; aide-nous à accomplir ici la mission salvifique de l’Evangile et de l’Eglise. Nous te consacrons tous ceux-là que l’Esprit de Jésus-Christ désire illuminer de la lumière de la foi et en qui il veut allumer le feu de son amour.

Nous te consacrons leurs familles, leurs tribus, les communautés et sociétés qu’ils forment, leur travail, leurs joies et leurs souffrances, leurs villages et leurs cités. A toi, nous te consacrons tout, nous te les consacrons tous. Accueille-les dans cet Amour éternel dont tu as été la première servante, et daigne guider, tout indigne qu’il soit, le service apostolique que nous commençons”.

7. Aujourd’hui, cent ans ont passé depuis ces commencements. Au moment où l’Eglise, dans ce pays du Zaïre, rend grâce à Dieu dans la Sainte Trinité pour les eaux du saint baptême qui ont donné le salut à tant de ses fils et de ses filles, permets, ô Mère du Christ et Mère de l’Eglise, que moi, le Pape Jean-Paul II, à qui il est donné de participer à ce jubilé, je rappelle et que je renouvelle en même temps cette consécration missionnaire qui a eu lieu sur cette terre au début de son évangélisation.

Se consacrer au Christ par ton intermédiaire!
Se consacrer à Toi pour le Christ!

Permets aussi, ô Mère de la divine Grâce, que, tout en remerciant pour toutes les lumières que l’Eglise a reçues et pour tous les fruits qu’elle a portés au cours de ce siècle sur cette terre du Zaïre, je te confie à nouveau cette Eglise, que je la remette entre tes mains pour les années et les siècles à venir, jusqu’à l’achèvement des siècles!

Et en même temps, je te confie encore toute la nation, qui vit aujourd’hui de sa vie propre et indépendante. Je le fais dans le même esprit de foi et avec la même confiance que les premiers missionnaires, et je le fais en même temps avec une joie d’autant plus grande que l’acte de consécration et d’abandon que je fais maintenant, tous les pasteurs de cette Eglise et aussi tout le peuple de Dieu le font en même temps avec moi; ce peuple de Dieu qui désire assumer et poursuivre avec ses pasteurs, dans l’amour et le courage apostolique, l’œuvre de la construction du Corps du Christ et de l’approche du règne de Dieu sur cette terre.

Accepte, ô Mère, cet acte de confiance que nous faisons, ouvre les cœurs, et donne la force aux âmes pour écouter la parole de vie et pour faire ce que ton Fils ne cesse de nous ordonner et nous recommander.

Que la grâce et la paix, la justice et l’amour soient le partage de ce peuple; qu’en rendant grâce pour le centenaire de sa foi et de son baptême, il regarde avec confiance vers son avenir temporel et éternel! Amen!"

Discours du Pape St Jean Paul II au Président du Zaïre
Kishasa, Zaïre, vendredi 2 mai 1980 - in French, German, Italian, Portuguese & Spanish

"Monsieur le Président,
1. Au soir de cette première journée sur la terre zaïroise, tant de pensées viennent déjà à l’esprit que les mots se bousculent pour exprimer ce que je ressens. Est-ce l’émotion du contact si désiré, et enfin réalisé, avec les peuples d’Afrique, d’abord avec le Peuple zaïrois? Est-ce l’accueil qui m’a été réservé, aussi bien à l’arrivée que dans la ville même de Kinshasa? Est-ce l’enthousiasme de la population et particulièrement de la population catholique qui a pu trouver place, tout à l’heure, à la cathédrale et aux abords de celle-ci?

Je ne sais vraiment quel souvenir marquera le plus celui qui inaugure aujourd’hui une visite dont il attend beaucoup, et qui voudrait correspondre pleinement à son double objectif, de salut fraternel et cordial du Chef spirituel de l’Eglise catholique aux nations africaines, et d’encouragement très sincère aux Eglises locales.

2. C’est souligner, et je ne manquerai jamais de le rappeler dans les circonstances qui pourront se présenter, le caractère essentiellement religieux de ce voyage qui commence, j’en suis heureux, par le Zaïre. Chaque étape offrira pourtant des possibilités de rencontre avec les Autorités civiles. Il y a là davantage que l’observation d’un usage de courtoisie, permettant de remercier ses hôtes, comme ils le méritent, de leur hospitalité si généreuse ou de l’organisation minutieuse et combien absorbante de ce séjour.

A ce sujet, Monsieur le Président, je mesure parfaitement la qualité de ce que Votre Excellence et ses collaborateurs ont mis en œuvre pour faciliter, et finalement assurer - je n’en doute pas - la réussite de ma visite. Qu’il me soit permis de le dire devant les hautes personnalités réunies ici, dont certaines n’ont pas ménagé leur contribution selon leurs responsabilités personnelles.

Mais j’attache également un grana prix aux entretiens avec ceux qui détiennent le pouvoir civil. Ce sont autant d’occasions d’échanger des vues, de façon constructive, sur les problèmes les plus fondamentaux pour l’homme, sa dimension spirituelle, sa dignité et son avenir, sur la paix aussi et l’harmonie entre les peuples, sur la liberté que demande l’Eglise d’annoncer l’Evangile au nom du respect des consciences inscrit dans la plupart des constitutions ou des lois organiques des Etats.

Le Concile Vatican II semblait appeler la multiplication des conversations de ce type lorsqu’il s’exprimait ainsi: “Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l’Eglise sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes. Mais toutes deux, quoique à des titres divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exerceront d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous, qu’elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération... L’homme, en effet, n’est pas limité aux seuls horizons terrestres, mais, vivant dans l’histoire humaine, il conserve intégralement sa vocation éternelle” [
Gaudium et Spes, 76, § 3.].

3. Ayant déjà eu le bonheur d’accueillir Votre Excellence au Vatican l’an dernier, je me félicite de notre nouveau dialogue, qui devrait favoriser la compréhension et se révéler particulièrement fructueux. C’est dire l’attention avec laquelle j’ai écouté vos réflexions. Je suis moi-même persuadé que, si les questions africaines doivent être l’affaire des Africains, et non subir la pression ou l’ingérence de quelque bloc ou groupement d’intérêt que se soit, leur solution heureuse ne peut manquer d’influer de manière bénéfique sur les autres continente.

Mais il faudrait aussi, pour cela, que les autres peuples apprennent à recevoir des peuples africains.

Ce n’est pas seulement d’une aide matérielle et technique que ces derniers ont besoin. Ils ont besoin eux aussi de donner: leur cœur, leur sagesse, leur culture, leur sens de l’homme, leur sens de Dieu, que bien d’autres n’ont pas aussi éveillés. A la face du monde, j’aimerais lancer en cette circonstance un appel solennel, non pas uniquement à l’aide, mais à l’entraide internationale, c’est-à-dire à cet échange dans lequel chacun des partenaires apporte sa contribution constructive au progrès de l’humanité.

4. J’aimerais également que fussent connus de tous, dès le premier jour de ce voyage, les sentiments qu’éprouve le Pape en regardant l’Afrique comme un ami, comme un frère. Tout en partageant les préoccupations de beaucoup quant à la paix, aux problèmes posés par la croissance et la pauvreté et, en un mot, aux problèmes de l’homme, il éprouve une joie profonde. La source de sa joie est de voir que nombreuses ont été, au cours des dernières années, les populations qui ont pu accéder à la souveraineté nationale, au terme d’un processus parfois délicat, mais qui a pu conduire au choix de leur avenir.

C’est un phénomène que je comprends très bien, ne serait-ce que par mes origines personnelles.

Je sais, j’ai vécu les efforts accomplis par mon peuple pour sa souveraineté. Je sais ce que veut dire revendiquer le droit à l’autodétermination, au nom de la justice et de la dignité nationale.

Certes, ce n’est là qu’une étape, car encore faut-il que l’autodétermination reste ensuite effective, et s’accompagne d’une participation réelle des citoyens à la conduite de leur propre destin: ainsi également le progrès pourra bénéficier plus équitablement à tous. Certes, la liberté devrait jouer à tous les niveaux dans la vie politique et sociale. L’unité d’un peuple demande aussi une action persévérante, respectueuse des particularités légitimes et en même temps menée de façon harmonieuse. Mais tant d’espoirs sont aujourd’hui permis, tant de possibilités sont offertes, qu’une immense joie emplit mon cœur, à la mesure de la confiance que je mets dans les hommes de bonne volonté qui sont épris du bien commun.

5. Je voudrais à présent tourner mon regard, au-delà de cette assemblée, vers le Peuple zaïrois tout entier, et lui dire ma satisfaction de me trouver chez lui. Certes, les contraintes du programme existent, et il ne sera pas possible d’aller dans toutes les régions rendre visite à des populations également chères à mon cœur.

Que le passage du moins en quelques points du pays soit un témoignage concret du message d’amour du Christ que je souhaiterais porter à chaque famille, à chaque habitant, aux catholiques comme à ceux qui ne partagent pas la même foi. Les Zaïrois représentent une espérance pour l’Eglise et pour l’Afrique. Il leur appartient de poursuivre, en bons citoyens, leur action pour le progrès de leur pays dans un esprit de justice et d’honnêteté, en s’ouvrant aux vraies valeurs de l’homme [JP
II Redemptor Hominis, 18]. Je demande à Dieu de les aider dans cette noble tâche et de bénir leurs efforts.

Soyez remercié, Monsieur le Président, de tout ce que vous avez entrepris pour moi depuis le moment où, comme l’Episcopat du pays, vous m’invitiez si chaleureusement au Zaïre. Je n’oublierai pas les termes élevés de votre allocution, et je vous présente, ainsi qu’aux membres du Gouvernement et à tous ceux qui me font l’honneur de leur présence, mes salutations et mes vœux les meilleurs."

Papa St John Paul II's homily at Holy Mass for Families
Kishasa, Zaire, Saturday 3 May 1980 - in French, German, Italian, Portuguese & Spanish

"Chers époux chrétiens, pères et mères de famille,
1. L’émotion et la joie envahissent mon cœur de Pasteur universel de l’Eglise, parce que la grâce m’est donnée de méditer pour la première fois avec des foyers africains ― et pour eux ― sur leur vocation particulière: le mariage chrétien. Que Dieu ― qui s’est révélé être « Un en Trois personnes » ― nous assiste tout au long de cette méditation! Le sujet est merveilleux, mais la réalité est difficile! Si le mariage chrétien est comparable à une très haute montagne qui met les époux dans le voisinage immédiat de Dieu, il faut bien reconnaître que son ascension exige beaucoup de temps et beaucoup de peine. Mais serait-ce une raison de supprimer ou de rabaisser un tel sommet? N’est-ce pas par des ascensions morales et spirituelles que la personne humaine se réalise en plénitude et domine l’univers, plus encore que par des records techniques et même spatiaux, si admirables soient-ils?

Ensemble, nous ferons un pèlerinage aux sources du mariage, puis nous essaierons de mieux mesurer son dynamisme au service des époux, des enfants, de la société, de l’Eglise. Enfin, nous rassemblerons nos énergies pour promouvoir une pastorale familiale toujours plus efficace.

2. Tout le monde connaît le célèbre récit de la Création par lequel commence la Bible. Il y est dit que Dieu fit l’homme à sa ressemblance en le créant homme et femme. Voilà qui surprend au premier abord. L’humanité pour ressembler à Dieu, doit être un couple de deux personnes en mouvement l’une vers l’autre, deux personnes qu’un amour parfait va réunir dans l’unité. Ce mouvement et cet amour les font ressembler à Dieu, qui est l’Amour même, l’Unité absolue des trois Personnes. Jamais on n’a chanté de manière aussi belle la splendeur de l’amour humain que dans les premières pages de la Bible: « Celle-ci, dit Adam en contemplant sa femme, est la chair de ma chair, les os de mes os. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et ils ne seront qu’une seule chair » (
Gn 2, 23-24). En paraphrasant le Pape saint Léon, je ne puis m’empêcher de vous dire: « O époux chrétiens, reconnaissez votre éminente dignité! ».

Ce pèlerinage aux sources nous révèle également que le couple initial, dans le dessein de Dieu, est monogame. Voici de quoi nous surprendre encore, alors que la civilisation ― au temps où prennent corps les récits bibliques ― est généralement loin de ce modèle culturel. Cette monogamie, qui n’est pas d’origine occidentale mais sémitique, apparaît comme l’expression de la relation interpersonnelle, celle où chacun des partenaires est reconnu par l’autre dans une égale valeur et dans la totalité de sa personne. Cette conception monogame et personnaliste du couple humain est une révélation absolument originale, qui porte la marque de Dieu, et qui mérite d’être toujours plus approfondie.

3. Mais cette histoire qui commençait si bien dans l’aube lumineuse du genre humain connaît le drame de la rupture entre ce couple tout neuf et le Créateur. C'est le péché originel. Pourtant cette rupture sera l’occasion d’une nouvelle manifestation de l’Amour de Dieu. Comparé très souvent à un Epoux infiniment fidèle, par exemple dans les textes des psalmistes et des prophètes, Dieu renoue sans cesse son alliance avec cette humanité capricieuse et pécheresse. Ces alliances répétées culmineront dans l’Alliance définitive que Dieu scella en son propre Fils, se sacrifiant librement pour l’Eglise et pour le monde. Saint Paul ne craint pas de présenter cette Alliance du Christ avec l’Eglise comme le symbole et le modèle de toute alliance entre l’homme et la femme (
cf Ep 5, 25), unis comme époux d’une manière indissoluble.

Telles sont les lettres de noblesse du mariage chrétien. Elles sont génératrices de lumière et de force pour la réalisation quotidienne de la vocation conjugale et familiale, au bénéfice des époux eux-mêmes, de leurs enfants, de la société dans laquelle ils vivent, et de l’Eglise du Christ. Les traditions africaines judicieusement utilisées peuvent avoir leur place dans la construction des foyers chrétiens en Afrique; je pense notamment à toutes les valeurs positives du sens familial, si ancré dans l’âme africaine et qui revêt des aspects multiplex, assurément susceptibles de porter à la réflexion des civilisations dites avancées: le sérieux de l’engagement matrimonial au terme d’un long cheminement, la priorité donnée à la transmission de la vie et donc l’importance accordée à la mère et aux enfants, la loi de solidarité entre les familles qui ont fait alliance et qui s’exerce spécialement en faveur des personnes âgées, des veuves et des orphelins, une sorte de coresponsabilité dans la prise en charge et l’éducation des enfants, qui est capable d’atténuer bien des tensions psychologiques, le culte des ancêtres et des défunts qui favorise la fidélité aux traditions. Certes, le problème délicat est d’assumer tout ce dynamisme familial, hérité des coutumes ancestrales, en le transformant et en le sublimant dans les perspectives de la société qui est en train de naître en Afrique. Mais de toute façon la vie conjugale des chrétiens se vit ― à travers des époques et des situations différentes ― sur les pas du Christ, libérateur et rédempteur de tous les hommes et de toutes les réalités qui font la vie des hommes. « Tout ce que vous faites, que ce soit au nom de notre Seigneur Jésus-Christ » comme nous a dit saint Paul (
Col 3, 17).

4. C’est donc en se conformant au Christ qui s’est livré par amour à son Eglise que les époux accèdent jour après jour, à l’amour dont nous parle l’Evangile: « Aimez-vous, comme je vous ai aimés », et plus précisément à la perfection de l’union indissoluble sur tous les plans. Les époux chrétiens ont fait promesse de se communiquer tout ce qu’ils sont et tout ce qu’ils ont. C’est le contrat le plus audacieux qui soit, le plus merveilleux également!

L’union de leurs corps, voulue par Dieu lui-même comme expression de la communion plus profonde encore de leurs esprits et de leurs cœurs, accomplie avec autant de respect que de tendresse, renouvelle le dynamisme et la jeunesse de leur engagement solennel, de leur premier « oui ».

L’union de leurs caractères: aimer un être, c’est l’aimer tel qu’il est, c’est l’aimer au point de cultiver en soi l’antidote de ses faiblesses ou de ses défauts, par exemple le calme et la patience si l’autre en manque notoirement.

L’union des cœurs! Les nuances qui différencient l’amour de l’homme de celui de la femme sont innombrables. Chacun des partenaires ne peut exiger d’être aimé comme il aime. Et il importe ― de part et d’autre ― de renoncer aux secrets reproches qui séparent les cœurs et de se libérer de cette peine au moment le plus favorable. Une mise en commun très unifiante est celle des joies et, davantage encore, des souffrances du cœur. Mais c’est tout autant dans l’amour commun des enfants que l’union des cœurs se fortifie.

L’union des intelligences et des volontés! Les époux sont aussi deux forces diversifiées mais conjuguées pour leur service réciproque, au service de leur foyer, de leur milieu social, au service de Dieu. L’accord essentiel doit se manifester dans la détermination et la poursuite d’objectifs communs. Le partenaire le plus énergique doit épauler la volonté de l’autre, la suppléer parfois, s’en faire adroitement - éducativement - le levier.

Enfin l’union des âmes, elles-mêmes unies à Dieu! Chacun des époux doit se réserver des moments de solitude avec Dieu, de « cœur à cœur » où le conjoint n’est pas la première préoccupation. Cette indispensable vie personnelle de l’âme vers Dieu est loin d’exclure la mise en commun de toute la vie conjugale et familiale. Elle stimule au contraire les conjoints chrétiens à chercher Dieu ensemble, à découvrir ensemble sa volonté et à l’accomplir concrètement avec les lumières et les énergies puisées en Dieu lui-même.

5. Une telle vision et une telle réalisation de l’alliance entre l’homme et la femme dépassent singulièrement le désir spontané qui les réunit. Le mariage est véritablement pour eux chemin de promotion et de sanctification. Et source de Vie! Les Africains n’ont-ils pas pour la vie naissante un respect admirable? Ils aiment profondément les enfants. Ils les accueillent avec une grande joie. Les parents chrétiens sauront mettre leurs enfants sur la voie d’une existence référée aux valeurs humaines et chrétiennes. En leur montrant par tout un style de vie, courageusement revu et perfectionné, ce que signifient le respect de toute personne, le service désintéressé des autres, le renoncement aux caprices, le pardon souvent répété, la loyauté en toutes choses, le travail consciencieux, la rencontre de foi avec le Seigneur, les époux chrétiens introduisent leurs propres enfants dans le secret d’une existence réussie qui dépasse singulièrement la découverte d’une « bonne place ».

6. Le mariage chrétien est aussi appelé à être un ferment de progrès moral pour la société. Le réalisme nous fait reconnaître les menaces qui pèsent sur la famille comme institution naturelle et chrétienne, en Afrique comme ailleurs, du fait de certaines coutumes, du fait aussi des mutations culturelles qui se généralisent. Ne vous arrive-t-il pas de comparer la famille moderne à une pirogue qui vogue sur la rivière, et poursuit sa course au milieu des eaux agitées et des obstacles? Vous savez comme moi combien les notions de fidélité et d’indissolubilité sont battues en brèche par l’opinion. Vous savez aussi que la fragilité et la brisure des foyers engendrent un cortège de misères, même si la solidarité familiale africaine essaie d’y remédier en ce qui concerne la prise en charge des enfants. Les foyers chrétiens ― solidement préparés et dûment accompagnés ― ont à travailler sans découragement à la restauration de la famille qui est la première cellule de la société et doit demeurer une école de vertus sociales. L’Etat ne doit pas craindre de tels foyers mais les protéger.

7. Ferment de la société, la famille chrétienne est encore une présence, une épiphanie de Dieu dans le monde. La constitution pastorale Gaudium et Spes (
Gaudium et Spes, n 48) contient des pages lumineuses sur le rayonnement de cette « communauté profonde de vie et d’amour » qui est en même temps la toute première communauté ecclésiale de base. « La famille chrétienne, parce qu’elle est issue d’un mariage, image et participation de l’alliance d’amour qui unit le Christ et l’Eglise, manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Eglise, tant par l’amour des époux, leur fécondité généreuse, l’unité et la fidélité de leur foyer, que par la coopération amicale de tous ses membres ». Quelle dignité et quelle responsabilité!

Oui, ce sacrement est grand! Et que les époux aient confiance: leur foi les assure qu’ils reçoivent, avec ce sacrement, la force de Dieu, une grâce qui les accompagnera tout au long de leur vie. Qu’ils ne négligent jamais de puiser à cette source jaillissante qui est en eux!

8. Je ne voudrais pas terminer cette méditation sans encourager très vivement les évêques d’Afrique à poursuivre ― en dépit des difficultés bien connues ― leurs efforts de « pastorale des foyers chrétiens », avec un dynamisme renouvelé et une espérance a toute épreuve. Je sais que tel est déjà le souci constant de beaucoup et je les admire. Je félicite également les nombreuses familles africaines qui réalisent déjà l’idéal chrétien dont j’ai parlé, avec des qualités spécifiquement africaines, et qui sont pour tant d’autres un exemple et un attrait. Mais je me permets d’insister.

Sans rien abandonner de leurs préoccupations pour la formation humaine et religieuse des enfants et des adolescente, et en tenant compte de la sensibilité et des coutumes africaines, les diocèses doivent peu à peu instaurer une pastorale visant les deux époux ensemble et pas seulement l’un ou l’autre des partenaires. Qu’on intensifie la préparation des jeunes au mariage, en les encourageant à suivre une véritable préparation à la vie conjugale, qui leur révélera le sens de l’identité chrétienne du couple, les mûrira pour leurs relations interpersonnelles et pour leurs responsabilités familiales et sociales. Ces centres de préparation au mariage ont besoin de l’appui solidaire des diocèses et du concours généreux et compétent d’aumôniers, d’experts et de foyers susceptibles d’apporter un témoignage de qualité. J’insiste surtout sur l’entraide que chaque couple chrétien peut apporter à un autre.

9. Cette pastorale familiale doit aussi accompagner les jeunes foyers, au fur et à mesure de leur fondation. Journées de reprise spirituelle, retraites, rencontres de foyers soutiendront les jeunes couples dans leur cheminement humain et chrétien. Qu’on veille en toutes ces occasions à un bon équilibre entre la formation doctrinale et l’animation spirituelle. La part de méditation, de conversation avec le Dieu fidèle, est capitale. C’est près de Lui que les époux puisent la grâce de la fidélité, comprennent et acceptent la nécessité de l’ascèse génératrice de vraie liberté, reprennent ou décident leurs engagements familiaux et sociaux qui feront, de leur foyer, des foyers rayonnants. Il serait sans doute très utile que les foyers d’une paroisse et d’un diocèse se regroupent pour constituer un vaste mouvement familial, non seulement pour aider les couples chrétiens à vivre selon l’Evangile, mais pour contribuer à la restauration de la famille en défendant ses valeurs contre les assauts de tout genre, et au nom des droits de l’homme et du citoyen. Sur ce plan capital de la pastorale familiale, toujours plus adéquate aux besoins de notre époque et de vos régions, je fais pleine confiance à vos évêques, mes Frères très chers dans l’épiscopat.

10. Puissiez-vous trouver dans cet entretien le signe de l’intérêt majeur que le Pape porte aux graves problèmes de la famille, le témoignage de sa confiance et de son espérance en vos foyers chrétiens, et le courage d’œuvrer vous-mêmes plus que jamais, sur cette terre d’Afrique, pour le plus grand bien de vos nations et pour l’honneur de l’Eglise du Christ, à la solide construction de communautés familiales « de vie et d’amour » selon l’Evangile! Je vous promets de toujours porter dans mon cœur et ma prière cette grande intention. Que Dieu, qui s’est révélé être famille dans l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit, vous bénisse, et que sa bénédiction demeure à jamais sur vous!"

Discours du Pape St Jean Paul II aux Évêques du Zaïre
Kishasa, samedi 3 mai 1980 - in French, German, Italian & Portuguese & Spanish

"Très chers Frères dans le Christ,

1. Quelle joie pour moi de vous rencontrer tous ensemble!

Quel réconfort! Il y a un siècle, on peut dire que la véritable évangélisation commençait tout juste; et voilà qu’aujourd’hui la fois chrétienne est implantée presque partout dans ce pays, la hiérarchie ecclésiastique est organisée, des fils de ce pays, “ex hominibus assumpti”, ont pris en mains la conduite de l’Église, en union avec l’Église qui est à Rome. Le surgissement de vos communautés chrétiennes, la vitalité de ce peuple de Dieu, est une merveille de la grâce qui renouvelle en notre temps ce qu’elle réalisait au temps des Apôtres Pierre et Paul.

Il y a eu des étapes, des dates que nul ne peut oublier:
– l’ordination du premier prêtre zaïrois, Stefano Kaoze (1917);
– la consécration du premier évêque zaïrois, Monseigneur Pierre Kimbondo (1956);
– l’instauration de la hiérarchie au Zaïre (1959);
– l’appel du premier évêque zaïrois à entrer dans le Sacré Collège des cardinaux, le Cardinal Joseph Malula (1969).

Je suis venu rendre grâces avec vous à Dieu, célébrer le centenaire de l’évangélisation!

Je suis venu reconnaître avec vous le labeur apostolique, patient et avisé, des nombreux missionnaires, évêques, prêtres, religieux, religieuses: ils vous ont aimés au point de consacrer leur vie à initier vos pères à l’Évangile, un Évangile qu’ils avaient eux-mêmes reçu par grâce, et ils ont eu assez de confiance en eux pour les estimer capables de constituer eux aussi une Église locale et pour préparer ses Pasteurs. Je suis venu reconnaître le bon travail que vous-mêmes avez entrepris, à leur suite, ou avec eux, dans la mesure où ils vous prêtent encore aujourd’hui un service indispensable. Je suis venu vous dire mon respect, mon estime, mon affection, pour vos personnes, pour votre corps épiscopal, pour l’Église qui se réunit chez vous. Et je suis venu affermir votre saint ministère, comme Jésus l’à demandé à Pierre.

2. Le but de ce ministère c’est toujours l’évangélisation. C’est le même pour tous les pays, pour les vieilles chrétientés comme pour les jeunes Églises. Car l’évangélisation comporte des étapes et des approfondissements, et c’est une œuvre à reprendre sans cesse. Certes, la moitié environ de vos concitoyens se sont agrégés à l’Église par le baptême; d’autres s’y préparent. Mais il y a encore un large champ d’apostolat, Afin que la lumière de l’Évangile brille aussi aux yeux des autres. Et surtout, il faut réaliser la pénétration en profondeur de cet Évangile dans les esprits, dans les cœurs, dans la foi et la charité quotidiennes des personnes, des familles, des communautés, et il faut en assurer la persévérance. C’était le problème que rencontraient l’Apôtre Paul, dans les communautés qu’il visitai", et l’Apôtre Jean, dans les communautés qu’il soutenait de ses lettres, à la troisième génération de chrétiens (
cf Apoc 1-3), ou encore mon prédécesseur saint Clément de Rome. C’est le problème qu’ont connu aussi les évêques courageux de ma nation, comme saint Stanislas.

3. A ce sujet, j’ai remarqué le zèle, le courage et la cohésion dont vous avez su faire preuve, pour éclairer et guider votre peuple chrétien, lorsque les circonstances l’exigeaient. Car les épreuves ne vous ont pas été ménagées! Vous avez par exemple élaboré et publié des documenta sur la foi en Jésus-Christ en 1974, puis “sur la situation présente”.

Vous avez, en 1977, stimulé vos fidèles, “tous solidaires et responsables”, à surmonter le découragement et l’immoralité. Vous avez, la même année, exhorté vos prêtres, religieux et religieuses à la conversion. Vous avez même appelé l’ensemble de vos compatriotes “au redressement de la nation”. De tels actes de la Conférence épiscopale, sans compter ceux des évêques dans leurs diocèses, manifestent votre sens de la responsabilité pastorale.

Je souhaite avec vous que ces appels, joints à une lecture assidue de la Parole de Dieu, soient repris, médités et surtout vécus, dans leurs conséquences et avec persévérance, par ceux dont vous vouliez former ou réveiller la conscience. Car, vous le savez comme moi, cette éducation de la foi demande non seulement des textes clairs, mais une proximité, une pédagogie, qui monnaie cet enseignement, qui convainc et soutient, avec une patience et un amour inséparables de l’autorité pastorale, grâce à des prêtres, et à des éducateurs qui donnent eux-mêmes l’exemple. Je voulais, par ces simples mots, vous manifester appréciation et encouragement pour votre œuvre d’évangélisation.

4. L’un des aspects de cette évangélisation est l’inculturation de l’Évangile, l’africanisation de l’Église. Plusieurs m’ont confié qu’elle vous tient très à cœur, et à bon droit. Cela fait partie des efforts indispensables pour incarner le message du Christ. L’Évangile, certes, ne s’identifie pas avec les cultures, et les transcende toutes. Mais le Règne que l’Évangile annonce est vécu par des hommes profondément liés à une culture; la construction du Royaume ne peut pas se dispenser d’emprunter des éléments des cultures humaines (
Pauli VI Evangelii Nuntiandi, 20). Et même l’évangélisation doit aider celles-ci à faire surgir de leur propre tradition vivante des expressions originales de vie, de célébration et de pensée chrétiennes (cf JPII Catechesi Tradendae, 53). Vous désirez être à la fois pleinement chrétiens et pleinement Africains.

L’Esprit Saint nous demande de croire en effet que le levain de l’Évangile, dans son authenticité, a la force de susciter des chrétiens dans les diverses cultures, avec toutes les richesses de leur patrimoine, purifiées et transfigurées.

A ce sujet, le deuxième Concile du Vatican avait bien exprimé quelques principes qui éclairent toujours la route à suivre en ce domaine: “L’Église... sert et assume toutes les richesses, les ressources et les formes de vie des peuples en ce qu’elles ont de bon; en les assumant, elle les purifie, elle les renforce, elle les élève...

En vertu de cette catholicité, chacune des parties apporte aux autres et à l’Église tout entière, le bénéfice de ses propres dons, en sorte que le tout et chacune des parties s’accroissent par un échange mutuel universel et par un effort commun vers une plénitude dans l’unité...

La chaire de Pierre... préside au rassemblement universel de la charité, garantit les légitimes diversités et veille en même temps à ce que, loin de porter préjudice à l’unité, les particularités au contraire lui soient profitables” (
Lumen Gentium, 13).

L’africanisation recouvre des domaines larges et profonds, qui n’ont pas encore été assez explorés, qu’il s’agisse du langage pour présenter le message chrétien d’une façon qui atteigne l’esprit e le cœur des zaïrois, de la catéchèse, de la réflexion théologique, de l’expression plus adaptée dans la liturgie ou l’art sacré, de formes communautaires de vie chrétienne.

5. C’est à vous, évêques, qu’il revient de promouvoir et d’harmoniser l’avancée en ce domaine, après mûre réflexion, dans une grande concertation entre vous, en union aussi avec l’Église universelle et avec le Saint-Siège. L’enculturation, pour l’ensemble du peuple, ne pourra d’ailleurs être le fruit que d’une progressive maturité dans la foi. Car vous êtes convaincus comme moi que cette œuvre, pour laquelle je tiens à vous exprimer toute ma confiance, requiert beaucoup de lucidité théologique, de discernement spiritual, de sagesse et de prudence, et aussi du temps.

Permettez-moi d’évoquer, entre autres exemples, l’expérience de ma propre patrie: en Pologne, une alliance profonde s’est établie entre les manières de penser et de vivre qui caractérisent la nation et le catholicisme; cette imprégnation a demandé des siècles. Ici, en tenant compte d’une situation différente, il doit être possible au christianisme de s’allier avec ce qui est le plus profond dans l’âme zaïroise pour une culture originale, en même temps africaine et chrétienne.

En ce qui concerne la foi et la théologie, tout le monde volt que des problèmes importants sont en jeu: le contenu de la foi, la recherche de sa meilleure expression, le rapport entre la théologie et la foi, l’unité de la foi. Mon vénéré prédécesseur Paul VI y avait fait allusion au terme du Synode de 1974 (cf
AAS 66 (1974) 636-637). Et il avait lui-même rappelé certaines règles aux délégués du SCEAM en septembre 1975:

“a) Lorsqu’il est question de la foi chrétienne, il faut s’en tenir au “patrimoine identique, essentiel, constitutionnel de la même doctrine du Christ, professée par la tradition authentique et autorisée de l’unique et véritable Église”;

b) il importe de se livrer à une investigation approfondie des traditions culturelles des diverses populations, et des données philosophiques qui les sous-tendent, pour y déceler les éléments qui ne sont pas en contradiction avec la religion chrétienne et les apports susceptibles d’enrichir la réflexion théologique” (cf
AAS 67 (1975) 572).

Moi-même, l’an dernier, dans l’exhortation sur la catéchèse, j’attirais l’attention sur le fait que le Message évangélique n’est pas isolable purement et simplement de la culture biblique où il s’est d’abord inséré, ni même, sans déperditions graves, des cultures où il s’est exprimé au long des siècles; et que d’autre part la force de l’Évangile est partout transformatrice et régénératrice (cf JP
II Catechesi Tradendae, 53).

Dans le domaine de la catéchèse, des présentations plus adaptées à l’âme africaine peuvent et doivent être faites, tout en tenant compte des échanges culturels de plus en plus fréquents avec le reste du monde; il faut veiller simplement à ce que les travaux soient faits en équipe et contrôlés par l’épiscopat, pour que l’expression soit correcte et que toute la doctrine soit présentée.

Dans le domaine des gestes sacrés et de la liturgie, tout un enrichissement est possible (cf
Sacrosanctum Concilium, 37-38), à condition que la signification du rite chrétien soit toujours bien gardée et que l’aspect universel, catholique, de l’Église apparaisse clairement (“unité substantielle du rite romain”) en union avec les autres Églises locales et en accord avec le Saint-Siège.

Dans le domaine éthique, il faut mettre en lumière toutes les ressources de l’âme africaine qui sont comme des pierres d’attente du christianisme: Paul VI les avait déjà évoquées dans son message à l’Afrique du 29 octobre 1967, et vous les connaissez mieux que quiconque, pour ce qui est de la vision spirituelle de la vie, du sens de la famille et des enfants, de la vie communautaire, etc.

Comme en toute civilisation, il est d’autres aspects moins favorables. De toute façon, comme vous l’avez si bien rappelé, il y a toujours une conversion à opérer, au regard de la personne du Christ, le seul Sauveur, et de son enseignement, tel que l’Église nous le transmet: c’est alors que se produit la libération, la purification, la transfiguration, l’élévation qu’il est venu apporter et qu’il a réalisée dans son mystère pascal, de mort et de résurrection. Il faut considérer à la fois l’Incarnation du Christ et sa Rédemption. Vous-mêmes avez tenu à préciser que le recours à l’authenticité ne permet pas “d’opposer les principes de la morale chrétienne à ceux de la morale traditionnelle” (
Epistula, 27.11.1977). En un sens, l’Évangile comble les aspirations humaines, mais en contestant les profondeurs de l’humain pour le faire s’ouvrir à l’appel de la grâce et en particulier à une approche de Dieu plus confiante, à une fraternité humaine élargie, universelle. L’authenticité ne détournera pas l’homme africain de son devoir de conversion. Bref, il s’agit de devenir des chrétiens authentiques, et authentiquement africains.

6. Dans cette œuvre d’enculturation, d’indigénisation, déjà bien commencée, comme dans l’ensemble de l’œuvre d’évangélisation, de multiples questions particulières surgiront en chemin, concernant telle ou telle coutume - je pense en particulier aux problèmes difficiles du mariage - tel ou tel geste religieux, telle ou telle méthode. Questions difficiles, dont la recherche de solution est confiée à votre responsabilité pastorale, à vous évêques, en dialogue avec Rome: vous ne pouvez pas vous en dessaisir. Cela nécessite d’abord une cohésion parfaite entre vous.

Chaque Église a ses problèmes, mais partout, je ne crains pas de répéter, comme je le disais aux évêques polonais: “C’est cette unité qui est source de force spirituelle”. Une telle solidarité vaut dans tous les domaines: celui de la recherche, celui des grandes décisions pastorales, également celui de l’estime mutuelle, quelle que soit votre origine, sans oublier celui du soutien mutuel, dans la vie exemplaire qui vous est demandée et qui peut exiger des monitions fraternelles

7. Il ne vous échappe pas non plus à quel point la solidarité avec l’Église universelle dans les choses qui doivent être communes, et en particulier la communion confiante avec le Saint-Siège, sont nécessaires pour l’authenticité catholique de l’Église au Zaïre, pour sa force et pour son avancée harmonieuse. Mais elles sont nécessaires aussi à la vitalité de l’Église universelle, où vous apporterez le témoignage de votre sollicitude pastorale et la contribution de votre zèle évangélisateur, sur des points importants pour toute l’Église. Ce sont les exigences, ou plutôt, la grâce de notre catholicité (cf
Lumen Gentium, 13 supra memorata). Dieu soit loué qui permet à son Église cet échange vital et cette communion entre tous les membres du même Corps, le Corps du Christ! Le Saint-Siège ne vous déchargera d’aucune responsabilité; au contraire il vous responsabilisera; et il vous aidera à trouver les solutions les plus conformes à votre vocation. Pour moi, je suis sûr que vos préoccupations y seront accueillies avec compréhension.

8. A présent, je voudrais dire aussi un mot de quelques problèmes pastoraux concrets: je les évoque pour manifester la part que je prends à votre responsabilité.

J’ai parlé de votre unité entre évêques, de votre coresponsabilité collégiale qui a fait ses preuves en des moments particulièrement difficiles. Je vous encourage également à favoriser au mieux, dans chacun de vos diocèses, l’unité des forces vives de l’évangélisation, et d’abord de vos prêtres.

Certains sont Zaïrois et c’est une grande chance pour l’avenir de votre Église. Beaucoup d’autres, prêtres séculiers et souvent religieux, sont venus comme “missionnaires” ou sont restés pour vous aider, tout en sachant qu’ils doivent, au fur et à mesure des possibilités, céder la première place aux pasteurs indigènes.

Vous reconnaissez tous que leur service a été capital pour l’évangélisation dont nous fêtons le centenaire, qu’il demeure important et actuellement indispensable, étant donné l’ampleur même numérique des fidèles et la complexité des besoins apostoliques. Ils restent auprès de vous l’expression de l’universalité et des échanges nécessaires entre les Églises.

Que tous, Zaïrois ou non, ne forment qu’un presbyterium autour de vous! Que tout soit fait pour aplanir et multiplier les chemins de l’estime mutuelle, de la fraternité, de la collaboration! Que soit banni tout ce qui serait cause de souffrances ou de mise à l’écart, pour les uns ou pour les autres! Que tous soient pénétrés de sentiments d’humilité et de service mutuel! Pour le Christ! Pour le témoignage de l’Église! Que tous puissent dire: “Voyez comme ils s’aiment!”. Pour l’avancée de l’évangélisation!

Des progrès ont déjà été accomplis. Je suis sûr que vous ferez tout pour créer ce climat.

Par ailleurs, vous avez appelé plusieurs fois l’ensemble de vos prêtres et de vos religieuses à une grande dignité de vie. J’ai relevé un passage que vous citiez dans sa forme poétique: “Vous-mêmes, les premiers, réformez-vous. Soyez de vertus, non de sole habillés. Ayez chaste le corps, simple la conscience. Soit de nuit, soit de jour, apprenez la science. Gardez pour le peuple une humble dignité et joignez la douceur avec la gravité” (
Exhortatio, 10.06.1977).

Eh oui, l’amour radical que les d mes consacrées ont voué au Seigneur, pour lui-même et pour un service plus disponible à tous leurs frères et l’annonce du monde à venir, avec la discipline de vie qu’il exige, doit briller comme la lumière, être comme le sel, entretenir “au sein du peuple de Dieu le “tonus” indispensable qui l’aide à soulever la pâte humaine”
(Exhortatio, 10.06.1977).

En particulier, les prêtres, les religieux - et aussi les religieuses - doivent avoir de solides convictions sur les valeurs positives et essentielles de la chasteté dans le célibat, et demeurer très vigilante dans leur comportement pour être fidèles sans ambiguïté à cet engagement qu’ils ont pris - pour le Seigneur et pour l’Église - et qui est capital, en Afrique comme ailleurs, comme témoignage et pour entraîner le peuple chrétien dans la marche laborieuse vers la sainteté.

Tout cela est possible avec la grâce de Dieu, et surtout si l’on prend à cœur les moyens spirituals et les multiplex besoins qui sollicitent le zèle pastoral. Les prêtres ont certes grana besoin de votre aide fraternelle, de votre proximité, de votre exemple personnel, de votre affection.

9. La sainteté et le zèle de vos prêtres faciliteront aussi grandement l’éveil des vocations sacerdotales, et je pense rejoindre là un de vos soucis majeurs. Comment l’Église du Zaïre fera-t-elle face à l’avenir si elle ne dispose pas de prêtres plus nombreux issus du terroir, séculiers ou religieux? Il nous faut prier et faire prier pour cela. Il nous faut “appeler” au service du Seigneur, faire saisir aux familles et aux jeunes la beauté de ce service. Mais le problème est aussi celui de la formation de ces séminaristes ou novices: puissent-ils toujours bénéficier de la présence, du dialogue et de l’exemple de directeurs spirituals, experts dans la conduite des âmes.

Je crois par ailleurs que beaucoup de vocations religieuses ont fleuri chez vous, soit dans le cadre des Congrégations missionnaires, soit maintenant dans le cadre d’Instituts nés sur votre sol.

Puissent elles, grâce à une solide formation, grâce à leur dévouement aux œuvres apostoliques, grâce à leur témoignage transparent, écrire une nouvelle page dans la vie des religieuses dans l’Église! Je n’oublie pas celle qui a laissé un sillage si lumineux qu’on a parlé de sa béatification, Sœur Anwarite.

10. Je me réjouis aussi de tout ce qui a été fait dans ce pays pour doter l’Église de catéchistes laïcs et de responsables de petites communautés, qui sont les chevilles ouvrières de l’évangélisation, en lien constant et direct avec les familles, les enfants, les différentes catégories du peuple de Dieu. Il faut sûrement favoriser tout ce déploiement de l’action indispensable du laïcat, en communion étroite avec les pasteurs. J’aurai l’occasion d’aborder plus longuement ce sujet au cours de mon voyage.

Pour la vie familiale, j’en ai longuement parlé ce matin. Comment faire cheminer les jeunes et les foyers vers la pleine réalisation du projet de Dieu sur les époux et les parente, malgré des difficultés certaines, mais en s’appuyant en même temps sur des ressources de l’âme africaine, sur l’expérience séculaire de l’Église et sur la grâce, voilà un objectif pastoral primordial. Ce sera pour l’Église une bénédiction et pour le pays un progrès de premier ordre.

Une chose qui doit tenir à cœur aux parente, aux pasteurs et à tous les ouvriers de l’évangélisation c’est l’éducation religieuse des enfants, quel que soit le statut des écoles et surtout à cause du statut actuel: initiation familiale à l’Évangile, poursuivie par une catéchèse systématique, comme je l’ai exposé, à la suite du Synode des évêques, dans l’exhortation “Catechesi Tradendae”.

11. Je pense encore à toute la participation que l’Église apporte au développement du pays, non seulement en préparant la conscience des citoyens au sens de la loyauté, du service gratuit, du travail bien fait, de la fraternité - ce qui est directement son rôle - mais en pourvoyant sur bien des plans aux besoins multiplex des populations, aggravés souvent par les épreuves, aux plans de l’école, de l’aide sanitaire, des moyens de subsistance, etc. C’est une suppléance que la charité impose à l’Église - “caritas urget nos” - et que le sens du bien commun de votre patrie vous fait trouver normale.

12. Vous aimez profondément cette patrie. Je comprends ces sentiments. Vous savez l’amour que je porte à celle où j’ai mes racines. L’unité d’une patrie se forge d’ailleurs à travers des épreuves et des efforts où les chrétiens ont leur part, surtout lorsqu’ils forment une part notable de la nation.

Votre service de Dieu comprend cet amour de la patrie. Il concourt au bien de la patrie, comme le pouvoir civil y est ordonné sur son plan à lui. Mais il se distingue de ce dernier et, tout en respectant sa compétence et sa responsabilité, il doit pouvoir s’exercer lui-même dans une pleine liberté, dans sa sphère qui est l’éducation de la foi, la formation des consciences, la pratique religieuse, la vie des communautés chrétiennes, et la défense de la personne humaine, de ses libertés et de ses droits, de sa dignité. Je sais que tel a été votre souci. Et je souhaite qu’il en résulte une paix profitable à tous.

13. Un dernier point: pour aider l’élite chrétienne à faire face selon la foi aux problèmes que ne manquent pas de poser une rapide évolution et le contact avec d’autres civilisations, avec d’autres systèmes de pensée, il est capital, au plan théologique, que la recherche et l’enseignement soient promus, en votre pays, comme il convient, c’est-à-dire en joignant à un enracinement profond dans la tradition de toute l’Église, qui a donné sa sève à votre communauté, la réflexion que requiert votre enracinement africain et les problèmes nouveaux qui surgissent. C’est dire que je forme des vœux fervente pour votre Faculté de théologie de Kinshasa, pour son haut niveau intellectuel, pour sa fidélité ecclésiale et pour son rayonnement en votre pays et au-delà.

14. Je vais m’en tenir là aujourd’hui. Mais c’est un dialogue qui devra toujours être poursuivi avec le Successeur de Pierre, avec les instances du Saint-Siège, avec les autres Églises locales, qui n’ont qu’un souci: permettre à l’élan de votre Église de poursuivre sa course dans les meilleures conditions, “en toute assurance et sans entrave” (
Act 28, 31). Et je souhaite que cet élan ne profite pas à vous seuls, mais qu’il soit toujours plus missionnaire. “Vous êtes vos propres missionnaires”, disait Paul VI à Kampala, voilà onze ans. C’est en partie réalisé. Mais j’ajoute: visez à être missionnaires à votre tour, non seulement en ce pays où l’Évangile est encore attendu, mais au-dehors, et en particulier en d’autres pays d’Afrique. Une Église qui donne, même de ses ressources limitées, sera bénie du Seigneur, car on rencontre toujours une plus pauvre que sol.

L’Esprit Saint vous a constitués Pasteurs de votre peuple en cette heure importante de l’histoire chrétienne du Zaïre. Qu’il affermisse la foi et la charité de tous ceux qui vous sont confiés! Et que Marie, la Mère de l’Église, intercède pour vous tous. Soyez assurés de ma prière, comme je compte sur la vôtre. Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique."

Discours du Pape St Jean Paul II aux Évêques des autres Pays Africains
Kishasa, Zaïre, samedi 3 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"J’ajoute maintenant un mot à l’intention des Évêques venus des autres pays africains.

Bien chers frères dans le Christ, ceste rencontre avec vos personnes me procure une grande joie. J’ai hâte de connaître aussi chacune de vos patries, chacune de vos Églises, sur place. J’aurais bien aimé élargir le cercle de mes visites. Peut-être êtes-vous de ceux qui m’aviez invité avec insistance?

Il n’a pas semblé possible ceste foie-ci d’aller au-delà du programme qui a été retenu pour des raisons convergentes et bien pesées. Je le regrette profondément, d’autant plus que vos communautés chrétiennes nourrissent un attachement très fervent et très spontané au Pape, et qu’elles méritaient un encouragement particulier, soit à cause de leur vitalité, soit à cause de leurs épreuves. Je le regrette aussi pour moi qui aurais apprécié ce nouveau témoignage. Mais je me considère lié par chacune de ces invitations, que j’essaierai d’honorer avec l’aide de Dieu en temps opportun. En attendant, dites bien à vos confrères, à vos prêtres, à vos religieux, à vos religieuses, à vos laïcs, que le Pape les senne et les bénit avec une grande affection.

Je sais que l’Afrique est loin d’être uniforme, que divers sont les peuples et les ethnies, particulières les traditions, variée aussi l’implantation de l’Église catholique. Il arrive parfois que vous vous trouvez dans la situation du petit troupeau qui doit conserver son identité chrétienne et en même temps en témoigner.

Cependant, une partie des problèmes pastoraux que j’ai abordés avec vos confrères du Zaïre valent aussi pour vous: la poursuite de l’évangélisation, l’approfondissement de l’esprit chrétien, l’africanisation, la solidarité des évêques, entre eux, avec les autres Églises locales et avec le Saint-Siège, la dignité de la vie des prêtres, des religieux, votre présence à leur vie, la question des vocations, les problèmes familiaux, la promotion humaine, etc. Un rôle magnifique vous est confié à tous, avec la grâce de Dieu: contribuer à édifier une civilisation où Dieu a sa place et où par conséquent l’homme est respecté. Et s’il fallait laisser une consigne à tous les membres de vos Églises, je dirais: restez bien unis. Merci de votre visite! Que la paix du Christ soit avec vous tous!"

Discours du Pape St Jean Paul II aux Religieuses d'Afrique
Kishasa, Zaïre, samedi 3 mai 1980 - in French, German, Italian, Portuguese & Spanish

"Chères Sœurs,
Rendons grâce à Dieu notre Père, par son Fils Jésus, notre Seigneur dans l’Esprit qui habite en nos cœurs, pour le grand bonheur de cette rencontre et pour les fruits qui en résulteront dans vos communautés respectives et dans la vie de l’Église qui est en Afrique!

1. En ces instants privilégiés, oubliez vos particularités légitimes pour sentir profondément votre appartenance unique au même Dieu et Père, rappelée de manière frappante par l’Apôtre Paul dans sa lettre aux Éphésiens: “Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous” (
Eph 4, 5-6). Laissez-moi vous encourager à célébrer intimement et avec ferveur l’anniversaire de votre naissance à la vie divine par la grâce du baptême, comme l’événement le plus important de votre existence, et le plus significatif de votre vocation chrétienne à la fraternité.

Venues à la vie religieuse de milieux sociaux, de pays et même de continents très différents, vous vivez en communautés pour attester - à l’encontre des nationalismes, des préjugés, parfois des haines -, la possibilité et la réalité de cette fraternité universelle, à laquelle tous les peuples aspirent confusément. Vous êtes sœurs également, parce que vous avez toutes entendu le même appel évangélique: “Si tu veux être parfaite, va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux; puis viens, suis-moi” (cf
Mt 19, 21).

Cet appel unique dans sa source divine est une autre exigence - que vous soyez vouées à la contemplation ou adonnées aux tâches directes de l’évangélisation - à vous montrer extrêmement fraternelles entre vous comme entre Congrégations, et à vous entraider toujours mieux sur trois plans qui me paraissent essentiels: la juste vision et le courageux accomplissement de votre consécration, l’empressement à participer à la mission de l’Église, la poursuite d’une solide formation spirituelle et d’une judicieuse ouverture aux réalités de votre époque et de vos milieux de vie.

2. En peu de mots, le Concile Vatican II situe la vie consacrée comme “un don divin que l’Église a reçu du Seigneur et -tue, par grâce, elle conserve fidèlement” (
Lumen Gentium, 43). Sans ignorer les ombres de l’histoire bimillénaire du peuple de Dieu, on peut affirmer que la femme - pour sa part - a magnifiquement répondu aux appels du Christ à la plénitude évangélique du don de sol.

Il y a semble-t-il, dans la féminité du corps et du cœur, une singulière disposition à faire de sa vie une oblation royale au Christ comme au seul Époux. Précisément, cette féminité - souvent considérée par une certaine opinion publique comme follement sacrifiée dans la vie religieuse - est en fait retrouvée et dilatée à un plan supérieur: celui du Royaume de Dieu.

Par exemple, la fécondité physique, qui tient tant de place dans la tradition africaine, ainsi que l’attachement à la famille, sont des valeurs qui peuvent être vécues par la religieuse africaine au sein d’une communauté beaucoup plus large et sans cesse renouvelée, et au bénéfice d’une fécondité spirituelle absolument étonnante. C’est bien dans cette perspective que la chasteté religieuse, très fidèlement observée, prend tout son relief d’amour préférentiel du Seigneur et de disponibilité totale aux autres.

De même de nombreuses Africaines entrées en religion cherchent à donner au vœu de pauvreté un visage nouveau, et plus adapté aux milieux dont elles sont issues. Elles tiennent à vivre du fruit de leur travail et à partager sans cesse ce fruit avec d’autres. Tout en demeurant rigoureusement fidèles à l’authentique conception de l’obéissance religieuse - qui est toujours le sacrifice de la volonté propre - bien des Sœurs s’efforcent de la vivre en dialogue confiant avec leurs responsables en qui elles voient une présence du Christ. Ce nouvel aspect est en consonance avec la dignité et la promotion de la femme en notre temps.

En vous parlant ainsi, chères Sœurs, je voudrais vous aider à bien saisir ou à ressaisir l’essentiel de votre état religieux: la consécration totale et sans retour de votre moi profond et de vos capacités féminines au Christ et à son Royaume. Nous sommes là au cœur même du mystère de votre vie, difficile à comprendre en dehors de la foi. Mystère qui surpasse tout le reste: l’acquisition de compétences et de diplômes, la répartition des fonctions et des responsabilités, les soucis d’intendance ou d’implantation, les problèmes de structures et d’observances.

En un mot, votre consécration, radicalement vécue, est bien l’essentiel de votre état religieux, le roc permanent, qui permet aux Congrégations et à leurs sujets de faire face aux adaptations exigées par les circonstances sans courir le risque d’affadir ou de trahir le charisme dont le Christ a doté son Église.

3. Solidement enracinées dans les exigences prioritaires de votre don total, authentifié par l’Église, votre vie ne peut que se consumer au service de ceste Église pour laquelle le Christ s’est livré (cf
Eph 5, 25).

La mission de l’Église est d’abord prophétique. Elle annonce le Christ à toutes les nations (cf
Mt 28, 19-20) et leur transmet son message de salut. Voilà qui met d’abord en jeu votre style de vie personnelle et communautaire (cf Paul VI Evangelii Nuntiandi, 14). Est-il véritablement lumineux (cf Mt 5, 16), prophétique?

Le monde actuel attend partout, peut-être confusément, des vies consacrées qui disent, en actes plus qu’en paroles, le Christ et l’Évangile. L’Épiphanie du Seigneur que vous aimez célébrer en Afrique, dépend de vous! L’Église prophétique compte également sur vous, ici comme dans les autres continents, pour participer avec empressement à son immense labeur catéchétique. On attend partout des Sœurs catéchètes et des Sœurs vouées à la formation de laïcs catéchètes.

Les religieuses qui - pour des raisons d’épanouissement personnel - délaissent trop facilement cette tâche ecclésiale prioritaire, sont-elles toujours sûres d’être fidèles à leur consécration? Je sais que les efforts et les résultats de l’enseignement catéchétique en Afrique sont remarquables. Mais il faut les poursuivre et les étendre. Les chrétiens de tous les âges et de tous les milieux ont besoin d’être accompagnés pour faire face aux mutations socioculturelles de notre temps. Je vous demande, mes Sœurs, d’apporter davantage encore à la mission prophétique de l’Église.

L’évangélisation, de soi-même et des autres, aboutit au culte divin. L’Église a aussi une vocation sacerdotale à laquelle vous êtes intimement associées. A la suite de saint Benoît ou de saint Bernard, de sainte Claire d’Assise ou de sainte Thérèse d’Avila, les moniales cloîtrées assument à plein temps, au nom de l’Église, ce service de la louange divine et de l’intercession.

Cette forme de vie est aussi un apostolat de très grande valeur ecclésiale et rédemptrice, que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus a magnifiquement illustré au cours de sa brève existence au Carmel de Lisieux. N’oublions pas que le Pape Pie XI l’a proclamée “Patronne des missions”.

J’exprime donc mes plus vifs encouragements aux contemplatives qui sont sur la terre d’Afrique et je demande à Dieu que leurs monastères se remplissent de vocations sérieusement motivées.

Comment oublierais-je les Sœurs malades, infirmes et âgées? A longueur de jour et souvent de nuit, lorsque le sommeil est difficile, elles présentent au Seigneur l’oblation silencieuse de leurs prières quasi ininterrompues de leurs souffrances physiques ou morales, de leur “fiat” à la volonté divine. Elles aussi sont le peuple sacerdotal que le Christ s’est acquis par le sang de sa croix. Avec lui, elles sauvent le monde.

Quant aux religieuses exerçant un apostolat direct dans les villes et les villages, l’Église, en la personne des évêques et des prêtres, attend beaucoup de leurs talents et de leur zèle pour l’animation des assemblées chrétiennes. L’initiation au sens profond de la liturgie, à la célébration des sacrements, spécialement de l’Eucharistie, comme la formation des enfants et des adultes à la prière personnelle, à l’offrande généreuse de leur vie quotidienne, en union avec celle du Christ (
1 Pt 2, 4-10), constitue un domaine extrêmement important où vous êtes capables d’exceller, du fait de vos qualités pédagogiques, de votre sens inné du mystère de Dieu, et de votre propre générosité à prier. La ferveur du peuple de Dieu, célébrant son Seigneur, dépend beaucoup de vous.

Enfin la mission de l’Église est royale. C’est d’abord l’évêque qui doit veiller à la croissance et à l’unité de la foi, ainsi qu’à la fraternité de l’amour, dans son diocèse. C’est lui qui ordonne et stimule les activités apostoliques. Mais dans le peuple de Dieu, convié tout entier à investir ses forces et ses talents spécifiques dans les divers secteurs pastoraux de la vie des diocèses et des paroisses, les religieuses ont bien leur place (
Paul VI Evangelii Nuntiandi, 69).

Je laisse aux évêques africains le soin de discerner avec sagesse les signes des temps dans leurs propres diocèses et de voir concrètement, avec les diverses Congrégations, comment les religieuses peuvent aujourd’hui s’intégrer plus efficacement dans les activités pastorales de l’Église diocésaine.

Permettez moi cependant de souligner ici que vos dons féminins vous prédisposent à exercer auprès des jeunes filles et des femmes africaines le rôle très précieux de “conseillères”, d’une manière analogue au service accompli par les “mères de village”.

4. Chères Sœurs, je ne veux pas achever cet entretien paternel sans vous encourager vivement à demeurer toujours en quête d’approfondissement spirituel et de formation humaine, afin d’être toujours “plus femme” et “plus religieuse”.

Donnez-vous la main entre maisons religieuses, entre Congrégations, pour organiser des temps et des lieux de silence et de méditation, pour bénéficier de sessions de spiritualité, de théologie, de pastorale.

Encouragez-vous les unes les autres à y participer. Entraidez vous pour assumer les dépenses occasionnées par ces retraites et sessions. Votre témoignage d’amour fraternel doit être manifeste. Avec vos responsables diocésains, prenez soin de faire toujours appel à des guides sûrs et compétents.

Jésus lui-même a utilisé le proverbe “on juge l’arbre à ses fruits”! Avec calme et bon sens, voyez toujours où vous conduisent ces retraites et sessions. A plus d’intimité avec le Seigneur? A plus de courage et de transparence évangélique? A plus d’amour fraternel? A plus de pauvreté personnelle et communautaire? A plus de partage de ce que vous êtes et de ce que vous avez avec les plus déshérités? A plus de zèle pour la mission de l’Église? Alors les moyens choisis étaient sûrs et ont été utilisés avec sérieux. S’il n’en était pas ainsi, il importe de les changer avant qu’il soit trop tard.

5. Parce que vous êtes religieuses aujourd’hui, il est indispensable, même si vous êtes contemplatives, de veiller à votre formation humaine, de connaître suffisamment la vie et les problèmes des gens d’aujourd’hui surtout si vous avez mission de leur annoncer l’Évangile. Jeunes et adultes sont sensibles à l’étoffe humaine de ceux qui ont “tout perdu et tout gagné” pour suivre le Christ! A ce plan de l’obligation de vous former et de vous informer, voyez loyalement où vous en êtes: la règle d’or est la subordination constante de vos acquisitions humaines à la mission privilégiée que le Christ vous a confiée en son Église, pour le salut de vos frères humains.

Chères Sœurs, je sais que vous priez beaucoup pour moi, et je vous en remercie du fond du cœur. En retour, je tiens à vous assurer que les religieuses du monde entier ont une très grande place dans ma vie et ma prière de chaque jour. Vous êtes, toutes, mon souci et ma joie, mon appui et mon espérance! Que le Seigneur vous affermisse dans votre consécration et votre mission, pour sa gloire et pour le plus grand bien de vos diocèses africains et de toute l’Église!"

Discours du Pape St Jean Paul II aux Chrétiens d'autres Églises
Kishasa, samedi 3 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"Chers amis dans le Christ,
1. Je suis heureux de pouvoir vous rencontrer ce soir et de vous saluer tous au nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Merci de votre présence. Nous avons la joie de nous trouver ensemble, réunis par notre amour pour le Seigneur, lui qui a prié, le soir du Jeudi saint, pour que tous ceux qui croiront en lui soient un. Nous lui demanderons donc de faire que tous ceux qui se réclament de son nom soient pleinement fidèles aux appels de la grâce et se retrouvent un jour dans son unique Eglise.

2. Nous devons remercier le Seigneur de ce que les oppositions d’autrefois ont cédé la place à un effort de rencontre fondé sur l’estime mutuelle, la recherche de la vérité et la charité. Notre réunion de ce soir en est un signe. Pourtant, nous le savons, le but magnifique que nous recherchons pour obéir à l’ordre du Seigneur n’est pas atteint. Pour y parvenir, il y faut, avec la grâce de Dieu, “la conversion du cœur et la sainteté de vie” qui constituent, avec la prière pour l’unité, comme le deuxième Concile du Vatican l’a souligné, “l’âme du mouvement œcuménique”  (
Unitatis Redintegratio, 8).

Toute initiative en vue de l’unité serait vaine si elle était privée de ceste assise, si elle n’était pas fondée sur la quête incessante et parfois douloureuse de la pleine vérité et de la sainteté. Cette quête, en effet, nous rapproche du Christ et, par lui, nous rapproche réellement les uns des autres.

Je sais, et je m’en réjouis, que diverses formes de collaboration au service de l’Évangile existent déjà entre les différentes Églises et Communautés chrétiennes de votre pays: un tel engagement est un signe du témoignage que tous ceux qui se réclament du Christ veulent rendre à l’action salvifique de Dieu, à l’œuvre dans le monde; il est aussi un pas véritable vers l’unité que nous demandons dans notre prière.

3. Dès mon élection comme Évêque de Rome, j’ai plusieurs fois réaffirmé, vous le savez, mon désir ardent de voir l’Église catholique entrer pleinement dans l’œuvre sainte qui a pour but la restauration de l’unité. J’espère que ma présence aujourd’hui parmi vous sera considérée comme un signe de cet engagement. Certes, les différents pays et les différentes régions ont chacun leur histoire religieuse, c’est pourquoi les modalités du mouvement œcuménique peuvent différer, mais son impératif essentiel demeure toujours identique: la recherche de la vérité dans son centre même, le Christ. C’est lui que nous cherchons avant tout, pour trouver en lui la véritable unité.

Chers amis dans le Seigneur, je vous remercie de nouveau de tout cœur d’avoir été présents avec moi aujourd’hui. Puisse notre rencontre de ce soir être un signe de notre désir que vienne le jour bienheureux que nous appelons dans notre prière, celui où, par l’œuvre du Saint-Esprit, nous serons vraiment un “afin que le monde croie” (Jn
17,21)!

Priant ce soir pour l’unité, pour la réunion de tous ceux qui se réclament du Christ dans son unique Église, nous ne pouvons faire mieux que de reprendre les propres paroles du Seigneur, le soir du Jeudi saint, après qu’il eut prié spécialement pour ses apôtres: “Ce n’est pas seulement pour ceux-là que je prie, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’ils soient un en nous eux aussi, afin que le monde croie que c’est toi qui m’as envoyé” (Jn
17, 20-21).

Ensemble, nous demandons au Père de notre Seigneur Jésus-Christ de nous donner de faire sa volonté:

Notre Père qui es aux cieux, / que ton nom soit sanctifié, / que ton règne vienne, / que ta volonté soit faite / sur la terre comme au ciel. / Donne-nous aujourd’hui / notre pain de ce jour. / Pardonne-nous nos offenses, / comme nous pardonnons aussi / à ceux qui nous ont offensés. / Et ne nous soumet pas à la tentation, / mais délivre-nous du Mal. / Amen."

Discours du Pape St Jean Paul II au Corps Diplomatique
Kishasa, samedi 3 mai 1980 - in French, German, Italian, Portuguese & Spanish

"Excellences, Mesdames, Messieurs,
1. Dans le cadre de la visite que j’effectue, en tant que Chef spiritual, au Zaïre et aux communautés catholiques qui vivent dans ce territoire, je me félicite de la possibilité qui m’est donnée de rencontrer et de saluer le Corps Diplomatique accrédité auprès du Gouvernement de Kinshasa. Et je voudrais commencer par remercier votre Doyen qui a su, avec tant de courtoisie, se faire votre interprète en m’adressant des paroles auxquelles j’ai été très sensible.

Le Saint-Siège lui-même, soucieux de favoriser un climat de dialogue avec les instances civiles responsables de la société, est heureux d’établir, avec les États qui le souhaitent, des relations stables, comme un instrument, fondé sur la compréhension et la confiance mutuelles, au service de l’avenir et du progrès de l’homme dans toutes ses dimensions. Tel a été et tel est le cas du Zaïre, et je me réjouis des contacts rendus possibles avec ses dirigeants par la présence en ce pays d’un Représentant pontifical. Ce dernier a un rôle particulier auprès des pasteurs des divers diocèses, mais, comme vous, il doit aussi chercher à mieux connaître la réalité intérieure de ce pays qui dispose de beaucoup de potentialités humaines et naturelles, à mieux découvrir les aspirations de ses citoyens, et à promouvoir un esprit d’entente et de coopération au plan international.

2. Investis dans cette grande capitale d’une mission s’inspirant des plus nobles idéaux de la fraternité humaine, il me semble que vous êtes tous conscients Mesdames et Messieurs, de l’ampleur de l’enjeu, qui dépasse le cadre immédiat. Vous vous trouvez, nous nous trouvons au cœur de l’Afrique. C’est pour moi l’occasion de vous faire part d’une conviction très forte, et en même temps d’une nécessité impérieuse. La conviction qu’aucune situation locale n’est aujourd’hui sans répercussion à une échelle plus vaste; j’en vois pour preuve les événements qui marquent, parfois douloureusement, une partie ou une autre du continent, et ne peuvent pas ne pas blesser la dignité de l’âme africaine ni même la conscience de l’humanité.

3. Faut-il évoquer les problèmes liés au racisme, que tant de voix à travers le monde ont dénoncé, et que l’Église catholique, pour sa part, réprouve de la manière la plus ferme? Mes prédécesseurs sur le Siège de l’Apôtre Pierre, le Concile Vatican II et les évêques directement concernés ont eu maintes occasions de proclamer le caractère anti-évangélique de cette pratique [
cf Pii XI Mit brennender Sorge, 2-3; Ioannis XXIII Pacem in Terris, 86; Pauli VI Africae Terrarum, 17; Eiusdem Allocutio ad honorabiles Viros e publico Legumlatorum Coetu Reipublicae Ugandensis, die 1 aug. 1969: AAS 61 (1969) 580-586.].

Certains commentateurs ont également souligné mon souci de défendre en tous points les droits de l’homme, selon Dieu; je puis vous dire que, à mon sens, c’est bien en luttant contre ce fléau du racisme que j’entends aussi agir pour promouvoir leur respect. Fort heureusement, des signes sont donnés, comme au Zimbabwe, que des efforts patients peuvent parfaitement fonder des espoirs réalistes.

4. Faut-il évoquer encore le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, sans renier pour autant - car la sagesse ne doit pas être absente - ce qui est issu des vicissitudes de l’histoire? Comment ne pas désirer, en stricte justice, accéder à la maîtrise réelle, et dans tous les domaines, de son propre destin?

L’Afrique a connu, depuis vingt ans surtout, des modifications indéniables de sa structure politique et sociale. Il demeure cependant des motifs de grave préoccupation, soit que de jeunes nations aient éprouvé quelque difficulté à atteindre en une si brève période leur équilibre intérieur, soit que, malgré les initiatives des instances internationales, le processus vers la souveraineté s’avère trop long ou dépourvu de garanties suffisantes.

5. Parmi de nombreux sujets, j’ai voulu vous entretenir explicitement de ceux-ci en raison de leur importance primordiale, mais il est temps, pour ne pas abuser de votre bienveillance, d’en venir à la nécessité urgente à laquelle je faisais allusion. Elle naît d’une vision globale du monde. En la formulant, je ne prétends nullement rivaliser avec les stratèges de la communauté internationale. Ce n’est ni ma mission, ni mon propos, ni de ma compétence. Je viens ici, en Afrique, avec pour tout bagage la force de l’Évangile, celle de Dieu [cf
1 Cor. 1, 26-29.]. Je voudrais susciter en l’homme, mon frère, qui m’écoute peut-être’ le sens du respect véritable et de la dignité du frère africain.

C’est avec un étonnement empreint de tristesse que l’on constate que ce continent est lui aussi marqué par des influences dirigées de l’intérieur ou de l’extérieur, sous couvert d’aide économique souvent, en réalité dans la perspective d’un intérêt qui n’a de vraiment humanitaire qui son étiquette. Comme on souhaiterait que les diverses nations qui le composent puissent vivre et grandir dans la paix, à l’écart des conflits idéologiques ou politiques qui sont étrangers à sa mentalité profonde! Qu’elles ne soient pas amenées à consacrer aux armements, par exemple, une part démesurée des moyens parfois réduits dont elles disposent [cf
Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad Nationum Unitarum Legatos, 10, die 2 oct. 1979: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, II, 2 (1979) 528-529.], ou que l’assistance qu’elles reçoivent ne soit pas subordonnée à une quelconque forme d’allégeance!

6. De tels facteurs ne peuvent engendrer à terme que la violence, ou même donner à celle-ci un caractère endémique: une violence ouverte, qui oppose entre eux des nations ou des groupes ethniques, et une violence plus sournoise parce que moins visible, qui affecte jusqu’aux mœurs, en devenant - c’est terrible à dire! - un moyen pratiquement normal de s’affirmer face à autrui.

Cela n’est pas digne de l’homme, et cela n’est pas digne en particulier de l’homme africain, qui a le sens de ce qu’on appelle, je crois, la palabre, c’est-à-dire de la confrontation loyale par la conversation et la négociation. On doit commencer par discuter pour se connaître, et non pas s’affronter. On doit commencer par aimer avant de juger. On doit rechercher inlassablement toutes les pistes pouvant mener à la paix et à l’entente, et, si le chemin semble encore long, entreprendre des efforts nouveaux.

Les luttes et les conflits n’ont jamais résolu aucun problème en profondeur. Lors de mon voyage en Irlande, l’an dernier, j’ai dit avec insistance et je répète ici “que la violence est un mal, que la violence est inacceptable comme solution aux problèmes, que la violence n’est pas digne de l’homme” [
cf Eiusdem Homilia in urbe "Drogheda" habita, 9, die 29 sept. 1979: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, II, 2 (1979) 428.]. Je me ferai, ici comme ailleurs, un messager inlassable d’un idéal excluant la violence, un idéal fondé sur la fraternité qui tire son origine de Dieu.

7. Oui, une observation et une “pratique” plus réelles de l’ensemble des droits de l’homme sont bien ces objectifs qui me conduisent à prendre fréquemment le bâton de pèlerin, pour éveiller ou réveiller la conscience de l’humanité. Il y va de la grandeur de l’homme. C’est par là que l’homme s’affirmera, et non par la course vers une puissance illusoire et fragile.

L’homme a droit en particulier à la paix et à la sécurité. Il a droit à ce que l’État, responsable du bien commun, l’éduque à pratiquer les moyens de la paix. L’Église a toujours enseigné, écrivais-je dans mon encyclique “Redemptor Hominis”, que “le devoir fondamental du pouvoir est la sollicitude pour le bien commun de la société... Au nom de ces prémisses relatives à l’ordre éthique objectif, les droits du pouvoir ne peuvent être entendus que sur la base des droits objectifs et inviolables de l’homme... Autrement on arrive à la désagrégation de la société, à l’opposition des citoyens à l’autorité, ou alors à une situation d’oppression, d’intimidation, de violence, de terrorisme, dont les totalitarismes de notre siècle nous ont fourni de nombreux exemples” [
Eiusdem Redemptor Hominis, 17.].

8. Tout cela, avec une distribution plus équitable des fruits du progrès, me paraît constituer autant de conditions d’une accélération d’un développement plus harmonieux de ceste terre que j’éprouve tant de joie à fouler en ces jours. Dieu veuille soutenir les efforts des responsables, aussi bien aux échelons nationaux qu’à l’échelon international, en particulier dans le cadre de l’Organisation de l’Unité Africaine, afin que l’Afrique puisse mûrir dans la sérénité, et trouver, dans le concert des nations, le rôle et le poids qui doivent être les siens. Ainsi elle sera mieux à même de faire bénéficier les autres peuples de son génie propre et de son patrimoine particulier.

Je vous renouvelle, Mesdames et Messieurs, ma profonde satisfaction d’avoir pu vous saluer et vous exprimer quelques-unes des pensées qui me tiennent le plus à cœur, et, en vous offrant mes vœux fervente pour les hautes fonctions que vous assumez, je demande au Tout-Puissant de vous assister ainsi que tous les vôtres."

Homélie de St Jean-Paul II à l'ordination épiscopale de 8 évêques
Kishasa, dimanche 4 mai 1980 - in French, German, Italian, Portuguese & Spanish

"Chers Frères dans le Christ,
En ce jour de grande joie, en cette circonstance solennelle, je m’adresse d’abord à vous qui allez recevoir la grâce de l’épiscopat: « Je ne vous appelle plus serviteurs..., je vous ai appelés amis » [
Jn 15, 15.]. Voilà ce que dit le Christ aux Apôtres, voilà ce qu’il vous dit.

1. Depuis longtemps déjà, vous êtes associés intimement à la vie du Christ. Votre foi s’est développée sur ce sol africain, dans votre famille ou dans votre communauté chrétienne, et elle a produit ses fruits. Vous avez ensuite suivi le Christ qui vous faisait signe de vous consacrer entièrement à sa mission. Vous avez reçu le sacerdoce ministériel des prêtres pour être les dispensateurs des mystères de Dieu. Vous vous êtes efforcés de l’exercer avec sagesse et courage.

Et voilà que vous avez été choisis pour « paître le troupeau dont l’Esprit Saint vous a institués gardiens », comme dit saint Paul aux anciens d’Ephèse, évêques pour le présider au nom et en place de Dieu, et marcher à sa tête. Vous recevez, comme disait encore saint Ignace d’Antioche, « le ministère de la communauté ». Pour cela, comme les Apôtres, vous êtes enrichis par le Christ d’une effusion spéciale de l’Esprit Saint qui rendra fécond votre ministère ; vous êtes investis de la plénitude du sacerdoce, sacrement qui imprime en vous son caractère sacré; ainsi, d’une façon éminente et visible, vous tiendrez la place du Christ lui-même, Docteur, Prêtre et Pasteur [cf
Lumen Gentium, nn.20-21]. Rendez grâce au Seigneur! Et chantez: alleluia!

C’est une grande joie et un honneur pour les communautés où vous avez vos racines ou qui vous reçoivent comme pasteurs, pour le Zaïre, le Burundi, le Soudan, Djibouti, et aussi pour les communautés religieuses qui vous ont formés. Vous avez été « pris parmi les hommes et établis pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu » [
He 5, 1]. Quand de jeunes Églises voient leurs fils assumer l’œuvre d’évangélisation et devenir les évêques de leurs frères, c’est un signe particulièrement éloquent de la maturité et de l’autonomie de ces Églises! En ce jour, gardons-nous d’oublier aussi les mérites de tous les pionniers qui ont préparé de loin ou de près ces nouveaux responsables, et en particulier les prêtres et les évêques missionnaires. Pour eux aussi, rendons grâce au Seigneur!

2. C’est le Christ ressuscité, glorifié par la main de Dieu et mis par son Père en possession de l’Esprit Saint promis [cf
Ac 2, 33.], ce Christ que nous contemplons avec une allégresse particulière en ce temps pascal, c’est lui qui agit par notre ministère. Car c’est lui le Principe, c’est lui la Tête du Corps qui est l’Église [cf Col 1, 18]. Dans l’Esprit Saint, le Christ poursuit son œuvre par ceux qu’il a établis pasteurs et qui ne cessent de transmettre ce don spirituel par l’imposition des mains. Ils sont « les sarments par lesquels se transmet la semence apostolique » [cf Lumen Gentium, n.20, citant Tertullien]. Ainsi la ligne de l’épiscopat se continue sans interruption depuis les origines. Vous entrez donc dans le collège épiscopal qui succède au collège des Apôtres. Vous travaillerez à côté de vos aînés, avec vos aînés: plus de cinquante Zaïrois ont déjà été agrégés au corps épiscopal depuis la première ordination épiscopale en 1956, et les autres pays ici représentés connaissent une situation semblable. Vous travaillerez en communion avec vos frères répandus dans l’univers entier, et qui ne forment qu’un tout dans le Christ, unis autour de l’évêque de Rome, successeur de Pierre. Vous serez d’autant plus attachés à cette communion indispensable que vous êtes ordonnés par celui auquel l’Esprit Saint a confié, comme à Pierre, la charge de présider à l’unité. Oui, rendez grâce au Seigneur! Et chantez: alleluia!

3. Vous recevez une grande grâce pour exercer une charge pastorale exigeante. Vous en connaissez les trois aspects qu’on désigne habituellement par « le magistère doctrinal, le sacerdoce du culte sacré, le ministère du gouvernement » [cf
Lumen Gentium, n.20]. La constitution conciliaire « Lumen Gentium » (nn. 18-27) et le décret « Christus Dominus » (nn. 11-19) demeurent la charte de votre ministère qu’il vous faudra souvent méditer.

Vous êtes d’abord responsables de la prédication de l’Évangile dont le livre va être imposé sur votre tête durant la prière consécrateur, puis remis entre vos mains. Ici, en Afrique, on demande d’abord aux hommes d’Église: donnez-nous la Parole de Dieu. Oui, c’est une chose merveilleuse de voir la soif de vos compatriotes pour l’Évangile: ils savent, ils pressentent que c’est un message de vie. Pour cela, vous ne serez pas seuls. Vos prêtres, vos diacres, vos religieux et religieuses, vos catéchistes, vos laïcs sont aussi des évangélisateurs très méritants, quotidiens, tenaces, tout proches du peuple, et parfois même des pionniers, dans les endroits ou dans les milieux où l’Évangile n’a pas encore pleinement pénétré. Votre rôle sera de soutenir leur zèle, d’harmoniser leur apostolat, de veiller à ce que l’annonce, la prédication et la catéchèse soient fidèles au sens authentique de l’Évangile et à toute la doctrine, dogmatique et éthique, que l’Église a explicitée au cours de ses vingt siècles à partir de l’Évangile. Il vous faudra chercher en même temps à ce que ce message atteigne vraiment les cœurs et transforme les conduites, en empruntant le langage qui convient à vos fidèles africains. Comme la liturgie va vous le dire: à temps et à contre-temps, « prêchez vous mêmes la parole de Dieu avec une grande patience et le souci d’instruire ». Vous êtes au premier chef les témoins de la vérité divine et catholique.

Vous recevez la charge de sanctifier le peuple de Dieu. En ce sens, vous êtes pères et vous transmettez la vie du Christ par les sacrements, que vous célébrez, ou dont vous confiez à vos prêtres la dispensation régulière, digne et féconde. Vous aurez à cœur de préparer vos fidèles à ces sacrements, et de les encourager à en vivre dans la persévérance. Votre prière ne cessera d’accompagner votre peuple sur les chemins de la sainteté. Vous contribuerez à préparer, avec la grâce du Seigneur, une Église sans tache ni ride, qui annonce la Jérusalem nouvelle, dont nous parle l’Apocalypse, « la fiancée parée pour son Époux » [
Ap 21, 2.].

4. Enfin, vous recevez le gouvernement pastoral d’un diocèse, où vous y participez comme évêque auxiliaire. Le Christ vous donne autorité pour exhorter, pour répartir les ministères et les services, au gré des besoins et des capacités, pour veiller à leur accomplissement, reprendre au besoin avec miséricorde ceux qui s’en écartent, veiller sur tout le troupeau et le défendre, comme disait saint Paul [
Ac 20, 29-31], susciter un esprit toujours plus missionnaire. Cherchez en tout la communion et l’édification du Corps du Christ. Vous portez à bon droit sur la tête l’emblème du chef et en main la crosse du pasteur. Souvenez-vous que votre autorité, selon Jésus, est celle du Bon Pasteur, qui connaît ses brebis et est très attentif à chacune; celle du Père qui s’impose par son esprit d’amour et de dévouement; celle de l’intendant, prêt à rendre compte à son Maître; celle du « ministre », qui est au milieu des siens « comme celui qui sert » et est prêt à donner sa vie. L’Église a toujours recommandé au chef de la communauté chrétienne le souci particulier des pauvres, des faibles, de ceux qui souffrent, des marginaux de toute sorte. Elle vous demande d’accorder un soutien spécial à vos compagnons de service que sont les prêtres et les diacres: ils sont pour vous des frères, des fils, des amis [cf Christus Dominus, n.16].

L’administration rigoureuse qui vous est confiée requiert de vous, avec l’autorité, la prudence et la sagesse des « anciens »; l’esprit d’équité et de paix; la fidélité à l’Église dont votre anneau est le symbole; une pureté exemplaire de doctrine et de vie. Il s’agit en définitive de conduire les clercs, religieux et laïcs à la sainteté de notre Seigneur; il s’agit de les conduire à vivre le commandement nouveau de l’amour fraternel, que Jésus nous a laissé comme son testament [
Jn 13, 34]. C’est pourquoi le récent Concile rappelle à tous les évêques le devoir primordial de « montrer l’exemple de la sainteté, par leur charité, leur humilité et la simplicité de leur vie » [cf ibid., n. 15]. Saint Pierre écrivait aux « anciens »: « Paissez le troupeau de Dieu... dans l’esprit de Dieu... Montrez-vous les modèles du troupeau » [1 P 5, 2-3].

5. Ainsi vous pourvoirez au bien des âmes, à leur salut. Ainsi vous poursuivrez l’édification de l’Église déjà si bien implantée au cœur de l’Afrique et particulièrement dans chacun de vos pays.

Ainsi vous apporterez une part précieuse à la vitalité de l’Église universelle, en portant avec moi et avec l’ensemble des évêques la sollicitude de toutes les Églises.

Par ailleurs, en formant les consciences selon la loi de Dieu et en les éduquant aux responsabilités et à la communion dans l’Église, vous contribuerez à former les citoyens honnêtes et courageux dont le pays a besoin, ennemis de la corruption, du mensonge, et de l’injustice, artisans de la concorde et de l’amour fraternel sans frontière, soucieux d’un développement harmonieux et spécialement des catégories les plus pauvres. Ce faisant, vous exercez votre mission qui est d’ordre spirituel et moral: elle vous permet de vous prononcer sur les aspects éthiques de la société, chaque fois que les droits fondamentaux des personnes, les libertés fondamentales et le bien commun l’exigent. Tout ceci dans le respect des autorités civiles qui, au plan politique, et dans la recherche des moyens de promouvoir le bien commun, ont leurs compétences et leurs responsabilités spécifiques. Ainsi vous préparerez en profondeur le progrès social, le bien-être et la paix de votre chère patrie et mériterez l’estime de vos concitoyens. Vous êtes ici les pionniers de l’Évangile et de l’Église, et en même temps les pionniers de l’histoire de votre peuple.

6. Frères très chers, cet idéal ne doit point vous accabler. Il doit au contraire vous attirer, vous servir de tremplin et d’espérance. Certes, nous portons tous ce trésor dans des vases d’argile [cf
2 Co 4, 7], y compris celui qui vous parle et auquel on réserve le nom de « Sainteté ». Il faut bien d’humilité pour porter ce nom! Mais en soumettant humblement toute votre personne au Christ, qui vous appelle à le représenter, vous êtes sûrs de sa grâce, de sa force, de sa paix. Comme saint Paul, « je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce » [Ac 20, 32]. Que Dieu soit glorifié en vous!

7. Et maintenant, je me tourne plus directement vers tous ceux qui vous entourent de leur sympathie et de leur prière. Chers frères et sœurs de Kinshasa, du Zaïre, du Burundi, du Soudan, de Djibouti, accueillez avec joie nos Frères qui deviennent vos Pères et Pasteurs. Ayez pour eux le respect, l’affection, l’obéissance que vous devez aux ministres du Christ qui est Vérité, Vie et Chemin. Ecoutez leur témoignage, car ils viennent à vous en premiers témoins de l’Évangile. Leur message est le message de Jésus-Christ. Ouvrez vos âmes aux bénédictions du Christ, à la vie du Christ qu’ils vous apportent. Suivez-les sur les chemins qu’ils vous tracent, afin que votre conduite soit digne des disciples du Christ. Priez pour eux. Avec eux, vous allez édifier l’Église en Afrique, vous allez développer des communautés chrétiennes, en étroite communion avec l’Église universelle dont vous avez reçu et continuez à recevoir la sève, en relation confiante avec le Siège de Pierre, principe d’unité, mais avec la vigueur et les richesses spirituelles et morales que l’Évangile aura fait surgir de vos âmes africaines.

By the Providence of God, this great hour touches also English speaking Africa, and in particular the Sudan. In the person of the new auxiliary bishop of Juba, I greet the entire Archdiocese and all the sons and daughters of the Church in that land: grace and peace to all of you in Jesus Christ, the Son of God, in Jesus Christ, the Good Shepherd, whose through the ministry of bishops continues the Pastoral care of His entire Church. May the love of the Saviour be in your hearts today and always!

Et vous, chers amis qui ne partagez pas la foi chrétienne mais avez tenu à accompagner les catholiques à cette célébration liturgique, je vous remercie et je vous invite vous aussi à accueillir ces nouveaux évêques comme des chefs religieux, et des défenseurs de l’homme, comme des artisans du bien commun et de la paix.

Et maintenant, nous nous préparons au rite de l’ordination. Comme l’Apôtre Paul auprès des anciens d’Ephèse auxquels il venait de faire ses recommandations pressantes, nous allons prier.

Béni soit le Seigneur qui prolonge ainsi son œuvre parmi nous! Que tous les Apôtres intercèdent pour nous! Que la Vierge Marie, la mère du Sauveur, la mère de l’Église, la Reine des Apôtres, intercède pour nous! Nous lui consacrons ces nouveaux serviteurs de l’Église. Rendons grâces au Seigneur, dans la foi, la charité et l’espérance! Et chantons: Alleluia! Amen."

Les Mots du Pape St Jean-Paul II à la Regina Caeli
V dimanche de Pâques, Kinshasa (Zaïre), le 4 mai 1980 - in French, German, Italian, Portuguese & Spanish

"Chers Frères et Sœurs de Kinshasa, du Zaïre et de l’Afrique, présents ici ou reliés à nous par la radio, je vous invite à faire une halte au milieu de cette splendide journée, pour vous tourner vers la Vierge Marie, notre mère. C’est une belle coutume, une coutume ancienne de l’Eglise catholique, de marquer par une halte de prière, le matin, le midi ou le soir, en redisant à Marie la première salutation de l’Ange Gabriel et sa propre réponse, dans l’Angélus, ou encore, durant le temps pascal, en chantant notre louange à la Reine du Ciel, “Regina Caeli”.

Le fils de Dieu s’est fait chair en elle, c’est l’Incarnation; et il est ressuscité: voilà les mystères joyeux et glorieux qui sont au centre de notre foi. Il nous faut sans cesse les contempler avec Marie. Oui, c’est avec Marie, Mère de Jésus, que l’on devient de véritables disciples de son Fils, comme les Apôtres à Cana.

C’est avec Marie qu’on ouvre son cœur à l’Esprit Saint, comme les Apôtres à la Pentecôte. C’est avec Marie, avec cette Mère, qu’on recourt à la tendresse paternelle de Dieu, pour tous nos besoins humains et spirituels. Les Africains comprennent si bien, dans leurs familles, le rôle de la femme porteuse de vie et gardienne du foyer. Comme je voudrais, chers amis, qu’ils aient une dévotion spontanée et fréquente pour Marie, la Femme bénie entre toutes les femmes, la Femme glorifiée aux côtés du Seigneur Jésus, la Mère que Dieu nous donne!

Nous la prions aux grandes intentions de l’Afrique. Pour que Dieu y ait toujours la place qui lui est due. Pour que tout homme soit respecté dans sa dignité d’homme et de fils de Dieu. Pour que les pauvres, les malades, les vieillards, les prisonniers, les étrangers trouvent réconfort et espérance.

Pour que les peuples africains, qui manifestent une si belle hospitalité, bénéficient de la solidarité respectueuse des autres peuples. Pour qu’ils sauvegardent, en les purifiant sans cesse, les véritables valeurs de l’âme africaine, et qu’ils en enrichissent le patrimoine d l’humànité. Pour que la paix règne dans les nations et entre les nations. Et que les responsables des peuples les guident, en esprit de service, dans la justice et avec sagesse.

Nous prions spécialement Marie pour que l’Evangile de Jésus soit toujours reçu en Afrique comme une lumière, comme un salut, car il est à nos yeux la lumière et le salut. Pour que les communautés chrétiennes grandissent et s’affermissent dans l’unité et la sainteté. Pour que les laïcs vivent selon leur baptême. Pour que Dieu suscite de nombreuses vocations de prêtres, de Frères, de Sœurs, et les mène à leur achèvement. Et prions spécialement pour ces nouveaux évêques sur lesquels nous avons imposé les mains pour communiquer la plénitude des dons de l’Esprit Saint. Le choix de ces Pasteurs est un signe de la maturité de vos Eglises. Ils vont maintenant se joindre à leurs Frères, à mes Frères, pour marcher à la tête du troupeau, comme Jésus l’a demandé aux Apôtres, et tout spécialement à Pierre."

Discours de St Jean-Paul II aux Professeurs et aux Étudiants Universitaires
V dimanche de Pâques, Kinshasa (Zaïre), le 4 mai 1980 - in French, German, Italian, Portuguese & Spanish

"Monsieur le Recteur, Messieurs et Mesdames les professeurs, Chers étudiants et étudiantes,
1. Je suis profondément touché des paroles de bienvenue qui viennent de m’être adressées, et je vous en remercie vivement. Est-il besoin de vous dire ma joie de pouvoir prendre contact ce soir avec le monde universitaire africain? Dans l’hommage dont je suis l’objet de votre part, je ne vois pas seulement l’honneur rendu au premier Pasteur de l’Église catholique; je perçois aussi l’expression de reconnaissance envers l’Église, pour le rôle qu’elle a tenu au cours de l’histoire et qu’elle tient encore dans la promotion du savoir et de la science.

2. Historiquement, l’Eglise a été à l’origine des universités. Durant des siècles, elle y a développé une conception du monde dans laquelle les connaissances de l’époque étaient situées dans la vision plus ample d’un monde créé par Dieu et racheté par notre Seigneur Jésus-Christ. Ainsi, nombre de ses fils se sont consacrés à l’enseignement et à la recherche pour initier des générations d’étudiants aux divers degrés du savoir dans une vision totale de l’homme, intégrant en particulier la considération des raisons dernières de son existence.

Cependant, l’idée même d’université, universelle par définition dans son projet, n’implique pas que celle-ci se situe en quelque sorte en dehors des réalités du pays dans lequel elle est implantée. Au contraire, l’histoire montre comment les universités ont été des instruments de formation et de diffusion d’une culture propre à leur pays, contribuant puissamment à forger la conscience de l’identité nationale. Par là, l’université fait naturellement partie du patrimoine culturel d’un peuple. En ce sens, on pourrait dire qu’elle appartient au peuple.

Cette manière de voir l’université dans sa visée essentielle, le savoir le plus ample possible, et dans son enracinement concret au sein d’une nation, est d’une très grande importance. Elle manifeste en particulier la légitimité de la pluralité des cultures, reconnue par le deuxième Concile du Vatican [cf Gaudium et Spes, 53], et elle permet de discerner les critères du pluralisme culturel authentique, lié à la manière dont chaque peuple chemine vers l’unique vérité. Elle montre aussi qu’une université fidèle à l’idéal d’une vérité totale sur l’homme ne peut faire l’économie, même sous prétexte de réalisme ou d’autonomie des sciences, de l’étude des réalités supérieures de l’éthique, de la métaphysique et de la religion. C’est sous cet angle que l’Eglise a pris un intérêt particulier au monde de la culture, et lui a apporté d’importantes contributions. Pour elle, la révélation divine sur l’homme, sur le sens de sa vie et de son effort pour la construction du monde, est essentielle pour une connaissance complète de l’homme et pour que le progrès soit toujours totalement humain. Tel est le but de l’activité missionnaire de l’Eglise: faire, comme le rappelle encore le Concile, que tout ce qu’il y a de bon dans le cœur des hommes, dans leur pensée, dans leur culture, soit élevé et parvienne à son achèvement pour la gloire de Dieu et le bonheur de l’homme [cf. Lumen Gentium, 17].

3. L’Université à Kinshasa prend place de manière remarquable dans cette collaboration historique entre l’Église et le monde de la culture. Le centenaire de l’évangélisation du Zaïre coïncide en effet avec le vingt-cinquième anniversaire de l’Université nationale du pays. Comment ne pas se féliciter ensemble de la clairvoyance de ceux qui ont fondé cette Université? Elle manifeste bien la place que la promotion culturelle et spirituelle de l’homme tient dans l’évangélisation. Elle est la preuve que l’Eglise, et particulièrement la prestigieuse Université Catholique de Louvain, avaient vu juste et avaient confiance dans l’avenir de votre peuple et de votre pays! Maintenant encore, l’importance de la communauté catholique dans votre pays fait souhaiter que l’Université y demeure ouverte à des rapports confiants avec l’Eglise!

Aussi bien, en rendant hommage aujourd’hui, devant vous, à l’Université nationale du Zaïre et à la communauté universitaire zaïroise, je le fais en portant mon regard aussi vers le monde universitaire africain tout entier: il joue et il jouera toujours davantage un rôle de premier plan, irremplaçable et essentiel, pour que votre continent développe pleinement toutes les promesses dont il est porteur pour lui-même et pour l’ensemble du monde.

4. Vous permettrez, j’en suis sûr, à un ancien professeur d’université, qui a consacré de longues et heureuses années à l’enseignement universitaire dans sa terre natale, de vous entretenir pendant quelques instants de ce que je considère comme les deux objectifs essentiels de toute formation universitaire complète et authentique: science et conscience, autrement dit l’accès au savoir et la formation de la conscience, comme il est exprimé clairement dans la devise même de l’Université Nationale du Zaïre: Scientia splendet et conscientia.

Le premier rôle d’une université est l’enseignement du savoir et la recherche scientifique. De ce vaste domaine, je n’aborderai ici qu’un point: qui dit science dit vérité. Il n’y aurait donc point de véritable esprit universitaire là où il n’y aurait pas la joie de chercher et de connaître, inspirée par un amour ardent de la vérité. Cette recherche de la vérité fait la grandeur du savoir scientifique, comme je le rappelais le 10 novembre dernier en m’adressant à l’Académie pontificale des sciences: “La science pure est un bien, digne d’être aimé, car elle est connaissance et donc perfection de l’homme dans son intelligence. Avant même ses applications techniques, elle doit être honorée pour elle-même, comme une partie intégrante de la culture. La science fondamentale est un bien universel, que tout peuple doit pouvoir cultiver en pleine liberté par rapport à toute forme de servitude internationale ou de colonialisme intellectuel” [JPII, Speech 10 Nov 1979].

Ceux qui consacrent leur vie à la science peuvent donc éprouver une légitime fierté, et aussi ceux qui comme vous, étudiants et étudiantes, peuvent passer plusieurs années de leur vie à se former à une discipline scientifique, car rien n’est plus beau, malgré le travail, et la peine que cela demande, que de pouvoir se livrer à la recherche de la vérité sur la nature et sur l’homme.

5. Comment ne pas attirer ici brièvement votre attention sur l’amour de la vérité sur l’homme? Les sciences humaines tiennent, je l’ai déjà souligné plusieurs fois, une place toujours plus grande dans notre savoir. Elles sont indispensables pour parvenir à une organisation harmonieuse de la vie en commun dans un monde où les échanges se font toujours plus nombreux et plus complexes. Mais en même temps, ce n’est que dans un sens bien particulier, radicalement différent du sens habituel, que l’on peut parler de “sciences” de l’homme, précisément parce qu’il y a une vérité de l’homme qui transcende toute tentative de réduction à quelque aspect particulier que ce soit. En ce domaine, un chercheur vraiment complet ne peut faire abstraction, dans l’élaboration du savoir comme dans ses applications, des réalités spirituelles et morales qui sont essentielles à l’existence humaine, ni des valeurs qui en dérivent. Car la vérité fondamentale est que la vie de l’homme a un sens, dont dépend la valeur de l’existence personnelle comme une juste conception de la vie en société.

6. Ces rapides considérations sur l’amour de la vérité, que j’aimerais pouvoir développer longuement en dialoguant avec vous, vous auront déjà montré ce que j’entends en parlant du rôle de l’université et de vos études pour la formation de la conscience. L’université a d’abord, certes, un rôle pédagogique de formation de ses étudiants, afin que ceux-ci soient capables d’accéder au niveau de savoir requis et d’exercer plus tard efficacement leur profession dans le monde où ils seront appelés à travailler. Mais au-delà des différents savoirs qu’elle a pour fonction de transmettre, l’université ne peut pas non plus se désintéresser d’un autre devoir: celui de permettre et de faciliter l’insertion du savoir dans un contexte plus large, fondamental, dans une conception pleinement humaine de l’existence. Par là, l’étudiant réfléchi évitera de succomber à la tentation des idéologies, trompeuses parce que toujours simplificatrices, et sera rendu capable de rechercher à un degré supérieur la vérité sur lui-même.

7. Chers amis, professeurs et étudiants, je voudrais pouvoir dire personnellement à chacun de vous et à chacun de ceux que vous représentez, tout le monde étudiant, le monde de la culture et de la science au Zaïre et en Afrique, tous mes encouragements à accepter pleinement, chacun, ses responsabilités. Elles sont lourdes; elles demandent le meilleur de vous-même, car l’université n’a pas pour but d’abord la recherche de titres, de diplômes, ou de postes lucratifs: elle a un rôle important pour la formation de l’homme et le service du pays. C’est pourquoi elle comporte de grandes exigences vis-à-vis du travail à accomplir, vis-à-vis de soi-même et vis-à-vis de la société.

Si toute recherche universitaire demande une vraie liberté, sans laquelle elle ne peut exister, elle requiert aussi de la part des universitaires l’acharnement au travail, les qualités d’objectivité, de méthode et de discipline, bref, la compétence. Ceci, que vous connaissez bien, ouvre sur les deux autres aspects.

Une des caractéristiques du travail universitaire et du monde intellectuel est que, plus qu’ailleurs peut-être, chacun se trouve constamment renvoyé à sa propre responsabilité dans l’orientation qu’il donne à son travail. Sur ce dernier point, je suis heureux de vous redire la grandeur de votre rôle et de vous encourager à y faire face de toute votre âme. Vous ne travaillez pas seulement pour vous, pour votre promotion. Vous participez, par le fait même que vous êtes universitaires, à une recherche de la vérité sur l’homme, à une recherche de son bien, avec le souci de coopérer à la mise en valeur de la nature pour un vrai service de l’homme, à la promotion des valeurs culturelles et spirituelles de l’humanité. Concrètement, cette participation au bien de l’humanité se réalise à travers les services que vous rendez et que vous serez appelés à rendre à votre pays: à la santé physique et morale de vos concitoyens, au mieux-être économique et social de votre nation. Car l’éducation privilégiée que vous offre la communauté ne vous est pas donnée d’abord pour votre gain personnel. Demain, c’est la communauté tout entière, avec ses besoins matériels et spirituels, qui aura le droit de se tourner vers vous, qui aura besoin de vous. Vous saurez être sensibles aux appels de vos concitoyens. Tâche difficile mais exaltante, digne du sentiment, que vous possédez si fort, de votre solidarité: vous aurez à servir l’homme, à servir l’homme africain dans ce qu’il a de plus profond et de plus précieux: son humanité.

8. Les perspectives que je ne fais qu’esquisser devant vous ce soir, chers amis, impliquent comme réalité fondamentale, que l’éthique, la morale, les réalités spirituelles, soient perçues comme des éléments constitutifs de l’homme intégral, compris aussi bien dans sa vie personnelle que dans le rôle qu’il doit jouer dans la société, et donc comme des éléments essentiels de toute société. Primat de la vérité et primat de l’homme, bien loin de s’opposer, s’unissent et se coordonnent harmonieusement pour un esprit soucieux d’atteindre et de respecter le réel dans toute son ampleur.

Il en découle encore que, de même qu’il y a une manière erronée de concevoir le progrès technique en en faisant le tout de l’homme, en le faisant servir tout à la satisfaction de ses désirs les plus superficiels faussement identifiés à la réussite et au bonheur, il y a aussi une manière erronée de concevoir le progrès de notre pensée sur la vérité de l’homme. Dans ce domaine, vous le sentez bien, le progrès se fait par approfondissement, par intégration. Des erreurs sont corrigées, mais elles ont toujours été des erreurs, tandis qu’il n’y a pas de vérité sur l’homme, sur le sens de sa vie personnelle et communautaire, qui puisse être “dépassée” ou devenir erreur. Ceci est important pour vous qui, dans une société en pleine mutation, devez travailler à son progrès humain et social en intégrant la vérité qui vous vient du passé à celle qui vous permettra de faire face à des perspectives nouvelles.

9. C’est en fonction, en effet, de la vérité de l’homme que le matérialisme, sous toutes ses formes, doit être rejeté, car il est toujours source d’asservissement: soit asservissement à une recherche sans âme des biens matériels, soit asservissement bien pire encore de l’homme, corps et âme, à des idéologies athées, toujours, en définitive, asservissement de l’homme à l’homme. C’est pourquoi l’Église catholique a voulu reconnaître et proclamer solennellement le droit à la liberté religieuse dans la recherche loyale des valeurs spirituelles et religieuses; c’est pourquoi aussi, elle prie pour que tous les hommes trouvent, dans la fidélité au sens religieux que Dieu a mis dans leur cœur, le chemin de la vérité tout entière.

10. Je voudrais ajouter ici une brève parole à l’intention particulière de mes frères et sœurs en notre Seigneur Jésus-Christ. Vous croyez dans le message de l’Évangile, vous voulez en vivre. Pour nous, le Seigneur Jésus-Christ est notre route, notre vérité, et notre vie[4]. J’ai déjà développé, particulièrement dans la première encyclique, “Redemptor Hominis”, que j’ai adressé au monde au début de mon ministère pontifical, et aussi dans mon message du premier janvier dernier sur “la vérité force de la paix”, comment, pour nous chrétiens, le Christ notre Seigneur, par son incarnation, c’est-à-dire par la réalité de notre humanité qu’il a prise pour notre salut, nous a révélé la vérité la plus totale qui soit sur l’homme, sur nous-mêmes, sur notre existence.

Il est en toute vérité, la route de l’homme, la vôtre. C’est pourquoi l’évangélisation, qui répond à un ordre du Seigneur, trouve aussi sa place dans votre collaboration à l’avenir de votre peuple, car elle est collaboration dans la foi aux projets divins sur le monde et sur l’humanité, et en définitive collaboration à l’histoire du salut.

11. Au moment où on célèbre au Zaïre le centenaire de l’annonce de la Parole de Dieu, et au moment où se forme un monde africain nouveau au service d’une humanité plus riche pour l’Afrique, vous êtes appelés à y participer pleinement en étant en même temps les témoins du Christ dans votre vie universitaire et professionnelle. Donnez la preuve de votre compétence, de votre sagesse africaine, mais soyez en même temps des hommes et des femmes qui apportent le témoignage de votre conception chrétienne du monde et de l’homme. Que toute votre vie soit pour ceux qui vous entourent, et au-delà pour votre pays tout entier, une annonce de la vérité sur l’homme renouvelé dans le Christ, un message de salut dans le Seigneur ressuscité. Je compte sur vous, universitaires catholiques, chers fils et chères filles, je compte sur votre engagement fidèle au service de votre pays, de l’Église, de toute l’humanité, et je vous en remercie.

12. Chers amis, professeurs, étudiants et étudiantes, au début de son existence, votre université avait comme devise: “Lumen requirunt lumine”: à sa lumière, ils cherchent la lumière! Je souhaite que vos études, vos recherches, votre sagesse soient pour vous tous; un chemin vers la Lumière suprême, le Dieu de vérité, que je prie de vous bénir."

Discours de St Jean-Paul II aux Prêtres
V dimanche de Pâques, Kinshasa (Zaïre), le 4 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"1. J’ai vivement désiré cette rencontre avec vous. Les prêtres, vous le savez, ont une place spéciale dans mon cœur et dans ma prière. C’est normal: avec vous, je suis prêtre. Celui qui a été constitué Pasteur de tout le troupeau a d’abord les yeux fixés sur ceux qui partagent son pastorat - qui est le pastorat du Christ -, sur ceux qui supportent quotidiennement le poids du jour et de la chaleur”. Et votre mission est tellement importante pour l’Église!

L’an dernier, pour le Jeudi saint, j’ai tenu à adresser une lettre spéciale à tous les prêtres du monde, par l’intermédiaire de leurs évêques. Au nom de toute l’Église, je vous exprimais mes sentiments de gratitude et de confiance. Je vous rappelais votre identité sacerdotale, par rapport au Christ Prêtre, au Bon Pasteur; je situais votre ministère dans l’Église. Je montrais aussi le sens des exigences attachées à votre état sacerdotal. J’espère que vous avez lu cette lettre, que vous la relirez. Je ne peux pas en reprendre ici tous les thèmes, même brièvement. Je donnerai plutôt quelques pensées qui la prolongent. Je tenais surtout à vous parler personnellement à vous, prêtres en Afrique, prêtres au Zaïre. C’est l’une de mes premières rencontres sur le sol africain, une rencontre privilégiée avec mes frères prêtres.

2. Au-delà de vos personnes, je pense à tous les prêtres du continent africain. A ceux qui sont venus de loin pour les débuts de l’évangélisation et qui continuent à apporter leur aide précieuse et indispensable. Je n’ose pas trop dire missionnaires”, car tous doivent être missionnaires. Et je pense aussi - et tout spécialement dans l’entretien présent - aux prêtres qui sont issus des peuples africains: ils constituent déjà une réponse riche de promesses consolantes; ils sont la démonstration la plus convaincante de la maturité que vos jeunes Églises ont acquise; ils sont déjà, et ils sont appelés de plus en plus, à en être les animateurs. Ils sont particulièrement nombreux dans ce pays. C’est une grande grâce dont nous remercions Dieu, en ce centenaire de l’évangélisation. C’est aussi une grande responsabilité.

3. Parmi tant de pensées qui se pressent en ce moment dans mon âme, laquelle choisirai-je pour thème de cette rencontre? Il me semble que l’exorde la meilleure nous est fournie par l’Apôtre Paul, quand il exhorte son disciple Timothée à raviver le don que Dieu a déposé en lui par l’imposition des mains [cf 2 Tim 1, 6], et à puiser, dans une conscience renouvelée de cette grâce, le courage de poursuivre avec générosité le chemin entrepris, parce que ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi” [cf 2 Tim. 1, 7].

Notre méditation d’aujourd’hui doit donc commencer par rappeler les traits fondamentaux du sacerdoce. Etre prêtre signifie être médiateur entre Dieu et les hommes, dans le Médiateur par excellence qui est le Christ.

Jésus a pu accomplir sa mission grâce à son union totale avec le Père, parce qu’Il ne faisait qu’un avec Lui: dans sa condition de pèlerin sur les routes de notre terre (viator), Il était déjà en possession du but (comprehensor) auquel il devait conduire les autres. Pour pouvoir continuer efficacement la mission du Christ, le prêtre doit en quelque façon être lui aussi déjà arrivé là où il veut conduire les autres: il y parvient par la contemplation assidue du mystère de Dieu, nourrie par l’étude de l’Écriture, une étude qui s’épanouit en prière. La fidélité aux moments et aux moyens de prière personnelle, la prière plus officielle des heures, mais aussi l’accomplissement digne et généreux des actes sacrés du ministère contribuent à sanctifier le prêtre et à le conduire à une expérience de la présence mystérieuse et fascinante du Dieu vivant, en lui permettant d’agir avec force sur le milieu humain qui l’entoure.

4. Le Christ a surtout exercé son office de médiateur par l’immolation de sa vie dans le sacrifice de la croix, accepté par obéissance au Père. La croix reste la route “obligée” de la rencontre avec Dieu. C’est une route sur laquelle le prêtre au premier chef doit s’élancer avec courage. Comme je le rappelais dans ma récente lettre sur l’Eucharistie, n’est-il pas appelé à renouveler in persona Christi, dans la célébration eucharistique, le sacrifice de la croix? Selon la belle expression de l’Africain Augustin d’Hippone, le Christ au calvaire fut “prêtre et sacrifice, et donc prêtre parce que sacrifice” [S.Augustini Confessiones, X, 43, 69]. Le prêtre qui, dans la pauvreté radicale de l’obéissance à Dieu, à l’Église, à son évêque, aura su faire de sa vie une offrande pure à offrir, en union avec le Christ, au Père céleste, expérimentera dans son ministère la force victorieuse de la grâce du Christ mort et ressuscite.

Comme Médiateur, le Seigneur Jésus fut, dans toutes les dimensions de son être, l’homme pour Dieu et pour les frères. De même le prêtre; et c’est la raison pour laquelle il lui est demandé de consacrer toute sa vie à Dieu et à l’Église, dans les profondeurs de son être, de ses facultés, de ses sentiments. Le prêtre qui, dans le choix du célibat, renonce à l’amour humain pour s’ouvrir totalement à celui de Dieu, se rend libre pour se donner aux hommes par un don n’excluant personne, mais les comprenant tous dans le flux de la charité, qui provient de Dieu [cf Rom 5, 5] et conduit à Dieu. Le célibat, en liant le prêtre à Dieu, le libère pour toutes les œuvres requises par le soin des âmes.

5. Voilà tracée en quelques traits la physionomie essentielle du prêtre, telle qu’elle nous a été léguée par la tradition vénérable de l’Église. Elle a une valeur permanente, hier, aujourd’hui, demain. Il ne s’agit pas d’ignorer les problèmes nouveaux que posent le monde contemporain, et aussi le contexte africain, car il importe de préparer des prêtres qui soient à la fois pleinement africains et authentiquement chrétiens. Les questions posées par la culture où s’insère le ministère sacerdotal demandent une réflexion mûrie. Mais c’est de toute façon à la lumière de la théologie fondamentale que j’ai rappelée qu’il faut les aborder et les résoudre.

6. Il n’est pas nécessaire maintenant que je m’étende sur les différentes fonctions du prêtre. Vous avez médité, vous devez souvent reprendre les textes du Concile Vatican II, la constitution “Lumen Gentium” [cf Lumen Gentium, 28] et tout le décret “Presbyterorum Ordinis”.

L’annonce de l’Évangile, de tout l’Évangile, à chaque catégorie de chrétiens et aussi aux non-chrétiens, doit prendre une grande place dans votre vie. Les fidèles y ont droit. De ce ministère de la Parole de Dieu relèvent notamment la catéchèse, qui doit pouvoir atteindre le cœur et l’esprit de vos compatriotes, et la formation des catéchistes, religieux et laïcs. Et soyez des éducateurs de la foi et de la vie chrétienne selon l’Église, dans les domaines personnel, familial, professionnel.

La digne célébration des sacrements, la dispensation des mystères de Dieu, est également centrale dans votre vie de prêtres. En ce domaine, veillez avec assiduité à préparer les fidèles à les recevoir, afin que, par exemple, les sacrements du baptême, de la Pénitence, de l’Eucharistie, du mariage portent tous leurs fruits.

Car le Christ exerce la force de son action rédemptrice dans ces sacrements. Il le fait particulièrement dans l’Eucharistie et dans le sacrement de la Pénitence.

L’Apôtre Paul a dit: “Dieu... nous a confié le ministère de la réconciliation” [2 Cor 5, 18]. Le peuple de Dieu est appelé à une conversion continuelle, à une réconciliation toujours renouvelée avec Dieu dans le Christ. Cette réconciliation s’opère dans le sacrement de la Pénitence, et c’est là que vous exercez, par excellence, votre ministère de réconciliation.

Oui, je connais vos difficultés: vous avez tant de tâches pastorales à accomplir et le temps vous fait toujours défaut. Mais chaque chrétien a un droit, oui, un droit à une rencontre personnelle avec le Christ crucifié qui pardonne. Et, comme je l’ai dit dans ma première encyclique, il est évident qu’il s’agit en même temps d’un droit du Christ lui-même à l’égard de chaque homme qu’il a racheté” [Redemptor Hominis, 20]. C’est pourquoi je vous supplie: considérez toujours ce ministère de réconciliation dans le sacrement de Pénitence comme une des plus importantes de vos tâches.

Enfin, le “pouvoir spirituel” qui vous a été donné [cf Presbyterorum Ordinis, 6] l’a été pour construire l’Église, pour la conduire comme le Seigneur, le Bon Pasteur, avec un dévouement humble et désintéressé, toujours accueillant, avec une disponibilité à assumer les différents ministères et services qui sont nécessaires et complémentaires dans l’unité du presbyterium, avec un grand souci de collaboration entre vous, prêtres, et avec vos évêques. Le peuple chrétien doit être entraîné à l’unité en voyant l’amour fraternel et la cohésion que vous manifestez.

Votre autorité dans l’exercice de vos fonctions est liée à votre fidélité à l’Église qui vous les a confiées. Laissez les responsabilités politiques à ceux qui en sont chargés: vous, vous avez une autre part, une part magnifique, vous êtes “chefs” à un autre titre et d’une autre façon, participant au sacerdoce du Christ, comme ses ministres. Votre domaine d’interventions, et il est vaste, est celui de la foi et des mœurs, où l’on attend que vous prêchiez en même temps par une parole courageuse et par l’exemple de votre vie.

7. Chaque membre de l’Église y a un rôle irremplaçable. Le vôtre consiste aussi à aider tous ceux qui appartiennent à vos communautés à remplir le leur, religieux, religieuses, laïcs. Vous avez en particulier à mettre en valeur celui des laïcs: il ne faut jamais oublier, en effet, que le baptême et la confirmation confèrent une responsabilité spécifique dans l’Église. J’approuve donc vivement votre souci de susciter des collaborateurs, de les former à leurs responsabilités. Oui, il faut savoir leur adresser, sans se lasser, des appels directs, concrets, précis. Il faut les former en leur faisant prendre conscience des richesses cachées qu’ils portent en eux. Il faut enfin savoir vraiment collaborer, sans accaparer toutes les tâches, toutes les initiatives ou toutes les décisions, quand il s’agit de ce qui est du domaine de leurs compétences et de leurs responsabilités. C’est ainsi que se forment des communautés vivantes, qui représentent vraiment une image de l’Église primitive, dans laquelle on voit apparaître, autour de l’Apôtre, les noms de ces nombreux auxiliaires, hommes et femmes, que saint Paul salue comme “ses collaborateurs dans le Christ Jésus” [Rom 16, 3].
 
8. Dans tout ce travail pastoral, les difficultés inévitables ne doivent pas porter atteinte à notre confiance.

"Scimus Christum surrexisse a mortuis vere." La présence du Christ ressuscité est le fondement assuré d’une espérance “qui ne trompe pas” [Rom 5,5]. C’est pourquoi le prêtre doit être, toujours et partout, un homme d’espérance. Il est bien vrai que le monde est traversé de tensions profondes, qui bien souvent engendrent des difficultés dont la solution immédiate nous dépasse. Dans de telles circonstances, et en tout temps, il est nécessaire que le prêtre sache offrir à ses frères, par la parole et par l’exemple, des motifs convaincants d’espérance. Et il peut le faire parce que ses certitudes ne sont pas fondées sur des opinions humaines, mais sur le roc solide de la parole de Dieu.

9. Soutenu par elle, le prêtre doit se révéler un homme de discernement et un maître authentique de la foi.

Oui, il doit être, surtout à notre époque, un homme de discernement. Car, nous le savons tous, si le monde moderne a fait de grands progrès dans le domaine du savoir et de la promotion humaine, il est aussi pétri d’un grand nombre d’idéologies et de pseudo-valeurs qui, à travers un langage fallacieux, réussissent trop souvent à séduire et à tromper nombre de nos contemporains. Non seulement il faut savoir ne pas y succomber, c’est trop évident, mais la fonction des pasteurs est aussi de former le jugement chrétien des fidèles [cf 1 Tim 5, 21; 1 Jn 4, 1], afin qu’ils soient eux aussi capables de se soustraire à la fascination trompeuse de ces nouvelles “idoles”.

Par là, le prêtre se révélera aussi un maître authentique de la foi. Il amènera les chrétiens à mûrir dans leur foi, en leur communiquant une connaissance toujours plus approfondie du message évangélique - “non pas leur propre sagesse, mais la parole de Dieu” [Presbyterorum Ordinis, 4]- et en les aidant à juger à sa lumière les circonstances de la vie. Ainsi, grâce à vos efforts persévérants, aujourd’hui, en Afrique, les catholiques sauront découvrir les réponses qui, dans la pleine fidélité aux valeurs immuables de la Tradition, seront aussi capables de satisfaire de manière adéquate aux besoins et aux interrogations du présent.

10. J’ai rappelé le rôle de tous les fidèles dans l’Église. Mais, au terme de cet entretien, j’attire votre attention sur le devoir primordial que vous avez à l’égard des vocations. Le sens de toute vocation chrétienne est si intimement dépendant de celui de la vocation sacerdotale que, dans les communautés où ce dernier disparaît, ce serait l’authenticité même de la vie chrétienne qui serait atteinte.

Travaillez donc inlassablement, chers frères, à faire comprendre à tout le peuple de Dieu l’importance des vocations; priez et faites prier pour cela; veillez à ce que l’appel du Christ soit bien présenté aux jeunes; aidez ceux que le Seigneur appelle au sacerdoce ou à la vie religieuse à discerner les signes de leur vocation; soutenez-les tout au long de leur formation. Vous êtes bien persuadés que l’avenir de l’Église dépendra de prêtres saints, parce que le sacerdoce appartient à la structure de l’Église telle que le Seigneur l’a voulue. Finalement, chers frères, ne croyez-vous pas que le Seigneur se servira d’abord de l’exemple de notre propre vie, généreuse et rayonnante, pour susciter d’autres vocations?

11. Frères très chers, ayez foi dans votre sacerdoce. Il est le sacerdoce de toujours, parce qu’il est une participation au sacerdoce éternel du Christ, qui est le même hier, aujourd’hui et à jamais” [Heb 13, 8; cf Apoc 1, 17]. Oui, si les exigences du sacerdoce sont bien grandes, et si je n’ai pas hésité pourtant à vous en parler, c’est qu’elles ne sont que la conséquence de la proximité du Seigneur, de la confiance qu’il témoigne à ses prêtres. “Je ne vous appelle plus mes serviteurs, mais Je vous appelle mes amis” [Jn 15, 15]. Ce chant du jour de notre ordination demeure pour chacun de vous, comme pour moi, une source permanente de joie et de confiance. C’est cette joie que je vous invite à renouveler aujourd’hui. Que la Vierge Marie soit toujours votre soutien sur la route, et qu’elle nous introduise tous chaque jour davantage dans l’intimité du Seigneur! Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique."

Discorso di Papa San Giovanni Paolo II alla Comunità Polacca
Kinshasa (Zaïre), 4 maggio 1980 - in Italian, Portuguese & Spanish

"Sia lodato Gesù Cristo! Cari fratelli e sorelle, missionari!
Cari compatrioti, partecipanti a questo straordinario incontro in Terra d’Africa!

1. È con profonda commozione che mi incontro con voi qui, in Africa, dove siete i rappresentanti della nostra comune Patria e Chiesa, che in Africa adempie alla sua missione salvifica. Vi do il benvenuto e vi saluto con un rispettoso saluto dei nostri Padri. Esso contiene in sé non soltanto tutta la profondità di un contenuto sentimentale, che ricorda la terra patria, la famiglia, la parrocchia, il proprio ambiente, quello in cui siete cresciuti, il quale in seguito, attratti dal richiamo “Seguimi”, avete lasciato, per divenire seminatori della Parola di Dio, ma esso esprime altresì l’essenza stessa della vocazione missionaria, l’ideale che sottende l’attività di evangelizzazione.

In nome di Gesù Cristo, crocefisso e risorto, siete venuti qui, affinché tutti i popoli avessero a lodare Dio, affinché tutte le nazioni lo glorificassero (cf. Sal 116[117]]).

“O come sono lieti sui monti i piedi di chi annuncia la gloriosa novella, di chi annuncia la pace, proclama la felicità, che diffonde la salvezza” (Is 52,7).

In nome di Gesù Cristo ho intrapreso questo mio pellegrinaggio diritto al cuore vivo dell’uomo d’Africa, per prendere parte alle gioie legate all’anniversario di questa giovane Chiesa, ed insieme con Essa ringraziare Dio per le grazie di cui Essa ha goduto nel corso di questo secolo e per affidare il suo promettente futuro alla Misericordia Divina.

2. Allo stesso titolo mi incontro con voi, cari missionari, fratelli e sorelle. Mi rallegro per il fatto di potermi unire per alcuni giorni alla vostra attività missionaria quotidiana in modo del tutto particolare, e di condividere la vostra fatica missionaria, offrendo questo servizio ai nostri fratelli del continente africano.

Sappiamo bene che anche noi dobbiamo agli altri la nostra fede, altri che sollecitati dal richiamo della Parola di Dio sono giunti da noi per annunciare ai nostri Progenitori la lieta novella, per annunciare la pace e la felicità, per diffondere il messaggio di salvezza, per indurli nei misteri della vita di Dio, per incorporarli nel corpo vivo della Chiesa.

La viva testimonianza della maturità di ogni Chiesa non consiste soltanto nella sua apertura alla parola di Dio, alla bontà che è insita nella salvezza offerta all’uomo, ma nella capacità di offrire agli altri ciò di cui Essa stessa vive. Questo dare non è soltanto l’estrinsecazione della Sua maturità, ma esso approfondisce e fissa tale maturità. Anche per questo, così come tutta la Chiesa, anche le Chiese locali desiderano divenire missionarie, divenire soggetto attivo di questa missionarietà della Chiesa. Benché nella storia non sempre abbiamo goduto delle appropriate condizioni di esprimere all’esterno questa missionarietà, tuttavia lo spirito missionario era ed è profondamente radicato nella fede della nostra Nazione.

E le questioni missionarie trovano sempre la più profonda eco nei cuori del Popolo Divino nella nostra Patria. Nonostante le suddette difficoltà, la Chiesa della nostra Patria ha scritto la sua meravigliosa carta missionaria; menzioniamo qui soltanto il Beato Massimiliano Maria Kolbe, la Beata Maria Teresa Ledochowska, Padre Bejzym, per non parlare di numerosi altri spesso meno conosciuti, talora anonimi operatori in questa terra di missione. Essa continua a scrivere questa carta missionaria, di cui voi siete la prova vivente, voi qui presenti e tutti colori che qui non si sono potuti recare.

Quanto mi rallegro come Papa, e come Polacco, quando mi raggiunge una notizia della partenza di un nuovo missionario, sacerdote, frate, suora o laico dalla Polonia, e queste partenze sono grazie a Dio, sempre più frequenti!

3. In nome di Gesù Cristo mi incontro con voi, compatrioti qui presenti e con voi, assenti - magari non numerosi - che la sorte ha condotto qui e voi tutti che sul continente africano avete trovato una seconda patria; voi che adempiendo qui sul vostro servizio, servite la Patria; voi missionari dei valori umani, che vi siete recati qui per condividere il vostro sapere, esperienza e capacità su questo continente in via di sviluppo e che esige aiuto, rispettando la dignità e il diritto di ogni uomo.

Tale rispetto della dignità e della libertà propria e altrui è profondamente radicato nella nostra tradizione cristiana e nazionale, poiché conosciamo il prezzo di questi valori umani basilari e intoccabili. E sappiamo che non si può recare un vero bene ad un altro essere umano, se dietro a ciò si nascondono altri scopi in antitesi con questo, nonché interessi indiretti.

4. Auguro a voi che siete così come nel testo di Isaia anche i nostri fratelli africani tra i quali operate, possano dire di voi: “O come sono lieti sui monti i piedi di chi annuncia la gioiosa novella, di chi annuncia la pace, proclama la felicità, che diffonde la salvezza”.

5. Ho portato qui con me in Zaire l’effigie della Madonna di Czestochowa - così cara a noi -. Mi allaccio così alla meravigliosa tradizione dei primi missionari in Africa, i quali hanno affidato alla Madre di Cristo tutto il loro lavoro di evangelizzazione, alla Madre della Chiesa, alla nostra Madre.

Anch’io le affido tutti voi e ciascuno singolarmente: le vostre opere, la vostra sollecitudine, le vostre croci e gioie, la vostra pena e sacrificio. Che Lei sempre vi ricordi, voi servi di Cristo, che ascoltano le Sue parole e adempiono a ciò che Egli ordina.

A Lei, alla Madonna Nera, Madre della Misericordia, Madre della vita e della speranza, Regina della Pace, affido anzitutto la Chiesa in Africa, il suo presente e futuro; tutti i problemi che, questa terra nera affronta.

6. Io proseguo il mio pellegrinaggio, e voi restate qua con Dio!

Che vi benedica Dio onnipotente, Padre, Figlio e Spirito Santo. Amen."

Discours de St Jean-Paul II aux Fideles de Kinshasa et Donation d'une image de la Vierge
Nonciature apostolique a Kinshasa, dimanche 4 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"Chers Frères et Sœurs dans le Christ,
Parmi toutes les joies qu'il m est donné de goûter au long de mes visites pastorales sur la terre d’Afrique, celle que vous me procurez en ce moment a une saveur toute particulière. Votre projet d’élever un sanctuaire dédié à la “Mère de Dieu” et de la vénérer à travers l’image de Notre-Dame de Czestochowa, si populaire dans ma Pologne natale, me réjouit profondément. Je félicite tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce projet et je forme des vœux fervents pour la fécondité du ministère que les Missionnaires de la Consolata accompliront dans ce futur lieu de culte.

Ce vocable de la “Mère de Dieu”, donné à l’une de vos églises, sera toujours une invitation à avancer dans une authentique piété mariale, telle que mon cher prédécesseur Paul VI la précisait dans son exhortation apostolique “Marialis Cultus”. Une dévotion mariale bien comprise doit acheminer les chrétiens vers la connaissance toujours approfondie du mystère trinitaire à l’exemple de Marie. Elle s’est abandonnée à la volonté aimante du Père dans le Fiat de l’Annonciation. Elle a cru à l’Esprit qui accomplissait l’œuvre étonnante d’une maternité divine en son sein. Elle a contemplé le Verbe de Dieu vivant la condition humaine pour sauver l’humanité. Marie de Nazareth est la première croyante de la nouvelle Alliance à faire l’expérience du Dieu Unique en trois Personnes, source de toute Vie, de toute Lumière, de tout Amour. Nous la supplions de guider ceux et celles qui ont été baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, dans leur découverte du vrai visage de Dieu.

Et avec Marie, vous aimerez l’Église. “L’amour diligent de la Vierge à Nazareth, à la maison d’Élisabeth, à Cana, au Golgotha... se continue dans l’inquiétude maternelle de l’Église pour que tous les hommes arrivent à la connaissance de la vérité [cf 1 Tim 2, 4], dans son souci des humbles, des pauvres et des faibles, dans son engagement continuel pour la paix et la concorde sociale, dans son zèle pour que tous les hommes aient part au salut qui leur a été mérité par la mort du Christ” [Marialis Cultus, 28].

L’image de Marie sera donc dans votre église, au centre de votre paroisse. Vous viendrez souvent la saluer, la vénérer. Vous viendrez confier à cette Mère vos intentions. Vous la prierez pour vos familles: qu’elle soit, comme les femmes de ce pays, la gardienne de vos foyers! Vous la prierez pour les besoins de vos frères et sœurs, pour les besoins de toute l’Église. Vous viendrez puiser la force de participer activement aux tâches si nombreuses de l’Église, dans votre paroisse, dans le diocèse. Vous la prierez aussi pour moi à qui le Seigneur a confié la charge de Pasteur de toute l’Église. Vous aimerez la prière toute simple et si féconde du chapelet et je puis vous assurer que je prierai aussi pour vous, spécialement dans la récitation quotidienne de mon rosaire.

Je vous bénis au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit."

Discours de St Jean-Paul II au depart de Kinshasa
lundi 5 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"C’est surtout une répétition, parce que ce sont des paroles que j’ai exprimées tout à l’heure devant vous, Monsieur le Président; mais je voudrais bien les répéter au micro, pour donner à ma voix une force plus grande. Je suis profondément ému par toute cette visite. Je suis ému aussi par ce moment si solennel de congé de Kinshasa, parce que c’est seulement de Kinshasa que je dois maintenant m’en aller. Je reste encore sur le territoire de votre pays, en revenant de Brazzaville cet après-midi; alors ce n’est pas si facile de me renvoyer du Zaïre, si vite! Je reste encore jusqu’à demain. Mais ici, dans la capitale, et aussi en présence de Monsieur le Président, en présence des autorités, des autorités de l’État et surtout des autorités de la ville de Kinshasa, je veux renouveler mes remerciements cordiaux pour cette ville où j’ai passe trois jours; trois jours pleins de contenu, pleins aussi de travail, de travail pastoral, de rencontres, d’expériences; c’était pour moi une expérience unique: cette rencontre avec l’Église qui se trouve à Kinshasa et qui représente un peu l’Église qui se trouve au Zaïre, les rencontres avec le peuple du Zaïre qui se trouve dans un moment historique extrêmement important.

Cela, je l’ai dit plusieurs fois, Monsieur le Président, et je le répète; je vois ce début d’une route historique que vous commencez ici ensemble; et je me réjouis, je suis heureux, je suis reconnaissant à la Providence que dans ce commencement du chemin historique que votre pays et votre peuple entreprennent, l’Église peut participer d’une manière très belle, très efficace. Pour cela je remercie la Providence.

Ce séjour dans votre ville a aussi été marqué par quelques faits qui m’ont attristé profondément.

Ces faits, ces accidents sont arrivés à ma connaissance seulement hier soir. Je veux exprimer mes condoléances surtout aux familles et aussi à toute la communauté de Kinshasa, et aussi au Président de la République. Nous allons participer maintenant à une action de solidarité avec ceux qui ont dû passer par cette douleur. Mais c’est un élément, un élément humain important. Et évidemment cet élément se trouve dans un ensemble; pour moi personnellement c’est aussi une douleur. Mais c’est comme dans le mystère pascal, où la Passion se mêle avec la Résurrection. Notre foi nous aide à passer par des douleurs, et aussi à porter aux âmes qui sont tristes la consolation et l’espérance de la résurrection. Comme cela je pense aussi à cet événement. Et, en somme, je laisse cette grande cité, capitale du Zaïre contemporain, surtout avec le sentiment d’une joie profonde.

Monsieur le Président m’a dit plusieurs fois que le Zaïre a mérité cette visite. Et je l’approuve avec mon cœur, avec mes mots, avec toute mon attitude extérieure et intérieure. Vraiment le Zaïre a mérité cette visite. C’est pour moi une grande grâce d’avoir pu la faire, de pouvoir l’effectuer en ces jours.

Monsieur le Président, je disais hier soir que cette visite n’est pas seulement une chose extraordinaire, supplémentaire, excessive: elle appartient à mon devoir. Je dois savoir comment vous vivez, quelle est votre situation, la situation de votre peuple, de votre pays, de votre République, la situation de l’Église dans ce pays. Et c’est pour cela que je suis venu, pour accomplir mon devoir. J’ai accompli ce devoir avec un grand sentiment, avec tout mon cœur. Et en terminant cette allocution, je dois vous dire, Monsieur le Président, et à vous tous ici présents, que je laisse tout mon cœur dans cette cité du Zaïre. Merci beaucoup!"

Salut de St Jean-Paul II à l'Église de Kisangani
lundi 5 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"1. Je vous salue, chers habitants de Kisangani, et je vous dis ma très grande joie d’être parmi vous. A travers vous, je salue avec affection tous mes fils catholiques et tous les habitants de la région.

2. Je remercie tout particulièrement votre Archevêque, Monseigneur Fataki, des paroles aimables qu’il vient de m’adresser. Je lui rends, en quelque sorte, la bonne visite qu’il m’avait fait à Cracovie. Avec lui, je salue cordialement tous vos évêques qui m’accueillent ici ce soir. Avec eux, je salue tous ceux qui ont entendu la parole de Dieu et qui s’efforcent de la mettre en pratique. Je voudrais n’oublier personne, mais je désire, d’un mot, exprimer dès maintenant mon affection particulière aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et aux séminaristes, à tous ceux et toutes celles qui désirent se donner à Dieu. Quel est le centre de votre vie? N’est-ce pas cet appel que vous avez entendu, l’appel du Seigneur: “Viens, et suis-moi”? Je le prie de vous bénir. Malgré les sacrifices, vous ne vous sentirez jamais tristes et isolés si vous vivez vraiment avec Lui.

Et je vous adresse aussi mon salut à vous tous, pères et mères de famille, jeunes gens et jeunes filles, écoliers et enfants. Je suis venu pour la joie d’être avec vous, au moins quelques instants, et vous redire, à la suite de vos évêques et de vos prêtres, que le Seigneur nous aime tous et nous appelle tous. Je salue aussi avec une affection spéciale les malades, les infirmes, tous ceux qui se sentent malheureux, dans leur âme et dans leur corps: le Pape vous bénit tous.

3. Je vous rappellerai simplement ce soir quelques paroles du Seigneur qui doivent nous remplir de joie et d’espoir. Comme signe que Dieu était vraiment descendu parmi les hommes, il a dit: “Les pauvres reçoivent l’évangile”, les pauvres entendent la bonne nouvelle du salut! Et il disait encore: “Venez à moi, vous tous qui êtes écrasés sous le poids du fardeau, et moi, je referai vos forces”.

En venant chez vous, je désire rappeler à tous les disciples du Christ ce grand message de l’Évangile qui est au fond de l’amour que nous avons les uns pour les autres, et je redis ce que saint Paul enseignait aux premiers chrétiens: “Le Seigneur Jésus s’est fait pauvre pour nous, et il nous a enrichis de sa pauvreté”. Cela se réalise encore aujourd’hui. Cela se réalise chez vous, au cœur de l’Afrique. Oui, à ceux qui ont bien de la peine à vivre, qui cultivent péniblement pour avoir leur nourriture de chaque jour, qui se sentent sans pouvoir, frustrés, à tous ceux qui souffrent, à ceux-là, le Seigneur donne la vie de sa grâce: Dieu est présent chez vous. C’est cela l’essentiel. C’est cela qui fait l’Église universelle, qui est répandue dans le monde entier, et qui nous unit tous. C’est cela qui donne la force pour être fidèles, malgré les difficultés. Soyez donc fidèles à l’unique Église du Christ. Voyez comme ils avaient bien compris cela, ceux qui parmi vous, parmi vos concitoyens et parmi les missionnaires, ont préféré sacrifier leur vie pour rester fidèles au Christ, pour être fidèles à la vie divine qu’ils avaient reçue.

Je pense ici spécialement à deux personnes dont les noms vous sont bien connus. Il s’agit de deux personnes qui sont, pour nous tous, des exemples lumineux de vie chrétienne, offerte joyeusement à Dieu.

Je parle - vous le savez - de la Sœur Anwarite, que l’Église espère pouvoir béatifier bientôt.

Je parle aussi d’un catéchiste zaïrois: Isidore Bakanja, un vrai Zaïrois, un vrai chrétien. Après avoir donné tout son temps libre à l’évangélisation de ses frères, comme catéchiste, il n’hésita pas à offrir sa vie à son Dieu, fort du courage qu’il puisait dans sa foi et dans la récitation fidèle du rosaire.

Au nom du Seigneur, je vous demande, en arrivant chez vous, d’en être fiers et surtout de savoir les suivre! Je vous donne rendez-vous ici même, demain matin, pour la sainte messe, et je vous bénis de tout cœur."

Homélie du Saint-Père Jean-Paul II à la Sainte Messe
Kisangani, mardi 6 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"Chers Frères et Sœurs,
Chers Fils et Filles de l’Eglise,
1. Notre brève rencontre d’hier soir sur la place de cette cathédrale m’avait laissé entrevoir que vous seriez très nombreux à participer à l’Eucharistie de ce matin. Merci de tout cœur! Merci à vous, merci à tous ceux qui vous ont demandé de les représenter, parce que la distance ou les infirmités les ont empêchés d’être présents. Je prie pour eux et je les bénis. Votre foule réjouit grandement le Seigneur et me comble de joie. En vous voyant, je pense à l’Apocalypse de saint Jean que nous lisons les dimanches de Pâques. Toutes les nations, toutes les races, toutes les langues y prennent place dans l’interminable cortège de ceux qui ont été marqués au front de l’empreinte de Dieu. Pensez à votre baptême et à votre confirmation. Chrétiens de Kisangani et de cette grande région rurale, vous faites partie de cette foule immense que saint Jean n’arrivait pas à dénombrer. Vous êtes le peuple de Dieu, cheminant aujourd’hui sur la terre d’Afrique et vous vivez votre appartenance au Seigneur à travers les réalités du monde rural. Je voudrais méditer avec vous sur ces deux aspects de votre existence concrète et, en finale, vous aider à contempler celle que le Concile Vatican II a si heureusement présentée comme étant la Mère de l’Eglise, et que nous prions ce matin sous le nom de Notre-Dame du Rosaire.

2. Comme les premières communautés chrétiennes de Jérusalem, d’Antioche, de Corinthe, de Rome sont nées de la prédication de la Bonne Nouvelle, qui est essentiellement le mystère du Christ, ainsi vos postes de « mission » et vos paroisses ont surgi, depuis cent ans, de l’annonce de l’Evangile à vos pères dans la foi. Ce fut l’œuvre, au début, de missionnaires venus de loin, brûlant d’amour pour le Christ et pour vous. Ils vous proposaient le message qu’ils avaient eux-mêmes reçu, car personne ne le découvre soi-même: on le reçoit de l’Eglise. Les chrétiens de cette région sont maintenant devenus tout un peuple, avec des pasteurs choisi parmi les fils de ce pays. Et tous ensemble, évêques, prêtres, religieuses et fidèles, vous êtes l’Eglise, vous faites partie de cet immense peuple de Dieu surgi à la Pentecôte et destiné à connaître la plénitude entrevue par saint Jean. Ici-bas il connaît des épreuves, parfois des humiliations et des persécutions. Il comprend des martyrs, des saints, comme vos compatriotes qui ont préféré sacrifier leur vie plutôt que de manquer à la fidélité de leur baptême, comme Sœur Anwarite, que l’Eglise envisage de déclarer bienheureuse. Peut-être certains ont-ils trop tendance à réduire l’Eglise uniquement à ce qui est visible ou encore à ses Responsables, à ses institutions, à son organisation. En réalité, comme l’a bien dit le récent Concile, l’Eglise-peuple de Dieu est un mystère.

3. Quel est donc ce mystère? Une expression très forte de l’Apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe vous aide à le saisir: « Vous êtes le Corps du Christ, et membres chacun pour sa part » [
1 Co 12, 27]. Ou encore, « Le Christ est la Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Eglise » [Col 1, 18]. Nous sommes mystérieusement unis et intégrés à la vie du Christ ressuscité, glorifié à la droite de Dieu, comme les membres le sont à la tête. L’Eglise, c’est le Christ vivant aujourd’hui sur tous les continents, en tous ceux qui se sont convertis ou se convertissent sans cesse à Lui, à tel point que leur vie n’est plus seulement leur vie, mais celle du Christ en eux. Vous recevez le corps eucharistique du Christ pour devenir davantage encore les membres de son Corps.

4. Chrétiens de la région de Kisangani, avez-vous cette vision mystérieuse et dynamique de l’Eglise? de votre lien vital avec le Christ, et avec les autres membres du Christ? Cela doit se vérifier le style de vos célébrations eucharistiques du dimanche, que vous voulez dignes, festives et priantes. Cela doit se vérifier aussi dans vos comportements quotidiens, en famille, dans votre quartier, dans votre village. Pour y réaliser vraiment cette Eglise, cette famille chrétienne reliée au Christ, il est bon d’avoir, et vous le faites déjà, d’autres rencontres de prière, de réflexion, de partage, d’entraide, pour être de meilleurs disciples du Christ et vivre sa fraternité dans les milieux de votre vie et de votre travail.

5. Précisément, vous êtes l’Eglise, le Christ vivant dans le monde rural. Ce cadre social vous marque et vous avez mission de le rendre plus digne de Dieu et donc plus humain. Et là, vous devez vous sentir spécialement proches du Christ.

Pour Jésus, en effet, sa vie terrestre s’est déroulée surtout dans une civilisation essentiellement agraire. Il a passé trente ans dans l’un des plus petits villages de Palestine, Nazareth. Et pendant sa vie publique, il a visité nombre de villages de paysans, et de petits pêcheurs. Il a longuement observé et aimé la nature, les fleurs et les arbres, les saisons, les travaux des champs, ceux du laboureur, du moissonneur, du vigneron, du berger, de la femme qui va puiser l’eau, pétrir la pâte, préparer les repas. Il a connu les coutumes locales qui rythmaient la vie. Il a partagé les événements du village, l’hospitalité offerte aux amis, la noce, le deuil. Il s’est attardé auprès des enfants qui jouaient, des malades qui souffraient. Nous le savons, parce qu’il a merveilleusement utilisé toutes ces observations pour faire comprendre à ses auditeurs les mystères du Royaume de Dieu qu’il venait révéler, au point que l’Evangile est pour vous, habitants du monde rural, un livre au langage savoureux, qui vous est très accessible.

6. Mais il y a plus profond encore que cette proximité sympathique avec Jésus de Nazareth. C’est que Jésus est le Fils de Dieu, « incarné », venu dans la chair, pour vivre les réalités concrètes de notre existence, à la fois en homme et en Fils de Dieu. C’est un mystère inouï! Vous pressentez la dignité qu’il confère à votre vie d’humbles travailleurs, puisqu’il l’a vécue à Nazareth, en Palestine! Il l’a vécue sous le regard de Dieu son Père, intimement lié à lui, en action de grâce. Il en a offert à Dieu toutes les joies et toutes les peines. Il l’a vécue avec simplicité, pureté de cœur, avec courage, comme un serviteur, comme un ami accueillant aux malades, aux affligés, aux pauvres de toute sorte, avec un amour que personne ne surpassera et dont il a fait son testament: aimez-vous, comme je vous ai aimés. C’est cette vie-là qui, à travers l’épreuve de son sacrifice, offert pour libérer le monde de ses péchés, est maintenant glorifiée auprès de Dieu.

Je vous invite pareillement, chers amis, à prendre conscience de la dignité de votre vie, qui a été sanctifiée par le Christ et rachetée par lui dans les mystères de son Incarnation et de sa Rédemption et à en faire, vous aussi, une offrande agréable à Dieu, en lui imprimant la marque de la prière et de l’amour. Cette perspective transformera déjà du dedans votre vie et vous fera participer à la sainteté du Christ.

7. Et je pense qu’elle pourra aussi vous stimuler à transformer les conditions de votre vie rurale dans la mesure où elles se détériorent par la négligence ou le péché et empêchent les hommes de vivre dans la dignité, l’espérance et la paix. Car le Royaume des cieux que nous préparons doit déjà trouver quelque ébauche dans cette vie terrestre. Ce progrès a beaucoup d’importance pour le Royaume de Dieu [cf Gaudium et Spes,
n 39].

Oui, si vous prenez conscience de la dignité de votre vie et de votre travail, avec l’amour généreux du chrétien, vous chercherez à les rendre plus dignes pour vous et pour les autres. Vous n’accepterez pas que les ruraux soient considérés comme des hommes ou des femmes de seconde zone. Vous ne vous résignerez pas à ce que certains soient écrasés par la misère, ou victimes de l’injustice. Il ne serait pas juste ni conforme à l’Evangile du Christ que les plus forts ou les plus chanceux exploitent les autres: saint Jacques dénonçait déjà ce mal [Jc 4, 13 - 5, 6]. Vous vous donnerez la main pour faire face aux difficultés. Vous réfléchirez ensemble et vous envisagerez des actions communes, modestes peut-être ― car vous n’avez pas seuls les moyens d’agir efficacement ― mais réalistes. Vous qui êtes justement attachés à vos terres, vous contribuerez à freiner l’exode rural, si préjudiciable à la vie rurale et à la nation tout entière. Votre pays se doit de satisfaire ses besoins alimentaires; les produits agricoles sont plus nécessaires que certains produits de luxe. Le développement industriel des pays africains a besoin du développement agricole; il se greffe sur lui. Il y va de la vie de ses fils.

8. Certes, les Eglises chrétiennes n’ont pas à proposer elles-mêmes ni à réaliser des solutions techniques pour l’aménagement du monde rural. Mais elles sont gardiennes du sens évangélique à donner à la vie des hommes et des sociétés. Et les chrétiens, formés par elles, apporteront à ces solutions humaines une dimension qui éclairera le choix des objectifs et des méthodes. Ils seront par exemple soucieux du respect des personnes. Ils se préoccuperont des petits et des faibles. Leur honnêteté ne tolérera pas la corruption. Ils chercheront des structures plus justes dans le domaine foncier. Ils prôneront l’entraide, la solidarité. Ils voudront garder à leur communauté un visage fraternel. Ils seront des artisans de paix. Ils se considéreront comme gestionnaires de la Création de Dieu, qu’on ne peut jamais gaspiller ni ravager à son gré, car elle est confiée aux hommes pour le bien de tous. Ils éviteront que ne s’installe un matérialisme qui serait en fait un esclavage. Bref, ils veulent travailler, dès maintenant, à un monde plus digne des fils de Dieu. C’est le rôle que l’Eglise reconnaît aux laïcs chrétiens, aidés de leurs pasteurs. Oui, c’est là un témoignage de l’Eglise.

9. Chers Frères et Sœurs, pour réaliser cela d’une façon vraiment chrétienne, il faut d’abord que vous soyez animés du dedans par l’Esprit de Dieu. Et je voudrais pour cela que vous vous tourniez davantage encore vers la Vierge Marie, votre Mère, la Mère de l’Eglise.

Nous célébrons la messe de Notre-Dame du Rosaire, devant cette cathédrale qui lui est dédiée.

C’est pour moi une très grande joie. Qui, mieux que Marie, a vécu une vie toute simple en la sanctifiant? Qui, mieux que Marie, a accompagné Jésus dans toute sa vie, joyeuse, souffrante et glorieuse, est entrée dans l’intimité de ses sentiments filiaux pour le Père, fraternels pour les autres? Qui, mieux que Marie, associée maintenant à la gloire de son Fils, peut intervenir en notre faveur?

Elle doit maintenant accompagner votre vie. Nous allons lui confier cette vie. Et l’Eglise nous propose justement pour cela une prière, toute simple, le rosaire, le chapelet, qui peut calmement s’échelonner au rythme de nos journées. Le rosaire, lentement récité et médité, en famille, en communauté, personnellement, vous fera entrer peu à peu dans les sentiments du Christ et de sa Mère, en évoquant tous les événements qui sont la clef de notre salut. Au gré des Ave Maria, vous contemplerez le mystère de l’Incarnation du Christ, dont nous avons parlé, la Rédemption du Christ, et aussi le but vers lequel nous tendons, dans la lumière et le repos de Dieu. Avec Marie, vous ouvrirez votre âme à l’Esprit Saint, pour qu’il inspire toutes les grandes tâches qui vous attendent. Avec elle, les mamans accompliront leur rôle de porteuses de vie, de gardiennes et d’éducatrices du foyer.

Que Marie soit toujours votre guide et votre soutien. Amen!"

Prière de Saint Jean-Paul II au Cimetière de Makiso
Kisangani, mardi 6 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"Agenouillés en ce cimetière sur la tombe des missionnaires venus de loin, Seigneur, nous te prions.

Béni sois-tu, Seigneur, pour le témoignage de tes missionnaires! C’est toi qui as inspiré à leur cœur d’apôtres de quitter à jamais leur terre, leur famille, leur patrie, pour rejoindre ce pays, jusqu’alors inconnu pour eux, et proposer l’Évangile à ceux qu’ils considéraient déjà comme des frères.

Béni sois-tu, Seigneur, d’avoir soutenu leur foi et leur espérance, au moment des semailles; et tout au long de leur labeur apostolique; de leur avoir donné résistance et patience dans les fatigues, les difficultés, les peines et les souffrances de toutes sortes.

Béni sois-tu, Seigneur, d’avoir fortifié leur attachement et leur confiance envers les fils de ce peuple, au point de les estimer très vite capables eux aussi d’une vie de baptisés et de leur ouvrir la voie à la vie religieuse, à la préparation sacerdotale, avec la volonté tenace de fonder, avec eux et pour eux, une Église locale, dont nous recueillons les fruits.

Béni sois-tu, Seigneur, pour toutes les grâces qui sont venues par leur parole, par leurs mains, par leur exemple.

Ils ont consacré leur vie jusqu’à son terme pour la mission, et ils ont laissé à cette terre leur dépouille mortelle; certains après une vie abrégée par le travail, certains même après une vie risquée et offerte en martyrs de la foi. Il fallait que le grain de blé tombe en terre et meure pour qu’il porte beaucoup de fruits.

Seigneur, fais que l’Église arrosée par leur sueur et leur sang arrive à sa pleine maturité. Grâce à eux, d’autres peuvent récolter aujourd’hui dans la joie ce qu’ils ont semé dans les larmes. Que nombreux se lèvent, parmi les fils et filles de ce pays, ceux qui doivent prendre la relève, afin que ton nom soit glorifié sur cette terre d’Afrique.

Garde-nous d’oublier ces pionniers de l’Évangile, dans la mémoire du cœur et de la prière. Nous espérons que tu les as accueillis dans ton paradis, en leur pardonnant les faiblesses qui ont pu marquer leur vie comme celle de tous les humains. Donne-leur la récompense des bons et fidèles serviteurs. Qu’ils entrent dans la joie de leur Maître. Donne-leur le repos éternel et que ta lumière brille à jamais sur eux. Amen."

Discours de St Jean-Paul II à la Mission Saint-Gabriel
Kisangani, mardi 6 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"Chers frères et sœurs dans le Christ,
A l’occasion de cette visite à la Mission Saint-Gabriel, je voudrais vous adresser un mot d’admiration et d’encouragement, qui vaudra aussi pour tous les postes de mission, disséminés dans ce pays et les autres pays d’Afrique. J’aurais aimé en visiter davantage, aux abords des grandes cités, comme ici, ou au milieu des villages de la forêt ou de la brousse. La brièveté du séjour ne le permet pas. Que tous sachent du moins à quel point le Pape apprécie ce beau service d’évangélisation et les remercie, au nom de l’Église.

1. Tout d’abord je salue le personnel dévoué de ces postes de mission. Ce sont des prêtres zélés, souvent venus de loin. Ce sont des religieux, qu’on appelle du nom si expressif de Frères, et dont je tiens à souligner le dévouement quotidien, humble et efficace depuis l’aube de l’évangélisation: par leur compétence en de multiples domaines, ils ont beaucoup contribué à l’implantation et au fonctionnement pratique et pédagogique de ces postes de mission. Ce sont des religieuses, dont la vie consacrée est rayonnante de la présence du Seigneur et qui assurent, grâce à l’aisance de leurs contacts avec les familles, un magnifique travail d’éducation, de charité et de promotion humaine.

Ce sont aussi des laïcs qui coopèrent a toutes ces tâches.

Certains membres de ces missions vivent comme en détachement avancé, dans un secteur tout neuf de l’évangélisation; plus souvent, aujourd’hui, ils vivent en équipe, et leur poste, avec sa chapelle et ses diverses installations, est un point de ralliement pour les chrétiens dispersés dans les quartiers ou dans les villages environnants. En saluant spécialement ceux de Saint-Gabriel que j’ai la joie de rencontrer ici, avec leurs paroissiens, je salue et je remercie chaleureusement tous les autres.

2. De mon cœur montent quelques pensées que je vous confie simplement.

A mes yeux, le poste de mission évoque d’abord la modestie des commencements: modestie des effectifs missionnaires bien souvent, modestie des communautés chrétiennes, modestie des moyens pédagogiques et matériels. En fait, la vie de ces évangélisateurs et de leurs premiers disciples est toute proche de la pauvreté de l’Évangile et de la simplicité des premières communautés chrétiennes que nous décrivent les Actes des Apôtres [cf
Act. 13.14]. Paul, Barnabé et tant d’autres disciples y arrivaient en quelque sorte les mains nues, n’ayant que la Bonne Nouvelle à partager, la ferveur de leur amour et l’assurance de l’Esprit-Saint. Oui, chers amis, la foi et la charité qui habitent vos personnes, voilà ce qui fait d’abord votre originalité, votre richesse, votre dynamisme.

3. Et, ici, je veux adresser une pensée spéciale à tous ceux qui, dans certains postes difficiles de mission, connaissent l’épreuve de la persévérance et même de l’enfouissement dans la solitude et l’oubli. Car vous ne vous contentez pas de passer: vous demeurez au milieu de ceux dont vous avez adopté la vie. Vous y demeurez patiemment, même s’il vous faut longtemps semer l’Évangile sans assister encore à la germination et à la floraison. La lampe de votre foi et de votre charité semble alors brûler en pure perte. Mais rien n’est perdu de ce qui est ainsi donné. Une mystérieuse solidarité relie tous les apôtres. Vous préparez le terrain où d’autres moissonneront. Demeurez de fidèles serviteurs.

Dans tous les cas, vous n’avez pas ménagé vos forces. Vous avez entrepris et poursuivi cette initiative apostolique au prix de grandes fatigues, morales et aussi physiques, parfois jusqu’à en être exténués, sous un climat auquel vous n’étiez pas habitués et dans des conditions de vie précaires.

Je pense spécialement à vous lorsque je relis les pages de saint Paul - dont j’ai pris le nom - sur les tribulations du ministère apostolique, dont il dresse une liste impressionnante [cf
2 Cor 4, 7-18; 6, 1-10]. Je souhaite, chers amis, que vous connaissiez aussi son espérance et sa joie, en attendant la récompense du Seigneur.

4. Votre labeur apostolique emprunte les chemins ordinaires et nécessaires de l’évangélisation.

D’abord prendre contact, manifester l’amour du Seigneur pour tous, non seulement une attention bienveillante, mais un amour concret qui ne néglige pas les diverses formes d’entraide, qu’il s’agisse d’école, de dispensaire, de projets agricoles, de promotion humaine de toute sorte. On sait, en fait, que vous êtes là d’abord pour répondre à la faim de Dieu, au besoin de sa Parole qui éclaire et réconforte les cœurs, les élève et suscite un renouveau des hommes et de la société. C’est la part importante de votre ministère: témoignage et annonce de l’Évangile, catéchèse de ceux qui demandent à être initiés à la foi, longue préparation aux sacrements, surtout de baptême et d’eucharistie, encouragement à la prière, formation des consciences aux responsabilités humaines et chrétiennes.

5. Vous seriez vite débordés si vous vouliez accaparer toutes les tâches. Et ce ne serait pas une vraie fondation d’Église. Très vite, vous cherchez à vous associer des disciples, catéchistes, animateurs, qui deviennent à leur tour des évangélisateurs, un peu comme saint Paul qui désignait ce qu’on appelait alors des “anciens”, en faisant confiance au Seigneur [cf
Act 14, 23]. C’est là que gît la vitalité de la mission.

Le service purement évangélique que vous voulez rendre à ces peuples pour le salut desquels vous avez tout sacrifié, doit tendre en effet à ce que les fils de ces peuples acquièrent leur maturité chrétienne, ecclésiale, et guident par eux-mêmes l’œuvre commencée.

6. Le beau travail que vous accomplissez mérite la solidarité de toute l’Église locale et celle des Églises sœurs à travers le monde.

Je suis spécialement heureux d’être ici, et de m’adresser, d’ici, à tous les membres des postes de mission. C’est, pour ainsi dire, un moment de “retrouvailles”, pour moi et pour toute l’Église que je représente. Oui, l’Église se retrouve elle-même auprès de vous, missionnaires - que vous soyez Zaïrois, Africains ou venus de loin -, parce qu’elle-même doit être tout entière et à tout moment “missionnaire”. Ainsi s’étend au loin et en profondeur l’action du “sel” et du “levain” dont parle l’Évangile.

7. La charge dont j’ai hérité de l’Apôtre Pierre est d’unir tous les chrétiens. Elle est en même temps d’entretenir le zèle missionnaire. Que le Seigneur vous bénisse et qu’il bénisse tous les postes semblables de mission!

Qu’il bénisse tous les membres de cette mission: parents, enfants, jeunes, vieillards, et spécialement ceux qui souffrent! Je confie votre communauté à la Vierge Marie, notre Mère, vers laquelle nous oriente tout spontanément le nom de l’ange Gabriel, patron de cette paroisse. Que la paix du Christ soit toujours avec vous! Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique."

Discours de St Jean-Paul II au départ du Zaïre
Kisangani, mardi 6 mai 1980 - in French, Italian, Portuguese & Spanish

"Monsieur le Commissaire d’État, Monsieur le Cardinal, Excellences,
Chers Frères et Sœurs,

Dieu soit loué!

1. Ces quelques journées sur la terre du Zaïre m’ont permis de prendre des contacts très agréables et très enrichissants avec la population de ce pays, avec ses chefs religieux et civils, avec les différentes catégories du peuple de Dieu, évêques, prêtres, séminaristes, religieux, religieuses, familles, laïcs engagés dans les différents mouvements, catéchistes, étudiants, jeunes, avec les missionnaires, avec les citoyens et citoyennes des grandes villes et ceux du monde rural qui les avaient rejoints. J’ai dû me limiter à deux contrées caractéristiques, celles de Kinshasa et de Kisangani. Je sais que l’immense Zaïre en comprend beaucoup d’autres. J’aurais encore beaucoup de choses à découvrir chez vous! Je dois partir, à regret, vers de nouveaux pays africains. Mais ce que j’ai exprimé au cours de mes rencontres ou des célébrations, je l’ai dit en pensant à tous les catholiques et à tous les habitants de cette nation. Et je tiens à les saluer une dernière fois, avec des sentiments d’estime et toute la chaleur de mon affection.

2. Je vous remercie, Monsieur le Commissaire d’État, de votre présence, et je vous prie d’être l’interprète de ma vive gratitude auprès de Son Excellence Monsieur le Président de la République pour l’accueil bienveillant qui m’a été réservé et tout le zèle qui a été déployé pour veiller au bon déroulement de ce séjour. J’en remercie également les membres du Gouvernement et tous les fonctionnaires. J’ai par ailleurs été heureux de m’entretenir avec les Autorités qui ont la lourde responsabilité du bien commun de tout le pays.

Je remercie le cher Cardinal Joseph Malula qui m’a si bien accueilli à Kinshasa et qui, par son appartenance au Sacré Collège, a tissé depuis longtemps des liens particuliers avec le Successeur de Pierre et l’Église qui est à Rome. Je remercie Monseigneur Fataki, l’Archevêque de ce lieu, que j’ai été heureux de retrouver ici, chez lui. Je remercie tous les autres Évêques du Zaïre, mes frères, avec lesquels j’ai vécu des moments de grande communion qui vont se prolonger. Je remercie avec eux tous les fidèles du Zaïre et leurs pasteurs qui ont manifesté tant d’empressement à venir rencontrer le Pape, l’écouter, prier avec lui et lui donner le témoignage de leur vitalité religieuse.

3. Le centenaire de l’évangélisation nous a permis de rendre grâce à Dieu, pour tout ce qui a été réalisé à partir de la semence de l’Évangile apportée par de valeureux missionnaires. L’Église a grandi et a fleuri, comme un arbre bien enraciné en terre zaïroise. La sève est celle de l’Église universelle, car il n’y a qu’une seule foi, un seul baptême, un seul Seigneur, un seul Esprit, un seul Dieu et Père de tous. Mais ses fruits ont aussi, et ils doivent avoir, la saveur de l’Afrique et plus spécialement de ce pays et des familles qui le composent. La communauté catholique est confiée à des évêques nés de ce terroir, en communion avec le successeur de Pierre.

4. Mais, comme je le disais à mon arrivée, cette étape en appelle une autre. Je ne dis pas seulement celle de la persévérance, déjà méritoire. Je dis plutôt celle du progrès dans la foi et dans la sainteté.

Le Christ, présent parmi vous, présent en vous, doit saisir au plus profond votre âme africaine, avec sa culture - pensée, sentiments et aspirations humaines - pour la “sauver”, au sens où Dieu a envoyé son Fils pour “sauver” le monde [cf Jn 3, 17], c’est-à-dire la racheter, l’élever, la transfigurer. C’est l’œuvre du Rédempteur; mais tous et chacun vous y avez une part de responsabilité.

5. Ma dernière consigne sera: vivez dans l’unité, fortifiez cette unité. Et pour cela bannissez toute division. L’appartenance au même Corps du Christ ne souffre pas d’exclusion, de mépris ou de haine. Elle appelle la collaboration, la paix et la fraternité de l’amour. Soyez des artisans de paix.

Ce sont ceux-là qui édifient l’Église. Ce sont ceux-là qui contribueront à édifier ce beau et grand pays, avec les autres chrétiens et les autres hommes de bonne volonté.

L’union avec vos évêques sera la garantie de votre progrès. Et de même l’union avec le Pape.

Dans la mémoire du cœur et de la prière, vous conserverez le souvenir de la proximité exceptionnelle de ces derniers jours; soyez assurés aussi que je prierai sans cesse pour vous.

La paix soit avec vous tous!
La paix soit sur le Zaïre!
Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique."