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St John Paul II's 1st Apostolic Visit to Cameroon

10th - 14th August 1985

Pope St John Paul II was a pilgrim to the Cameroon in 1985 on his 27th apostolic voyage, during which he also visited Togo, the Ivory Coast, Central African Republic, Zaire (now DR Congo), Kenya & Morocco.

After being welcomed at Yaoundé Airport, Pape St Jean-Paul II met with the ecclesial community in the Cathedral of Yaoundé. Sunday 11 August began with John Paul II celebrating Mass with priestly ordinations, followed by the Angelus, in Yaoundé. JPII then travelled to Garoua where he celebrated Mass again, this time with the conferral of the Sacraments of Christian initiation. JPII began day 3 with a meeting with representatives of the Islamic community in Yaoundé, before travelling to Bamenda airport to celebrate Mass with families, and then back to Yaoundé for a meeting with representatives of the Christian Churches, and lastly with the President of the Republic and the members of the Diplomatic Corps. On Tuesday 13 August, JPII celebrated Mass in Douala, where he greeted the young people. On return to Yaoundé, he met with Catholic students and then the Episcopal Conference of Cameroon, before bidding a fond farewell to Cameroon the next morning.

Discours du Pape Saint Jean-Paul II à la Cérémonie de Bienvenue
Aéroport de Yaoundé, Cameroun, Samedi, 10 août 1985 - in French & Italian  

"1. Dieu soit loué!

Ma joie est grande et mon émotion profonde de pouvoir accomplir au Cameroun la visite que je désirais faire depuis longtemps et que ce pays méritait.

Monsieur le Président, je me tourne d’abord vers vous pour vous remercier des nobles paroles que vous venez de m’adresser. Vos propos manifestent le sens élevé que vous avez de votre charge, comme Président de tous les Camerounais, et aussi la considération profonde que vous avez pour l’Eglise catholique, qui vous est familière, et pour le Saint-Siège dont vous soulignez bien la mission spirituelle et l’action en faveur de la paix du monde. Je vous remercie de l’accueil chaleureux que vous nous avez préparé. Et je salue respectueusement tous ceux qui vous entourent ici, les Autorités civiles et mes Frères dans l’épiscopat.

2. En venant chez vous, je réponds à une invitation exprimée depuis longtemps par vous-même, Monsieur le Président, ainsi que par les évêques de ce pays. En effet, lors de la visite “ad Limina” des évêques du Cameroun, le 13 novembre 1982, Monseigneur Jean Zoa me disait: “Le Cameroun brûle d’une joyeuse impatience de vous voir fouler notre sol; vous l’avez côtoyé et même survolé, à maintes reprises. Ce vœu de votre visite tant désirée est partagé par toutes les couches de la population, tant chrétiennes que non chrétiennes, et par les Autorités nationales”. Je suis reconnaissant de ces invitations que je suis heureux d’honorer aujourd’hui, comme je le ferai en six autres pays africains. Le sommet de notre pèlerinage se situera à Nairobi, au XLIIIème Congrès eucharistique international, dans le culte rendu à notre Seigneur Jésus Christ présent dans l’Eucharistie. Mais l’étape du Cameroun prend un relief particulier car elle comporte une visite aux quatre provinces ecclésiastiques.

3. Le Cameroun n’est-il pas comme une Afrique en miniature, creuset de nombreuses ethnies aux riches traditions, carrefour de toutes les religions majeures du continent africain, à la croisée du monde francophone et anglophone, avec une expansion démographique remarquable, une jeunesse très nombreuse? On a parlé de ce pays comme d’un îlot de paix.

De fait, Dieu merci, le Cameroun connaît aujourd’hui la paix, et il manifeste une volonté tenace de développer toutes ses potentialités, dans un climat qui harmonise le respect des groupes, la justice sociale et l’union nationale, en faisant appel à la coopération active et loyale de tous les citoyens et aux valeurs morales et spirituelles que toute conscience peut apprécier. Vous êtes conscients des grands défis à relever, notamment sur le plan économique et culturel. Nous partageons les espoirs de votre nation en pleine croissance. Je forme personnellement les meilleurs vœux pour son développement harmonieux et pleinement humain et j’exprime ma sympathie à tous les citoyens camerounais. Presque tous honorent Dieu, selon la foi chrétienne ou selon l’Islam ou selon les religions traditionnelles. Ce sentiment religieux, croyez-le bien, est apprécié par celui qui vient à vous comme Chef spirituel, successeur de l’Apôtre Pierre désigné par le Seigneur Jésus comme Pasteur de l’Eglise de Dieu.

4. Under this title I come especially to call together my Catholic brothers and sisters. The Christian faith was presented to the people of this country at the end of the last century by Protestant and Catholic missionaries. They came without knowing you, with the sole desire of sharing with you what they themselves had received as “Good News” and what was the cause of their joy and salvation: the acceptance of our Saviour Jesus Christ. And the Cameroonians welcomed them. The beginning of Catholic evangelization at Marienberg, Mary’s mountain, was very humble, like the little mustard seed of which the Gospel speaks. But this seed was divinely planted and it has brought forth marvellous fruits, the fruits of a Christianity that reflects the character of Africa.

5. Aujourd’hui, après 90 ans d’évangélisation catholique dans le Sud Cameroun et à peine 40 ans dans le Nord Cameroun, je suis accueilli par des évêques et des prêtres Camerounais, travaillant fraternellement avec leurs confrères d’autres pays, et, à leur tête, par Monseigneur Christian Tumi, Président de la Conférence épiscopale. J’apprécie toute la préparation spirituelle et autre qui a précédé mon voyage dans chacun des diocèses.

Responsable de l’unité de l’Eglise universelle, je viens rendre grâce à Dieu avec vous; je viens affermir votre foi, encourager une autre étape d’évangélisation, toujours dans le plein respect de la conscience de chaque Camerounais, pour que la lumière de Jésus brille toujours mieux dans ce pays et que son amour épanouisse les cœurs. Je suis heureux de mettre mes pas dans ceux des pionniers de l’Evangile, de réunir le peuple que Dieu s’est acquis dans ce pays, de sceller l’Alliance avec Jésus Christ par les sacrements de baptême, de confirmation, de l’Eucharistie, d’ordination, de rencontrer les prêtres, les religieux et religieuses, les familles, les jeunes, les intellectuels à tous les niveaux, les responsables politiques et tous ceux qui œuvrent pour le bien de l’Eglise et de la société.

Que Dieu bénisse mon ministère durant toute cette visite!

Qu’il bénisse votre terre qui lui est chère et que je viens de baiser, car elle est devenue le lieu où il déploie sa grâce!

Qu’il bénisse tous ceux qui m’accueillent selon le sens de l’hospitalité qui vous honore!

Qu’il bénisse tous les Camerounais, en faisant briller sur eux sa vérité, son amour et sa paix!"

Rencontre de St Jean-Paul II avec la Communauté Ecclésiale
Cathédral de Yaoundé, Cameroun, samedi, 10 août 1985 - in French & Italian  

"Dieu soit loué!

1. Il vous a appelés, chers Frères et Sœurs du Cameroun, à former, dans ce pays, un peuple qui lui est consacré, à devenir, vous aussi, une partie intégrante de son Eglise, de son Peuple répandu dans tout l’univers. Il vous a depuis toujours discernés dans son dessein d’Amour. Il vous a prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères. Il vous a sanctifiés (Cfr. Ordo Consecrationis Professorum).

C’est ainsi que je salue avec affection l’Eglise qui est à Yaoundé, dans ce diocèse, dans cette province et dans tout le Cameroun. Et, avec vous, je rends grâce à Dieu.

Certes, les habitants de ce pays n’ont jamais cessé d’être dans la pensée de Dieu; depuis toujours vous êtes l’objet de son amour, car “à toute époque et en toute nation, Dieu a tenu pour agréable quiconque le craint et pratique la justice” (Lumen Gentium, 9). C’est donc vrai aussi pour vos compatriotes qui partagent une autre foi. Mais l’évangélisation vous a permis de mieux connaître Dieu selon la vérité - comme il s’est révélé dans son amour - et de le servir dans la sainteté. L’Evangile est toujours porté - ce fut vrai pour mon pays, la Pologne, comme pour tous les pays - par ceux qui déjà ont eu la grâce de le recevoir, et qui donc viennent d’ailleurs, d’Eglises déjà constituées. L’Eglise s’est développée à partir des compagnons de Jésus qu’il a lui-même institués Apôtres, et d’autres à leur suite, de génération en génération. Aussi notre reconnaissance va aux missionnaires qui, en 1890, et sans cesse depuis lors, sont venus partager le trésor de la foi et établir ici l’Eglise apostolique. Vous avez vous-mêmes accueilli cet Evangile comme une Bonne Nouvelle venue de Dieu. Et il n’a pas tardé, comme une semence vigoureuse, à porter ses fruits chez tous ceux qui y adhérèrent par la foi et furent baptisés. En moins d’un siècle - et pour certaines régions en un quart de siècle -, l’Eglise s’est solidement implantée dans une partie notable des populations camerounaises; des prêtres, des évêques, des religieux et des religieuses, des laïcs engagés ont été appelés parmi vous à conduire et à animer cette Eglise, avec l’aide fraternelle de leurs aînés dans la foi.

Successeur de l’Apôtre Pierre, entouré de mes Frères les Evêques, je viens pour la première fois visiter cette Eglise au Cameroun, la reconnaître, confirmer sa foi, consolider son lien nécessaire avec l’Eglise universelle, affermir son élan spirituel et encourager son dynamisme missionnaire, respectueux des personnes et des cultures.

2. Vous exercez dans cette Eglise des responsabilités diverses, vous avez reçu des dons variés, mais je souligne d’abord ce qui vous est commun. “Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l’Eglise sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous” (1 Cor. 12, 4-6). Dans l’unique peuple de Dieu, il n’y a place pour “aucune inégalité qui viendrait de la race ou de la nation, de la condition sociale ou du sexe” (Cfr. Lumen Gentium, 32). Vous avez accueilli la même foi de l’Eglise qui vous a révélé le même amour du Père pour chacun. Vous avez reçu le même baptême qui vous a fait entrer dans la vie nouvelle par la mort et la résurrection du Christ, et qui a fait de vous les membres de son Corps mystique.

Vous avez part au même Esprit Saint qui fait de vous son temple. Vous avez été adoptés par Dieu comme des fils et des filles. Vous êtes constamment sanctifiés par les mêmes sacrements; en particulier vous participez à la même Eucharistie pour vous offrir avec le Christ et recevoir le Pain de Vie qui est son Corps très saint, vous vous approchez de la même source du pardon dans le sacrement de la réconciliation. Vous possédez en germe la vie éternelle, appelée à l’épanouissement au Ciel. Vous avez la même destinée. Dans “la dignité et la liberté des fils de Dieu” (Cfr. ibid. 9), vous êtes tous appelés dès maintenant, par des voies et des états de vie différents, à la même sainteté, à la perfection qui est celle du Père (Cfr. ibid. 11). La valeur essentielle est, en chaque personne, sa réponse à la grâce, la sainteté que Dieu seul connaît en pleine lumière. La prière et la charité sont le fondement de votre vie chrétienne. Vous formez, comme saint Pierre le disait déjà, “une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis” (1 Petr. 2, 9). Et vous avez tous l’honneur et le devoir de contribuer à édifier l’Eglise et de porter témoignage dans le monde où la Providence vous a placés.

Il vous faut donc avoir entre vous une grande estime, “une charité sans division” (Cfr. Lumen Gentium, 32); pratiquez une entraide et une coopération active, comme entre les membres du même Corps, le Corps du Christ. Et remerciez Dieu sans cesse des dons inouïs qu’il a faits à chacun d’entre vous. Répétons souvent les paroles du psaume que vous avez choisi: “A toi merci, merci infiniment. Ngan ai wa, ntud ngan”.

3. Mais dans l’Eglise, comme dans un corps, les membres n’ont pas tous la même fonction et la même vocation. Leur diversité ne reflète pas seulement ce qui existe dans la société civile où tous n’ont pas les mêmes capacités, les mêmes responsabilités. Elle tient au mystère même de l’Eglise, qui reçoit ses pouvoirs, avec la grâce divine, d’un Autre, du Christ; ses membres reçoivent leurs charismes comme des dons gratuits de l’Esprit Saint qui par eux, rajeunit, renouvelle et étend sans cesse la vie ecclésiale. Il faut donc que chacun exerce au mieux le ministère ou le témoignage qui lui est confié pour le bien de tous, respectueux et solidaire des autres vocations. “Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous” (1 Cor. 12, 7). Tous ne sont pas appelés à vendre leurs biens pour suivre le Christ, comme le jeune homme riche de l’Evangile, mais tous sont appelés à faire de leur vie un don.

4. J’ai salué mes Frères dans l’épiscopat que je retrouverai tout au long de ce voyage. Ici, je voudrais m’adresser d’abord aux prêtres qui partagent de si près leur mission, la mission du Christ Prêtre, seul Médiateur entre Dieu et les hommes.

Chers amis prêtres du Cameroun, vous êtes pris d’entre les hommes de ce pays, vous connaissez bien leurs préoccupations, leurs espoirs, leurs faiblesses; vous êtes solidaires de leur culture et de leur ethnie. C’est en leur nom que vous rendez grâce à Dieu et que vous le suppliez. Mais, par l’ordination sacerdotale, vous êtes devenus les ministres du Christ; vous le représentez, Lui, la Tête de l’Eglise qui est son Corps, Lui, l’Auteur du salut et la source de toute grâce. Vous annoncez sa Parole, vous agissez en son nom pour offrir son Sacrifice, pour donner son Pain de Vie, pour transmettre son pardon; tous ces dons de Dieu que le peuple chrétien ne peut produire par lui-même, car il les reçoit d’en haut. Votre mission est sublime et elle est indispensable. Vous devez sans cesse, en toute humilité, rendre grâce à Dieu pour la confiance qu’il vous a faite. Votre ministère mérite également que vous lui consacriez tout votre temps et toutes vos forces, car le Christ, qui vous a regardés avec amour, comme le jeune homme riche, et vous a dit “suis-moi”, ne vous a pas appelés pour que vous retourniez à des activités profanes sans rapport avec l’évangélisation. C’est dans ce but qu’il vous faut organiser et régler ensemble et avec vos fidèles les questions importantes de la subsistance matérielle des prêtres, car le Royaume de Dieu demande des moissonneurs à plein temps, il demande des pécheurs d’hommes voués à leur tache corps et âme, c’est-à-dire sans cœur partagé.

Vous êtes devenus Pasteurs dans l’Eglise à la suite du Bon Pasteur, c’est-à-dire chargés de rassembler le peuple qui vous est confié, en l’aimant et en le servant sans faire de distinction préférentielle entre riches et pauvres, adultes et enfants, bien portants et handicapés, hommes d’une autre race ou d’un autre milieu. Vous représentez parmi eux non seulement l’autorité du Chef, qui les guide de façon sure, mais l’amour du Christ, attentif à chacun et serviteur de tous. Vous êtes aussi les Pasteurs préoccupés par les brebis perdues, éloignées, par celles qui sont loin, ou qui ne font pas encore partie de ce bercail parce qu’elles n’ont pas découvert vraiment l’Evangile. Vous êtes tous en état de mission, comme l’Eglise entière.

De tout cela, nous reparlerons demain, au moment d’ordonner vos jeunes frères. Mais déjà, je prie le Seigneur de vous rendre toujours plus disponibles à son œuvre, dans un amour plénier et exclusif à son égard, et de vous maintenir en tout solidaires de son Eglise: je lui demande de vous rendre saints et de vous conserver dans sa paix et dans sa joie. Et je le demande aussi pour les diacres permanents qui commencent à apporter à cette Eglise un service très appréciable.

5. J’adresse également mes encouragements aux séminaristes des grands séminaires, des séminaires d’adultes et des petits séminaires. Chaque province a tenu à se doter de ces moyens de formation à la prêtrise, et c’est réellement important pour l’avenir de votre pays.

Chers jeunes ou aînés qui vous préparez au sacerdoce directement ou qui l’envisagez pour l’avenir, vous êtes conscients de la beauté et de la grandeur de la tache qui vous attend. Vous ne serez donc pas étonnés si l’Eglise - à qui revient en dernier ressort la décision de vous appeler aux ordres - se montre exigeante pour votre formation: formation culturelle, qu’on ne saurait sous-estimer dans une société qui invite de plus en plus ses enfants à l’effort intellectuel; approfondissement des études théologiques, qui doivent vous familiariser avec toute la doctrine de l’Eglise élaborée au long de l’histoire et confirmée par le Magistère; méditation de la Sainte Ecriture et formation à la prière; ou encore, discipline de vie qui vous prépare à la maîtrise de votre affectivité, au don de vous-mêmes, à la constance dans le travail; et, bien sur, formation apostolique.

On compte sur vous, sur toutes vos capacités, pour conduire à Jésus Christ un peuple camerounais qui désire ardemment son développement intégral. Mais il peut souvent être troublé par tout ce qu’impose une civilisation technique où le sens religieux s’affaiblit; il peut aussi être tenté par un certain retour au paganisme, ou séduit par diverses formes de fausse religiosité.

La “Ratio nationalis institutionis sacerdotalis” qui a été mise au point par vos évêques et vos responsables trace de voies intéressantes et sures pour la préparation des prêtres. Je souhaite que vous parcouriez ce chemin, difficile mais exaltant, avec vos maîtres. Soyez courageux et confiants, prenez appui sur l’amitié du Christ qui vous fait la grâce de vous appeler à son service.

6. Et maintenant, je me tourne vers vous, chers religieux et religieuses du Cameroun, venus ici répondre à une vocation missionnaire ou natifs de ce pays. Vous aussi, vous avez une place de choix dans cette Eglise. Vous y rendez des services hors pair pour un grand nombre de taches pastorales liées aux paroisses, ou dans l’enseignement, dans l’éducation des jeunes, dans les soins aux malades, dans l’entraide aux pauvres de toute condition. Vous y apportez, avec votre compétence, une disponibilité totale, d’autant plus que vous n’avez pas de famille personnelle à charge. Mais, plus profondément, par votre existence même de religieux, vous témoignez du Royaume de Dieu tel que Jésus l’a décrit dans les Béatitudes, du Royaume à venir qui connaît un début de réalisation sur cette terre. Vous vous y consacrez entièrement. Et ce qui vous anime dans cette vie exigeante, c’est la joie d’imiter Jésus chaste, pauvre, obéissant, c’est la volonté de vivre le radicalisme de ses appels, c’est l’amour gratuit que vous lui portez. Comme disait saint Pierre aux premiers chrétiens: “Sans l’avoir vu, vous l’aimez; sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d’une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir le salut qui est l’aboutissement de votre foi” (1 Petr. 1, 8-9).

Cet amour gratuit trouve une expression spéciale chez les moines et les moniales qui, cloîtrés dans les monastères de ce pays, consacrent leur vie à la louange et à l’intercession, au nom de tous leurs frères et sœurs. Ces contemplatifs servent la gloire de Dieu, ils alimentent secrètement la flamme de l’Eglise, je sais que ces monastères sont également représentés ici.

Tous et toutes, religieux et religieuses, vous êtes associés de façon particulière à la Rédemption du Christ; avec Lui, vous offrez vos personnes en hostie vivante (Cfr. Rom. 12, 1), en imitant l’amour qui, dans le cœur du Christ, est à la fois rédempteur et nuptial et inaugure une vie nouvelle d’alliance avec Dieu à travers son sacrifice. Vous savez que l’an dernier, dans l’exhortation “Redemptionis Donum”, j’ai développé ces thèmes à votre intention.

Cette manière de suivre le Christ oriente les hommes des congrégations religieuses, de vie active ou de vie contemplative, prêtres et frères. Mais ma pensée se tourne spécialement vers les instituts de femmes, puisque 18 religieuses vont faire maintenant leur profession temporaire ou perpétuelle: Sœurs Servantes de Marie de Douala - Camerounaises et Congolaises -, Filles de Marie de Yaoundé, “Sisters of Saint Therese of the Child Jesus” de Buea, “Franciscan Tertiary Sisters of Brixen”. La vie religieuse et toutes les formes de vie consacrée sont un grand don que Dieu fait à ce pays, un signe de maturité évangélique. Je félicite en même temps les religieuses venues d’autres pays: elles ont apporté dans le passé et elles apportent aujourd’hui un témoignage qui a sans doute été décisif pour l’éclosion de nouvelles vocations et de nouvelles congrégations camerounaises.

Dear Sisters: the ceremony in which you will now take part is an expression of your commitment. You are committing yourselves to a life in which your whole being is consecrated to Christ, to serve him in his brothers and sisters.

Each day you must renew interiorly that self-giving. Your Congregation will assist you. It will offer you the framework for your life of perfect chastity, of poverty sharing, and of self-renunciation. It will not replace your own personal vigilance. You yourselves will be responsible for the lighted lamp which you must hold as you go to meet the Spouse, like the wise virgins of the Gospel. But do not be afraid! We are going to implore the mercy of God. It is this mercy that will sustain you, together with the charity of your sisters. In presenting the crucifix to the temporarily professed Sisters I invite them to give themselves unreservedly to Christ; and in presenting the ring to those in perpetual vows I say to them: “From now on you are the Spouse of Christ”.

May he be your strength and your joy throughout your lives! May he also grant you the spiritual fruitfulness of your consecration in the Church!

7. “Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit pour le bien de tous”.

Je m’adresse maintenant aux catéchistes. Je sais que vous êtes plus de 10.000 dans tout le Cameroun. Sans votre service ecclésial, chers amis, comment le Message évangélique confié aux apôtres et aux Pasteurs serait-il annoncé de façon efficace dans les communautés des villages et des quartiers? Comment serait-il traduit, expliqué, progressivement assimilé dans la culture des Camerounais, adultes ou jeunes? Comment serait assurée la préparation patiente aux sacrements? Comment la foi serait-elle soutenue au jour le jour, comment s’épanouirait-elle dans la prière et dans la vie concrète? Vous avez une tache capitale de témoins, d’enseignants, d’entraîneurs. Un véritable ministère vous est confié, à vous laïcs, ce qui suppose évidemment une collaboration étroite et confiante avec les prêtres, et la formation biblique et catéchistique que vos centres spécialisés vous aident à acquérir. Mais, comme je l’ai dit aux prêtres, aux diacres, aux religieux et aux religieuses, c’est d’abord la qualité de votre propre foi, de votre prière, de votre vie chrétienne, personnelle, familiale et professionnelle, qui rendra fructueux votre service d’Eglise, avec la grâce de Dieu.

8. Au-delà de ceux qui sont à proprement parler des “catéchistes”, je suis heureux de rencontrer ici beaucoup d’autres laïcs engagés dans l’apostolat.

Chers Frères et Sœurs, votre baptême, votre confirmation vous ont donné la grâce et la responsabilité être des membres actifs de l’Eglise et des témoins du Christ au milieu des taches terrestres. Le Concile Vatican II exprimait cela en disant que vous participez au sacerdoce commun des 15dèles, à leur rôle prophétique et royal. Certains d’entre vous aident plus spécialement les communautés chrétiennes pour les réunions de prière et la liturgie, pour l’enseignement et l’éducation dans une perspective chrétienne, ou encore pour l’entraide de charité dont ont besoin les malades ou les pauvres de toute sorte dans la paroisse. Mais vous êtes aussi appelés à être témoins du Christ, de sa justice, de sa charité, de sa vérité, de sa pureté, au milieu du monde, pour contribuer à la conversion des personnes à une vie meilleure, à la transformation des mentalités et même à l’aménagement des structures de la vie sociale qui sont le fruit de ces mentalités ou qui les influencent. C’est à ce prix seulement que se fera en profondeur ce qu’on peut appeler la seconde étape de l’évangélisation.

Le terrain d’une telle action est d’abord le cadre familial: il y a tant à faire pour aider les époux à vivre l’amour conjugal et parental, à s’y préparer comme il convient à des chrétiens, en surmontant les handicaps que certaines institutions traditionnelles ou certaines tentations modernes font peser sur la sincérité, l’unité et la fidélité de l’amour! Nous en reparlerons à Bamenda. Je pense aussi aux réalités si diverses de la vie professionnelle qui doivent s’inspirer toujours davantage de la justice, de l’honnêteté, du courage, pour que personne ne soit lésé et que le bien commun soit assuré. La jeunesse, si nombreuse en ce pays, la jeunesse étudiante ou la jeunesse qui travaille dans les entreprises urbaines ou à la campagne, a besoin notamment être aidée dans sa réflexion chrétienne et dans son action, devant les mutations sociales; car souvent se trouvent menacés la foi, le sens des relations humaines, l’enracinement familial, l’attachement au travail. Je sais qu’ici la JAC, la JEC, la JOC, l’action catholique de l’Enfance, la Légion de Marie, l’action catholique des Foyers, les diverses confréries sont actives; les mouvements - ceux-là et d’autres - peuvent aider sérieusement à l’approfondissement et à la persévérance dans l’apostolat. Mais l’appel et la confiance de l’Eglise s’adressent à tous les baptisés, organisés ou non en mouvements. Il ne s’agit pas d’imposer aux autres concitoyens nos exigences propres, mais d’en donner le témoignage, d’en susciter librement le goût et le désir, pour qu’elles contribuent à former une société plus humaine, où les valeurs morales et spirituelles aient toute leur place. Jésus disait à ses disciples, et je vous le répète aujourd’hui: vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde, vous êtes le levain qui doit faire lever toute la pâte.

9. Chers Frères et Soeurs, tous membres du Corps du Christ, vous avez chacun votre vocation, votre râle dans l’Eglise et dans le monde. Accomplissez-le avec conviction et ferveur: votre salut et celui des autres en dépendent. Accomplissez-le avec humilité, car il s’agit d’un appel et d’un don de Dieu, et nous portons tous ce trésor dans des vases d’argile, avec notre part de la faiblesse des hommes qui nous entourent et de la séduction du Mauvais qui rode en nous-mêmes. Accomplissez-le aussi avec audace, confiance et joie, car le Seigneur est avec vous et vous soutiendra toujours si vous êtes fidèles.

Appuyons-nous sur le roc de la foi: après la profession de foi de Pierre, qui reconnaissait en Jésus le Messie et le Fils de Dieu, le Seigneur lui dit: “Tu es le Roc sur lequel je bâtirai mon Eglise”. Je suis venu moi-même, en son nom, vous affermir dans cette foi. Recourons sans cesse à la prière. Que tous nos actes soient inspirés par la charité, qui résume toute la Loi. Faisons de notre vie un don à Dieu et un service de nos frères: c’est à travers ce don de nous-mêmes que les hommes pourront le mieux reconnaître Dieu. Suivons l’exemple de Marie, elle est le modèle de la foi et de la disponibilité. Je suis heureux de savoir que la cathédrale qui nous accueille est dédiée à Notre-Dame, comme lui fut dédié le berceau de l’évangélisation en ce pays sous le nom de “Montagne de Marie”, Marienberg. Elle, votre Mère, vous aidera constamment à édifier l’Eglise, le Corps mystique de son Fils. Amen."

Homélie de Jean-Paul II à la Messe avec Ordinations Sacerdotales
Yaoundé, Cameroun, dimanche, 11 août 1985 - in French & Italian  

"1. “Celui-ci est mon Fils bien-aimé; écoutez-le” (Marc. 9, 7).

Ces paroles, les Apôtres Pierre, Jacques et Jean les entendirent, sur le mont Thabor, au moment de la Transfiguration du Seigneur.

En un sens, nous les entendons nous aussi, nous tous qui participons au sacrement de l’autel, lorsque le prêtre prononce sur le pain et le vin “ceci est mon Corps”, “ceci est mon Sang”, les paroles eucharistiques de la transfiguration.

Par la puissance de ces paroles, par la volonté du Christ, le pain devient le Corps, et le vin devient le Sang de notre Seigneur crucifié, ressuscité et glorifié.

Par la réalité du Saint Sacrement, le Christ se rend présent, lu1meme qui était présent sur le mont de la Transfiguration le jour ou les Apôtres entendirent la parole du Père: “Celui-ci est mon Fils bien-aimé; écoutez-le”.

2. C’est en effet du Christ que nous nous approchons, c’est lui que nous écoutons et que nous regardons avec admiration, que nous vénérons et que nous adorons, remplis de crainte religieuse, de respect et de joie. Il est comme le Fils d’homme entrevu par Daniel. Dans une vision prophétique, il lui apparaît dans la nuée qui évoque à la fois la gloire de Dieu et le mystère qui l’entoure. Lui seul a accès au Trône de Dieu; à Lui est donnée la royauté sur toutes les nations (Cfr. Dan. 7, 13-14). Pour Pierre et les autres Apartés qui l’ont contemplé de leurs yeux sur la montagne sainte de Galilée, Jésus lui-même, le Fils de Dieu fait homme, reçoit l’honneur et la gloire rayonnante de Dieu, le témoignage qu’il est le Fils bien-aimé, en qui le Père a mis tout son amour (Cfr. 2 Petr. 1, 17). C’était vers Lui que convergeaient la mission de Moise, le Guide du peuple sauvé, et celle d’Elie, le prophète par excellence. Bien plus, il revêt désormais les traits attribués à Dieu lui-même par la vision de Daniel: tel un Vieillard, Dieu lui apparaissait au-dessus de toute créature, avec un visage et des vêtements d’une blancheur lumineuse qui surpasse en splendeur tout ce qu’on peut imaginer. Jésus a désormais cette splendeur pour l’éternité depuis que, ressuscité des morts, il siège à la droite du Père. Il lui a été donné d’ouvrir le livre scellé qui est dans la main de Dieu (Cfr. Apoc. 5, 7). La Transfiguration annonçait sa Résurrection et son Ascension. Déjà, durant sa vie terrestre, même si cela était habituellement voilé, il était le Seigneur. Et le mystère de sa Personne, c’est que, depuis toujours, il est le Fils, le Verbe, totalement uni avec le Père (Cfr. Io. 1, 18). Venu dans la chair, il a révélé le Père. Et les Apôtres ont vu sa gloire (Cfr. ibid. 1, 14).

C’est lui, notre Seigneur bien-aimé. Pour être notre Sauveur, il a habité parmi nous. Il s’est fait le Serviteur. Il a donné sa Vie. Il a donné, il nous donne son Corps et son Sang, pour qu’avec Lui nous devenions fils de Dieu.

Voilà, chers Frères et Soeurs, la grandeur du mystère que nous célébrons aujourd’hui. Venez, adorons le Sauveur! Approchons de lui en rendant grâce! Entrons avec lui dans la nuée, c’est-à-dire dans l’intimité de Dieu. Et, dès maintenant, vivons comme des fils de Dieu, comme des frères sur lesquels Dieu a fait briller la lumière de son Fils.

3. Ce mystère nous concerne tous.

Vous d’abord, chers amis diacres, qui allez recevoir, avec l’ordination sacerdotale, la puissance de l’Esprit Saint, pour partager d’une manière spéciale la vie intime du Christ et sa mission de Sauveur.

Et vous tous qui participez à cette liturgie comme Pasteurs ou membres du peuple de Dieu au Cameroun. Je salue spécialement l’Archevêque de Yaoundé, Monseigneur Jean Zoa, et tous les évêques de cette province ecclésiastique que je visite aujourd’hui en son siège métropolitain, les évêques et les diocésains de Bafia, de Bertoua, de Doumé-Abong-Mbang, de Mbalmayo, de Sangmélima. Je salue aussi les évêques et chrétiens venus d’autres provinces du Cameroun, particulièrement des diocèses des ordinands. Je remercie par ailleurs Son Excellence Monsieur le Président de la République et les Autorités civiles, et de même les Représentants des autres communautés religieuses qui ont tenu à s’associer, dans la capitale du Cameroun, à ce grand événement de la communauté catholique qui célèbre son Seigneur en communion avec le successeur de Pierre, au moment de l’ordination de nouveaux prêtres.

N’oublions pas non plus que nous prions en union avec nos frères et sœurs réunis à Nairobi. Car c’est aujourd’hui que commencent là-bas les célébrations du XLIIIème Congrès eucharistique international, qui est une des raisons d’accomplir maintenant mon troisième voyage pastoral en Afrique et qui en sera le sommet.

4. Le prêtre est appelé d’une façon particulière à être témoin du Seigneur qui est transfiguré, non seulement lors de la Transfiguration sur le mont Thabor, mais par celle qu’il nous a laissée pour toujours dans le mystère eucharistique. Et là, le prêtre ne se content pas d’en être le témoin, mais il est le ministre de la transubstantiation eucharistique, qui est comme une transfiguration, une manifestation, par laquelle le Christ est toujours et sans cesse à nouveau présent au milieu de nous de manière sacramentelle. Il se rend présent pour accomplir son sacrifice unique et sublime. Par le sacrement de l’ordination sacerdotale, le baptisé devient ministre de ce sacrifice: il agit par la puissance du Christ, au nom du Christ, in persona Christi.

5. Les Apôtres ont été rendus témoins de la Transfiguration, ils ont été les premiers à être faits ministres de l’Eucharistie. Ils étaient entrés dans l’intimité du mystère divin de Jésus sur la montagne, ils prirent part au repas de la Cène le Jeudi saint, puis ils furent témoins de la Passion et enfin de la Résurrection. Ils ont vu et entendu; ils ont reçu la mission: “Allez, enseignez”. “Vous ferez cela en mémoire de moi”.

Les évêques héritent pleinement de cette mission apostolique. Et ce matin, par le geste de l’imposition de nos mains, transmis depuis les Apôtres, et par la prière de l’Eglise, 6 fils de ce pays reçoivent le sacerdoce et deviennent de proches collaborateurs de leurs évêques. “Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis”, disait le Christ à ses Apôtres au moment où il leur révélait et transmettait ses mystères sacrés (Cfr. Io. 15, 15).

Chers amis, que je vais ordonner prêtres, vous recevez du Seigneur la mission de servir le peuple de Dieu, autour de vos évêques, avec le pouvoir qui appartient au seul Christ Prêtre, le pouvoir d’enseigner, de sanctifier, de guider comme un bon pasteur. Dans votre action sacerdotale, ayez toujours pour but de permettre que vos frères et sœurs deviennent des membres vivants du Corps du Christ, participants de sa Vie divine, inspirés par son amour du Père et des hommes, unis à son Sacrifice. L’Eucharistie sera toujours le sommet de ce ministère.

Mais il vous faudra d’abord former les fidèles dans la foi, qu’ils soient adultes, jeunes ou enfants; vous annoncerez avec fidélité et sans crainte la Parole de Dieu, le mystère du Christ, tout l’Evangile, qui est à la fois la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu et l’appel à la conversion. Vous l’annoncerez à ceux qui ne sont pas encore initiés à la foi, dans un esprit missionnaire, et à ceux qui sont plus ou moins familiarisés avec elle pour qu’ils l’approfondissent. Vous le ferez selon l’enseignement de l’Eglise, à laquelle le Christ a confié son Message pour l’expliciter et l’approfondir avec l’Esprit Saint au cours des siècles. Vous-mêmes, vous ne cesserez de méditer la Parole de Dieu pour enseigner ce que vous croyez et vivre ce que vous enseignez. Vous êtes associés à la prédication de Jésus notre Maître.

Le Seigneur vous associe en même temps à toute son œuvre de sanctification, par les sacrements qu’il a donnés à son Eglise. Vous êtes appelés à faire entrer les hommes dans le peuple de Dieu par le baptême, et, dans cette étape intense d’évangélisation au Cameroun, il y a beaucoup de catéchumènes. Le Seigneur vous confie également le soin de veiller à la réconciliation des pécheurs baptisés en les appelant à la conversion et en leur offrant le sacrement de pénitence; le soin de visiter et de fortifier les malades par le sacrement de l’huile sainte; de préparer et de bénir l’alliance sacramentelle des époux. Par-dessus tout, il vous est donné de renouveler la Cène du Seigneur pour offrir aux communiants le Pain de Vie.

Vous accomplirez, dans la communion obéissante à vos évêques, la tache de chefs et de pasteurs. Au peuple qui vous sera confié, vous indiquerez le chemin vers Dieu et les règles de vie permettant à chaque membre d’exercer toute la responsabilité qui lui revient, dans l’Eglise et dans la société. Vous veillerez à l’unité et à la charité entre tous vos chrétiens, pierre de touche des disciples du Christ.

6. Tout ce ministère, chers amis, vous l’accomplirez par la grâce du Christ, en toute humilité: “Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis . . . pour que vous portiez du fruit” (Cfr. Io. 15, 16). Mais, pour que votre témoignage soit crédible, pour que la grâce que vous portez comme dans des vases d’argile (Cfr. 2 Cor. 4, 7) atteigne profondément les âmes, il est nécessaire que vous conformiez votre vie à ce que vous accomplissez. En célébrant le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, prenez soin de faire mourir en vous tout penchant mauvais. Vous vous êtes préparés au sacerdoce par des études théologiques sérieuses; il vous faudra approfondir cette imprégnation évangélique par une formation doctrinale permanente. Vous serez des maîtres à prier: il vous faudra d’abord, comme les Apôtres sur la montagne, entretenir avec le Seigneur la prière d’intimité, qui vous permettra de vivre sous le regard du Christ tous les actes et toutes les rencontres de votre ministère. Bien plus, vous êtes chargés d’exprimer, au nom du peuple de Dieu et du monde, l’action de grâce et la supplication. Vous êtes au service des hommes dans leur relation avec Dieu: apprenez aux laïcs à gérer les affaires temporelles selon Dieu, mais vous, ne vous laissez pas accaparer par des activités profanes, quand il y a tant à faire pour le Royaume de Dieu auquel vous avez donné votre vie. Honorez l’appel du Christ! Puissent les fidèles comprendre, par le témoignage de votre vie, que vous lui consacrez non seulement votre temps, mais les puissances de l’amour qui sont en vous, pour le servir dans la chasteté, dans une vie pauvre et toute disponible à Dieu et aux autres!

Alors, les épreuves, les incompréhensions, voire les calomnies et les persécutions pourront venir, comme il est dit dans les Béatitudes, comme il est annoncé aux disciples du Christ crucifié; mais vous tiendrez bon. Le Christ vous soutiendra; vous connaîtrez la paix et la joie promises à ses bons serviteurs. Votre cœur demeurera sur le Thabor.

7. Alors, chers amis, cette joie d’être associés au Christ Sauveur produira un autre effet: vous entraînerez non seulement vos fidèles dans la vie chrétienne, dans l’esprit missionnaire, mais vous entraînerez d’autres jeunes à tout quitter pour le Christ, vous susciterez d’autres vocations sacerdotales et religieuses. N’est-ce pas là le test de la qualité d’une vie de prêtre? Le Cameroun a connu un nombre remarquable de vocations. Dès le début, les missionnaires ont veillé à cette relève. Et cette année marque précisément le Lème anniversaire de l’ordination des 8 premiers prêtres Camerounais, dont l’un d’eux est encore parmi nous: l’Abbé Jean-Oscar Awué auquel je donne une particulière Bénédiction Apostolique. Mais la moisson est abondante. Prions le Seigneur de susciter pour sa moisson des ouvriers plus nombreux, avec les dons de persévérance, de solidité, de maturité, de sainteté. Non seulement pour entretenir et approfondir la vie chrétienne de ceux qui sont déjà évangélisés, mais pour annoncer l’Evangile à tous ceux qui n’ont pas encore la grâce de le connaître dans chacun des diocèses, et particulièrement dans le nord Cameroun où l’oeuvre missionnaire en est encore à ses débuts. Puis-je vous confier que les autres pays du continent africain attendent eux aussi des missionnaires africains?

8. Au delà des ordinands de ce jour, je m’adresse à leurs parents, à leurs amis, à leurs éducateurs et professeurs, aux paroisses, aux séminaires qui ont permis à ces vocations d’éclore, de germer, de mûrir. Comme c’est beau de conduire et d’accompagner quelqu’un des vôtres jusqu’à la prêtrise! C’est Dieu qui donne sa grâce aux ordinands, mais il s’est servi de votre collaboration, de votre exemple, de votre disponibilité. Soyez félicités! Que le Seigneur vous bénisse! Continuez à nourrir de telles vocations! Et veillez aussi à soutenir de votre prière, de votre bienveillance, de votre coopération, les prêtres que Dieu vous a donnés. Accueillez-les toujours avec le respect et la confiance que méritent les envoyés du Seigneur.

9. Sur le mont Thabor, les Apôtres - Pierre, Jacques et Jean - ont vu Jésus “transfiguré”, annonçant la gloire où il demeurera après la résurrection. C’est ce qui faisait dire à leur Maître de “ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts” (Marc. 9, 9). Ils ne comprenaient pas ce que signifiaient ces paroles, comme sans doute nous ne comprenons pas encore la profondeur du mystère de Jésus, même au jour de notre ordination. Il faut d’abord suivre le Christ dans une expérience spirituelle qui passe par la croix. Les Apôtres le comprirent seulement après la résurrection. Et ils sont devenus les témoins du Christ crucifié qui est ressuscité dans la gloire.

De lui, ils ont rendu témoignage jusqu’à la mort, jusqu’à l’effusion du sang. Ce témoignage se poursuit dans l’Eglise. Il passe de génération en génération. Il est arrivé jusqu’à votre pays, voilà bient6r cent ans, à Yaoundé, au Cameroun, comme dans toute l’Afrique. Et il doit être porté, par vous, jusqu’aux extrémités du monde, dans toutes les nations, les tribus et les familles de la terre. C’est la volonté du Seigneur. C’est lui qui nous envoie. Pour le salut du monde.

10. Les Apôtres entendirent aussi sur le mont Thabor une voix qui venait de la nuée: “Ecoutez-le” (Marc. 9, 7). Ainsi le Père céleste a donné son témoignage sur son Fils unique, le Christ: “Ecoutez-le”.

A Cana de Galilée, comme en écho à ces paroles du Père, la Mère du Christ, du Fils de l’homme, a dit aussi aux serviteurs des noces: “Faites tout ce qu’il vous dira” (Io. 2, 5).

Oh, chers prêtres ordonnés aujourd’hui, vous devez accueillir ces paroles de tout votre cœur! Vous devez les transmettre aux autres, et, de cette façon, construire l’Eglise. L’Eglise du Dieu vivant est construite dans les cœurs humains par l’obéissance au Christ, à Celui qui s’est fait lui-même “obéissant jusqu’à la mort, à la mort de la croix” (Phil. 2, 8). Alors seulement l’Eglise - qui est le Corps du Christ - brille de la clarté qui l’enveloppait au Thabor (Cfr. «Praefatio» Missae). Oui, restez dans sa lumière. Ecoutez-le! Ecoutons-le!"

Mots du Pape Saint Jean-Paul II à l'Angelus
Yaoundé, Cameroun, dimanche, 11 août 1985 - in French, Italian & Spanish 

"Selon la coutume chrétienne, en ce milieu du jour, nous nous tournons vers Marie, pour l’“Angélus”. Chaque dimanche, avec les pèlerins réunis sur la place Saint-Pierre de Rome, le Pape aime prier ainsi. Aujourd’hui, c’est avec vous que je le fais, chers chrétiens de Yaoundé et habitants du Cameroun.

Avec Marie, nous rendons grâce. Après qu’elle eut accueilli en elle le Sauveur, par la puissance de l’Esprit Saint, avec la foi et la disponibilité que vous savez, dans la maison d’Elisabeth, elle a loué, mieux que quiconque, le Seigneur qui venait de faire en elle de grandes choses. Aujourd’hui, le Seigneur vient de combler seize nouveaux prêtres de la puissance de son Esprit pour les envoyer au service du peuple de Dieu. Puisent-ils demeurer toujours en action de grâce pour le don reçu! Et vous également, chers Frères et Sœurs, qui recevez ces prêtres comme un don de Dieu, qui venez de participer vous-mêmes au mystère de la Transfiguration, de la présence lumineuse du Seigneur au milieu de nous.

Et avec Marie, nous prions. Nous élargissons notre cœur à tout le continent africain. En ce jour de fête, en ce dimanche, dans cet îlot de paix. Comment oublier ceux qui, ailleurs, sont dans la détresse. Je pense notamment aux nombreuses victimes des nouveaux affrontements sanglants qui se sont déroulés ces derniers jours en Afrique du Sud et qui préoccupent toute l’Afrique et le monde entier. Comme je l’ai dit à l’audience de mercredi à Rome, j’exprime ma peine profonde, mon inquiétude, ma prière.

Que Dieu accueille toutes ces victimes dans sa paix. Qu’il inspire à tous la sagesse, le comportement de justice, le sentiment de respect de la dignité des autres, la volonté de paix, pour mettre un terme, sans tarder, à toute discrimination indigne de l’homme, et à toute violence, ruineuse pour l’homme.

Nous prions aussi pour le bonheur de ce Pays qui nous accueille: pour l’Eglise au Cameroun. Nous demandons spécialement à Marie d’intercéder pour la sainteté de tous les prêtres de son Fils, pour le renforcement de la foi chez tous les disciples de son Fils, pour que l’évangélisation se poursuive en ce pays. Lorsque les tout premiers missionnaires sont arrivés au Cameroun, en octobre 1890, auprès d’Edéa, ils ne pouvaient prévoir, à vues humaines, l’avenir de leur mission, tant les conditions de vie étaient difficiles. Tout de suite, ils ont consacré leur fondation à Marie, Reine des Apôtres, et lui ont donné le nom de Marienberg, “La Montagne de Marie”. Avec Marie, nous croyons que rien n’est impossible à Dieu. Nous lui confions les fruits de cette mission. Que le Christ qui s’est fait chair en elle habite parmi nous, et que sans cesse, il nous fasse passer des ténèbres à son admirable lumière!"

Homélie du Pape Saint Jean-Paul II à la Messe
avec l'Attribution des Sacrements de l'Initiation Chrétienne
Garoua, Cameroun, dimanche, 11 août 1985 - in French & Italian  

"1. “De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit” (Mat 28, 19).

Voilà les paroles que le Christ a adressées aux Apôtres, comme suprême consigne, au moment d’achever sa mission d’Envoyé de Dieu, de Fils de Dieu, auquel tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre (Cfr. ibid. 18, 18).

C’est avec la force de ce pouvoir que les Apôtres doivent porter son Evangile au monde. Ils ont la mission d’enseigner et de baptiser, d’apprendre aux hommes à observer tous les commandements que le Christ leur a donnés. Lui-même demeure avec eux jusqu’à la fin du monde. Et avec toute l’Eglise.

2. Aujourd’hui, l’Eglise au Cameroun, en présence du Successeur de l’Apôtre Pierre, désire rappeler et méditer comment s’est réalisée la consigne du Seigneur au milieu des fils et des filles de votre pays, et tout particulièrement dans votre province de Garoua.

Cet envoi en mission prend en effet un relief saisissant sur cette terre du Nord-Cameroun. Il y a 40 ans, l’Evangile était pratiquement ignoré dans toute cette région.

Les communautés catholiques des autres provinces connaissaient déjà un bel essor, depuis un demi-pièce. Des missionnaires protestants avaient précédé les catholiques pour apporter l’Evangile, dans le Sud-Cameroun, et aussi un peu dans le Nord. Mais le Saint-Siège, sensible aux besoins de l’évangélisation ici et dans la région voisine du Tchad, décida en 1946 d’en confier la responsabilité aux Missionnaires Oblats de Marie-Immaculée. Monseigneur Yves Plumey, que je salue ici avec vénération, était à la tête de ces valeureux pionniers. Dans ce vaste territoire aux ethnies nombreuses, dont chacune a ses propres traditions et sa langue, ils sont venus vivre dans les villes, dans les villages groupés, et aussi dans les savanes du Nord et dans les montagnes. Ils ont pu s’appuyer dès le début sur des amis et collaborateurs autochtones qui leur ont rendu ce pays familier. En quelques dizaines d’années, ils se sont donnés sans compter pour multiplier les postes de mission, les écoles, les dispensaires. Ils ont suscité de nombreux catéchistes. Ils ont enseigné et baptisé les populations qui les accueillaient avec joie et confiance, au milieu de bien des épreuves humaines. Il est juste de rendre maintenant hommage aux Pères et aux Frères Oblats - Français, Canadiens, Polonais -, aux prêtres “fidei donum”, aux Sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux, aux Filles de Jésus de Kermaria, aux Filles du Saint-Esprit, aux Sœurs du Sacré-Cœur de Saint-Jacut, et à bien d’autres religieux, religieuses et missionnaires laïcs qui sont venus par la suite collaborer avec eux.

Le Pape Pie XII, lorsqu’il avait fait le point sur le développement des missions avait déjà montré qu’elles sont une étape provisoire de l’histoire de l’Eglise; elles doivent un jour céder la place à une Eglise autochtone, pleinement constituée, avec son épiscopat, son clergé, son laïcat. La catholicité de l’Eglise ne sera pleinement réalisée que par l’établissement de l’Eglise au sein même des diverses nations du monde (Cfr. Pio XII Evangelii Praecones, die 2 iun. 1951).

Cet objectif est difficile à réaliser durant la première évangélisation. Et pourtant, déjà un certain nombre de fils et filles de ce pays sont devenus catéchistes, religieux, religieuses, diacres permanents, séminaristes, prêtres, avec en certains diocèses des évêques Camerounais. A coté des deux évêques missionnaires, Mgr Jacques de Bernon, évêque de Maroua-Mokolo, et Mgr Jean Pasquier, évêque de Ngaoundéré, je suis heureux de saluer Mgr Christian Wiyghan Tumi, archevêque de Garoua, que je remercie de son accueil chaleureux, et Mgr Antoine Ntalou, évêque de Yagoua. A partir de Garoua, érigé en Vicariat apostolique dès 1953 et en archidiocèse en 1982, les quatre diocèses assurent à la province une structure qui permet l’extension en profondeur de l’évangélisation. Oui, l’annonce de l’Evangile a porté ici des fruits précoces et très beaux, comme aux premiers temps apostoliques.

Aux cotés des communautés catholiques du Nord-Cameroun, je salue nos frères et sœurs dans la foi, venus des régions voisines du Tchad et du Nigeria. Nous sommes heureux de vous voir ici avec nous, car nous n’avons pas cessé de porter vos intentions dans la prière.

3. Nous avons souligné les mérites des pionniers, mais c’est à Dieu que nous rendons gloire: c’est Lui qui, au temps fixé, a tendu sa miséricorde jusqu’à votre pays, comme il la fait pour chacun de nos pays. C’est son Esprit Saint qui a suscité le zèle chez ses envoyés et la foi dans le cœur de ceux qui les accueillaient. Depuis toujours vous étiez dans la pensée de Dieu, et l’objet de son amour. Je dirais volontiers, avec saint Pierre qui baptisait le centurion Corneille: “Dieu ne fait pas acception des personnes; en toute nation celui qui le craint et pratique la justice lui est agréable” . C’est une grande grâce de le connaître selon la vérité qu’il a révélée par son Fils Jésus, d’être agrégé visiblement au peuple de Dieu “pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière” (1 Petr. 2, 9). La liturgie ne vient-elle pas de mettre sur nos lèvres le cantique d’action de grâce qui devrait être notre prière constante: “Chantez au Seigneur un chant nouveau, / chantez au Seigneur terre entière, / chantez au Seigneur et bénissez son nom” (Ps. 96 (95), 1-2).

4. Aujourd’hui, sur le chemin de l’évangélisation qui a son origine dans l’envoi en mission au jour de l’Ascension et qui traverse l’histoire de cette terre africaine, moi le successeur de Pierre, et vos évêques en union avec moi, nous accomplissons un pas de plus. Un nouveau groupe de catéchumènes va recevoir les trois sacrements de l’initiation chrétienne: le baptême, la confirmation, l’eucharistie.

Chers amis, depuis longtemps vous vous préparez à cette grâce qui va marquer définitivement votre vie. En quelques mots simples, je veux m’adresser spécialement à vous, pour en raviver la conscience.

Ces sacrements consacrent en chacun d’entre vous un lien personnel, nouveau et définitif, avec Jésus-Christ. Vous êtes incorporés à la famille de ses disciples; vous devenez les membres de son Corps mystique.

Le baptême, tout d’abord, vous purifié et vous plonge dans la vie de Dieu. Le Christ vous unit à l’Evénement essentiel de sa vie, à sa Pâque, son passage de ce monde à son Père.

Il vous unit à sa mort - et vous savez qu’il est mort pour délivrer les hommes de leurs péchés - et il vous unit à sa Résurrection, qui l’a fait entrer dans une vie nouvelle, glorieuse, à la droite de son Père. Vous qui allez être baptisés, vous allez commencer par professer votre foi au Christ Sauveur, promettre de rejeter le péché, ce qui conduit au mal, et Satan, l’auteur du péché. Alors, par l’eau et l’Esprit Saint, Dieu vous purifiera de tout ce qui a été péché dans votre vie, et du péché originel qui, depuis Adam, fait obstacle à Dieu dans le cœur de l’homme. En vous pardonnant, Dieu vous libère de l’esclavage du mal, de la peur qui trop souvent marque vos vies, de la mort éternelle. Et surtout, grâce au Christ ressuscité, vous recevez en vous une vie nouvelle, la vie de Dieu, qui s’épanouira dans tout ce que vous ferez selon l’Evangile. Vous comprenez facilement que Dieu ait choisi l’eau pour signifier cette renaissance: ne connaissez-vous pas la puissance vitale de l’eau, quand les grandes pluies viennent faire renaître votre terre brûlée par le soleil? En vérité, vous revêtez le Christ, c’est ce que signifie le vêtement de fête que présentement vous portez. Vous serez consacrés au Christ par l’onction du saint chrême. Vous recevrez sa lumière.

Par le Christ, Dieu vous adopte comme son enfant. L’Esprit Saint est présent en vous. La Sainte Trinité habite en vous. Vous entrez dans la famille de Dieu. Et vous entrez dans la famille des membres du Christ, dans l’Eglise qui est son Corps. De cela, vous portez la marque pour toujours.

Désormais, l’Eglise continuera à vous transmettre les dons de Dieu à chaque étape de votre vie, par les différents sacrements. Et vous-mêmes, vous prenez votre place de membres actifs dans l’Eglise, avec les droits et les devoirs des chrétiens. Vous participez à la mission de l’Eglise; vous témoignez de votre foi par toute votre vie, en famille, dans votre village, dans votre quartier, dans votre milieu de travail ou dans votre école.

5. Je m’adresse aussi à vous en tant que confirmands. La confirmation complète le baptême. Elle parfait le chrétien. L’imposition des mains et l’onction du saint chrême - l’huile sainte du Christ - sont les signes efficaces du don de l’Esprit Saint.

Avant de marquer votre front du saint chrême, j’étendrai les mains sur tous les confirmands. C’est le geste qui nous vient de Jésus par les Apôtres. Pierre et Jean allaient imposer les mains aux premiers baptisés pour invoquer sur eux l’Esprit de sainteté avec tous ses dons (Cfr. Act. 8, 17). Par ce geste, chers amis confirmands, c’est le Seigneur qui prend possession de vous, qui vous protège de sa main; c’est lui qui vous guide et vous envoie en mission, comme s’il vous disait: “N’aie pas peur, je serai avec toi”.

Et pour chacun de vous je prononcerai les paroles: “Sois marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu”. Vous participez à la grâce de Jésus qui disait à Nazareth: “L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction” (Luc. 4, 18). L’Esprit Saint vous est donné pour que tout votre être chrétien soit éclairé et fortifié.

Oui, l’Esprit Saint complète votre ressemblance avec le Christ. Il vous marque profondément de son empreinte comme l’enfant porte la ressemblance de ses parents, et vous savez que la croix est le signe du Christ. Il devient votre Maître intérieur qui vous apporte constamment la lumière du Christ, pour vous guider vers la vérité tout entière. C’est lui qui aide le chrétien à comprendre et à goûter la Parole de Dieu, à prier, à continuer de croire que Jésus est Sauveur, à espérer dans toutes les épreuves.

C’est lui qui répand l’amour dans vos cœurs, pour que vous aimiez à la façon du Christ et viviez en communion avec tous les membres de l’Eglise. L’Esprit Saint est l’âme de l’Eglise.

C’est lui qui vous donne en conséquence la force être témoins du Christ au milieu du monde. Jésus disait aux Apôtres: “Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint, qui descendra sur vous. Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre” (Act. 1, 8). Vous demanderez le courage de vous montrer chrétiens, de dire avec fierté que vous êtes disciples du Christ, de vivre selon la foi, la charité, la justice, la pureté du Christ, dans un monde qui ne partage pas toujours ces convictions. Vous recevrez la force des témoins, non pour vous imposer aux autres, mais comme des amis du Christ qui répandent en quelque sorte sa bonne odeur partout où ils vivent, comme le parfum contenu dans le saint chrême. Ce que vous devez rayonner, c’est la paix, la joie et l’amour du Christ.

La confirmation est le sacrement de la croissance, de l’état adulte du chrétien, et de sa pleine responsabilité dans l’Eglise.

6. Les baptisés et les confirmés adultes, avec des enfants de foyers chrétiens, vont aussi recevoir pour la première fois l’Eucharistie.

Chers communiants, là encore, c’est le lien avec le Christ qui s’approfondit. Il vous admet dans l’intimité de son Repas; il vous offre vraiment son Corps très saint et son Sang, sous le signe d’une nourriture. Il vous dit: “Voici mon Corps, livré pour vous”, offert en sacrifice pour vous. Il vous invite à vous offrir avec lui comme une hostie vivante. Il veut demeurer en vous pour que vous demeuriez en lui. Il veut que vous viviez de sa vie, comme la branche vit de la sève du cep de vigne, comme dans le corps la vie d’un membre dépend de la tête. Et cette vie s’achève dans la Vie éternelle. Il veut vous permettre de dire, avec saint Paul: “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi” (Gal. 2, 20). Et il resserre vos liens avec tous ceux qui participent au même Pain de Vie, pour former un seul Corps, “afin que tous soient un”. Oui, le sacrement de l’Eucharistie est le sacrement de l’amour, le signe de l’unité, le lien de la charité. Il est la source, le cœur et le sommet de la vie chrétienne, comme le manifeste le Congrès eucharistique international de Nairobi, inauguré aujourd’hui et auquel je vais participer.

Vous-mêmes, chers amis, approchez-vous souvent et dignement de l’Eucharistie, en particulier dans l’assemblée du dimanche. Avec le Christ présent en vous, vivez dans la sainteté, dans la joie, dans l’action de grâce!

7. Et nous, tout en accomplissant ce service sacramentel au nom du Christ ressuscité, nous élevons en même temps “des prières de demande, d’intercession et d’action de grâce pour tous les hommes”, comme saint Paul le demandait à Timothée, en particulier “pour les Chefs d’Etat et tous ceux qui ont des responsabilités, afin que nous puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité, en hommes religieux et sérieux” (1 Tim. 2, 1-2).

Oui, la charge du bien commun de tout le peuple camerounais est un service ardu et délicat, et il est normal que nous aidions de nos prières ceux qui l’assument aux divers échelons. Il s’agit de faire vivre dans la paix, l’harmonie, le respect mutuel, la fraternité, la coopération, les multiples ethnies qui composent la nation. Comme tant de pays dans le monde, et spécialement en Afrique, le Cameroun aspire à un développement plénier et profitable à tous, où la prospérité soit équitablement répartie, où la technique soit au service de l’humain, où les injustices soient sans cesse surmontées, où toute discrimination soit bannie, où chaque personne ait ses chances, où, en particulier, la dignité de la femme et de l’enfant soit respectée, où les jeunes, si nombreux, puissent trouver logement, emploi, responsabilités, où l’on s’unisse pour combattre ensemble les calamités naturelles de la sécheresse et des maladies, où les réfugiés et les migrants trouvent leur place. Oui, la tache est lourde, mais les Camerounais ont déjà cherché à y faire face en bien des domaines. Qu’ils ne se découragent pas! Nous prions Dieu d’inspirer sagesse et courage à tous les citoyens et responsables, afin que les problèmes soient résolus dans le respect des valeurs morales et spirituelles, et notamment de la liberté religieuse.

8. Dieu veut aussi “que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité”, dit encore saint Paul (1 Tim. 2, 4). De la montagne de Galilée, c’est à toutes les nations que le Christ a envoyé ses Apôtres, pour qu’ils en fassent des disciples. Les chrétiens se sentent donc un devoir et un droit d’annoncer partout ce qu’ils ont reçu comme une Bonne Nouvelle, comme un Message de salut. C’est ce qui explique leur zèle en ce pays. C’est en réalité le bonheur et le bien de leurs frères qui leur tient à cœur. Le sacrement de confirmation nous rappelle cette mission de témoigner.

Mais le témoignage du chrétien n’a rien à voir avec ce qu’on appelle la propagande. Il veut s’appuyer loyalement sur la vérité reçue du Christ, par l’Eglise. Il propose le message comme un appel respectueux à la conscience des hommes qui ont tous le devoir de chercher la vérité, mais il tient à bannir toute contrainte extérieure, incompatible avec l’assentiment libre donné à Dieu dans la foi.

C’est ce que l’Eglise catholique appelle la liberté religieuse, qui est un droit humain fondamental, en même temps qu’une exigence de la religion elle-même. Elle rend hommage aux Gouvernements qui savent l’assurer pour tous. En affirmant sa conviction que le Christ est le seul Médiateur entre Dieu et les hommes, l’Eglise respecte ceux qui vont à Dieu par d’autres voies, selon leur conscience; elle estime leur sincérité, leur générosité, et elle aime coopérer avec eux pour le bien de tous.

C’est dans ce sens que je salue ici les fils de l’Islam, qui ont voulu s’associer à cette importante cérémonie d’initiation de leurs frères chrétiens. Chers amis, nous partageons avec vous la foi au Dieu unique, vivant, miséricordieux et tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre. Vous avez une vénération pour Jésus et vous honorez la Vierge Marie sa Mère. Nous pouvons progresser dans un dialogue sincère pour mieux comprendre notre mutuel patrimoine religieux, et vivre dans l’amitié dont Dieu nous indique le chemin.

J’exprime mon estime à tous les hommes et femmes de bonne volonté qui manifestent leurs sentiments religieux dans le cadre de religions traditionnelles reçues de leurs ancêtres. Je les remercie de leur bienveillance et je prie Dieu de combler les attentes de leur cœur.

Par-dessus tout, j’adresse un salut cordial particulier à nos amis protestants. Nous reconnaissons ensemble le Sauveur Jésus-Christ dont nous recevons les uns et les autres l’Evangile par la prédication, et la grâce par le baptême. Le patrimoine de notre foi comporte beaucoup d’éléments communs qu’il nous faut approfondir. Avec vous, chers frères et soeurs, nous cherchons à progresser, dans la vérité, vers la pleine communion.

9. Au terme de notre méditation, nos yeux restent fixés sur cette montagne d’où le Christ est monté vers son Père. Et nous gardons en mémoire sa dernière parole sur terre: “Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la lin du monde” (Matth. 28. 20). Voilà ce qu’il a dit aux Apôtres. Voilà ce qu’il nous dit à nous tous.

Oui, élevé au-dessus de tout, auprès de Dieu, il demeure mystérieusement avec nous. Les sacrements en sont le gage. Il ne cesse d’attirer à lui ceux qui donnent leur foi. Il est devenu comme “la montagne du Temple du Seigneur” que le prophète Isaie voyait dans sa vision: “Toutes les nations afflueront vers elle . . . Venez, montons à la montagne du Seigneur, au Temple du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ses chemins et nous suivrons ses sentiers” (Is. 2, 2-3).

Rendons grâce au Père, au Fils et au Saint-Esprit pour le peuple camerounais qui cherche les chemins conduisant à la montagne du Seigneur, à son Temple, et qui désire suivre ses sentiers! Amen."

Pape Jean-Paul II aux Représentants de la Communauté Musulmane
Yaoundé, Cameroun, lundi, 12 août 1985 - in French & Italian  

"Frères et Sœurs de religion musulmane,
Je vous appelle “frères”, parce que Dieu notre Créateur nous a faits membres d’une même famille humaine, il nous appelle à l’adorer et à lui obéir. Dieu nous a placés sur cette terre, comme ses représentants, pour prendre soin fidèlement du monde de la nature, et pour construire nos sociétés humaines selon sa volonté. Les Musulmans considèrent que Dieu a créé l’homme comme son délégué, et qu’il désire que nous agissions en intendants de la Création, honnêtes et dignes de confiance. Nous, Chrétiens, nous croyons, comme l’a dit saint Paul, que nous sommes “l’ouvrage” de Dieu, son chef-d'œuvre, que nous sommes créés pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie qu’il a tracée pour nous dès le commencement (Cfr. Eph. 2, 10). Ainsi l’humanité est revêtue d’une grande dignité qui ne peut jamais lui être enlevée. Tout homme comme toute femmes des droits qui lui appartiennent en raison de sa condition humaine elle-même, et nous avons le devoir d’exercer ces droits d’une manière responsable pour le bien de tous.

J’évoque aujourd’hui ces convictions que partagent les Chrétiens et les Musulmans, parce qu’ici, au Cameroun, vous faites partie d’une société pluraliste où vivent côté à côté des chrétiens, des musulmans et des fidèles des religions africaines traditionnelles. Il y a là un des grands défis pour l’humanité d’aujourd’hui à travers le monde: apprendre à vivre ensemble de manière pacifique et constructive. Il faut reconnaître que nous vivons à une “époque de polarisation”. Certains groupes raciaux ou ethniques, certaines communautés religieuses, de même que certaines idéologies économiques et politiques à travers le monde, tendent à faire prévaloir leur point de vue en excluant ceux qui ne le partagent pas, à défendre leurs droits au point d’ignorer ceux des autres, à refuser les propositions de coopération et de fraternité humaine.

Il faut que les Musulmans et les Chrétiens résistent à ces tentations, car elles ne mènent pas l’humanité à “ces actes vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous dès le commencement”. Pour nous, le vrai chemin demeure celui du dialogue, qui présente de nombreux aspects. Il veut dire! avant tout, apprendre à connaître la foi les uns des autres, surmonter les préjugés et les malentendus. Il veut dire être tolérant à l’égard des différences. Le dialogue veut dire parvenir, malgré les obstacles, à une confiance mutuelle telle que nous puissions nous rencontrer pour parler et pour préparer des projets en commun, en respectant les responsabilités et les droits de chacun. Il veut dire nous engager dans des actions concrètes pour développer notre pays, pour travailler ensemble à construire une société où la dignité de chaque personne soit reconnue et respectée.

Nous sommes tous invités à redécouvrir sans cesse ce qu’il y a de plus beau dans les traditions des peuples africains. Je suis heureux de souligner notamment votre tradition africaine d’hospitalité, votre respect pour la nature comme don de Dieu et signe de sa bonté et de sa présence, votre manière de résoudre les conflits par le dialogue et le consensus, le soin avec lequel vous conservez et développez les valeurs de la famille, votre joie de vivre que vous exprimez si magnifiquement dans votre poésie, vos danses et vos chants. Toutes ces valeurs traditionnelles ont leur place dans le monde moderne; en effet, elles sont importantes comme des correctifs dans une société qui, autrement, deviendrait trop souvent inhumaine, solitaire, violente et stérile. Les communautés musulmanes et chrétiennes ont chacune leur rôle à jouer pour préserver le meilleur de ce qui vient du passé, pour y intégrer les éléments de la technologie et de la science du présent qui favorisent la dignité humaine, et pour construire un avenir harmonieux et ferme.

Dans toute cette action, la volonté et le dessein de Dieu ne doivent jamais être oubliés. Quand l’homme oublie que nous sommes toujours les créatures aimées de Dieu et quand il tente de construire un avenir sans Dieu, il ne peut que s’égarer. Car Dieu est l’origine et la En de notre vie, Celui qui est “plus près de nous que nos veines jugulaires”, il est pour nous le Guide et le Maître de ce qui est juste.

Aujourd’hui, je vous demande d’avancer la main dans la main avec vos frères et sœurs chrétiens, pour suivre les voies de Dieu au service de l’humanité.

Que la bénédiction de Dieu soit sur vous tous!"

Pope John Paul II's Homily at Mass for families
Bamenda Airport, Cameroon, Monday 12 August 1985 - in English & Italian  

"Dear Brothers and Sisters,
Praised be our Lord and Saviour Jesus Christ!

In his name we are gathered to reflect on the theme of the family) and to celebrate the mystery of love and life.

I greet the Bishops present here, from Cameroon and from other countries. A special greeting to the priests and the men and women religious: those from Cameroon itself and those who have come from other parts of the world to serve the Church here!

I express my appreciation to the civil authorities for their presence. I am deeply grateful for the generous welcome I have received from everyone.

I greet all for you, brothers and sisters in Christ, especially the lay people from the Archdiocese of Bamenda, from the Diocese of Buea and from the Diocese of Kumbo. My visit is meant for this Ecclesiastical Province, and for all who are here today in a spirit of friendship and good will. I would like to meet each one of you, and to listen to the words of your hearts. I know that you are happy to receive the Successor of Peter in your midst, and that you are closely united to the See of Peter. May this always be a sign of our total acceptance of the Gospel of Christ!

1. Today Jesus speaks to us in the Gospel, saying: “Have you not read that he who made them from the beginning made them male and female?” (Matth. 19, 4). Herein lies one of the most profound truths regarding God’s plan for the human race. Male and female complement each other as qualities of persons having unique physical, psychological and spiritual gifts that make up the individuality of each one.

He who made them is God, our Creator, the Blessed Trinity from whom all good things come: “And God saw everything that he had made, and behold it was very good” (Gen. 1, 31). Among the “good things” which he made, the institutions of marriage and the family exist “from the beginning”. This is the theme of our liturgical celebration: God’s plan for marriage and the family “from the beginning”.

Marriage is the covenant about which Saint Paul speaks to us: “This mystery is a profound one, and I am saying that it refers to Christ and to the Church” (Eph. 5, 32). The marriage covenant, which unites a man and a woman in an unbreakable bond of life and love, reflects the new and everlasting covenant which unites God and his People “in Jesus Christ, the Bridegroom who loves and gives himself as the Saviour of humanity, uniting it to himself as his body (IOANNIS PAULI PP. II Familiaris Consortio, 13).

2. The Pharisees ask Christ a question about marriage: “Is it lawful to divorce one’s wife for any cause?” (Matth. 19, 3). This question goes to the heart of the marriage covenant. Is married love a unique bond which implies unity and indissolubility? Or is it a lesser bond which can be changed or broken according to circumstance? The answer given by Jesus is a direct reference to God’s plan as it is evident from the beginning”. “The two (man or woman) shall become one flesh” (Matth. 19, 5). No matter what other considerations have arisen in the course of time, “from the beginning” it has always been true that what God has joined together man must not put asunder.

The answer which Christ gave to the people of his time he continues to give to all people in every age, and in all countries and continents. He gives it again here today in Cameroon. This answer says that marriage is a permanent and unbreakable covenant between a man and a woman. As such, marriage is also the “sacrament” of Christ’s unchanging love for his Church.

For the specific context of Africa, the Bishops of this continent, gathered at Yaoundé in 1981, expressed this important aspect of Christian marriage in a recommendation of the Sixth General Assembly of the Symposium of the Episcopal Conference of Africa and Madagascar: “Having become new creatures, African Christians will live their marriage and family covenant as a sacramental manifestation of the union of Christ and the Church, transforming these basic human realities from within”. Yes, it is in Christ’s love that married couples and families share when their life is rooted in the grace of the Sacrament of Marriage.

3. Christ’s reference to “the beginning” leads us back to the Book of Genesis, from which the first reading of this Eucharistic celebration is taken. “Then God said: ‘Let us make man in our image . . .’ so God created man in his own image, in the image of God he created him; male and female he created them” (Gen. 1, 26-27). The original image is the image of eternal God, the communion of the Most Blessed Trinity, the Father, Son and Holy Spirit. The image of God in man reaches a particular richness in the communion of persons existing between a man and a woman within the marriage covenant, a communion which God has willed “from the beginning”. Married life affirms human dignity through a special interpersonal relationship. Whenever married life and family life are hurt through personal selfishness or damaged through material and social inadequacies, it is the fundamental dignity of human beings, dynamically oriented to grow in the image of God, that is dishonoured. Both men and women are called to live in dignity: both reflect equally the likeness of God.

The words of the Responsorial Psalm apply to each of God’s sons and daughters: “What is man that you should keep him in mind, mortal man that you care for him? Yet you have made him little less than a god; with glory and honour you crowned him, gave him power over the works of your hand, put all things under his feet” (Ps. 8, 4-6). These words extol the dignity of every human being. The image of God who is love is deeply reflected in the permanent and unbreakable communion of life and love which is marriage. Many of your traditions and customs emphasise the dignity of marriage and family life in African society.

The Second Vatican Council recognised that the Church is enriched by “the treasures hidden in the various forms of human culture” (Gaudium et Spes, 44). The Church therefore respects and promotes what is most noble in these social customs. At the same time, fulfilling her mission to make known “the unsearchable riches of Christ” (Eph. 3, 8), the Church calls upon all societies to uphold the wisdom that is “from the beginning” and in this way to defend and strengthen the dignity of all God’s children.

Your Bishops are zealously facing the important task of “incarnating” the Gospel message in African life and culture. In bringing the Church’s teaching on marriage and the family - a teaching that is universal and permanent in its validity - to bear on the realities of African traditions, your Bishops and the Holy See work together, sustained by a shared desire to remain ever faithful to Christ and to the living tradition and Magisterium of the Church. If the Church in Africa remains united in the same doctrine and in a concerted response to the challenge of inculturation, she will be strong and effective in guiding married couples and families to live according to God’s plan in truth and holiness of life.

4. The Responsorial Psalm points to another aspect of man’s unique dignity. God calls on man to be responsible with him for the whole of creation: “You gave him power over the works of your hand” (Ps. 8, 6). In fact, as the Book of Genesis indicates, God invites man and woman as a married couple to share in his own creative work: “Be fruitful and multiply, and fill the earth and subdue it” (Gen. 1, 28). The transmission of life, so highly valued in your African traditions, and the love which you have for your children - are these not a special part of the “glory and honour” which the Psalm attributes to man? Yes, your glad acceptance of your children as God’s gift to you stands to your glory and honour!

But today there is a powerful anti-life mentality. It is more widespread in developed nations, but it is also being transmitted to the developing nations as if it were the compulsory path to development and progress. On this point I would like to repeat what I wrote in the Apostolic Exhortation Familiaris Consortio: “The Church firmly believes that human life, even if weak and suffering, is always a splendid gift of God’s goodness. Against the pessimism and selfishness which cast a shadow over the world, the Church stands for life: in each human life she sees the splendour of that “Yes”, that “Amen”, who is Christ himself. To the “No” which assails and afflicts the world, she replies with this living “Yes”, thus defending the human person and the world from all who plot against and harm life” (IOANNIS PAULI PP. II Familiaris Consortio, 30).

5. This does not mean that the Church fails to recognise the grave problems posed by population growth in some parts of the world, or the difficult situations sometimes facing couples in the responsible transmission of life. With respect to the moral aspect of these serious questions, I wish to express particular encouragement to your Bishops, priests, religious and lay leaders who are responding to the recommendation of “Familiaris Consortio” to make a more decisive and more systematic effort to make the natural methods of regulating fertility known, respected and applied” (IOANNIS PAULI PP. II Familiaris Consortio, 35).

In a letter to priests, Archbishop Verdzekov has emphasised “our duty and our grave obligation to proclaim the integral teaching of the Church on Responsible Parenthood through systematic catechises, and to help our Christians to live that teaching. For how can our Christians live according to that teaching if they have never heard it?” (Epistula Archiepiscopi Verdzekov ad Sacerdotes, die 12 iul. 1982). The good work being done by the Family Life Association of Cameroon at the parish, diocesan and provincial levels can also help many couples to live their sacramental union in fullness and harmony.

6. The family is a special community of persons. In the family, parents are bound to each other by the marriage covenant; children are God’s special gift to parents, to society and to the nation. The joy that you experience in your children is like the joy that Jesus felt when he called them to be near him: “Let the children come to me, and do not hinder them; for to such belongs the kingdom of heaven” (Luc. 18, 16). To the children and to the young people of Cameroon I would like to say that Jesus calls you to love your families. Strengthen them with your joy and trust and obedience! It is up to you to help make your families centres of love, peace and holiness!

Traditionally, the extended family has played an important part in strengthening family life and in deciding the way family questions are faced and resolved. Where changing economic and social conditions tend to weaken the constructive role of the extended family, the whole Christian community, as a community of human and spiritual solidarity, eager to observe the Gospel commandment of love, should feel impelled to offer concrete support to families in need, and to promote in public life adequate programmes of assistance and subsidiarity.

But the actual members of the family, especially the parents, are mainly responsible for the quality of family life. Some of the important virtues required for a happy and holy family life are listed in the text of Saint Paul’s Letter to the Colossians which we have heard read in the Liturgy of the Word: “Put on then, as God’s chosen ones, holy and beloved, compassion, kindness, lowliness, meekness, and patience, forbearing one another, and, if one has a complaint against another, forgiving each other; as the Lord has forgiven you, so you also must forgive” (Col. 3, 12-13). The revealed word of God teaches us that the path to all human well-being is the path of forgiveness and love!

Dear families of Cameroon: I wish to leave you this message: learn to build your family life on love! Do not give in to the forces which weaken and destroy the unity, stability and happiness of your families. Do not follow the path of selfish materialism and consumerism which have produced so much suffering in other parts of the world and which you too are now beginning to experience. Do not listen to ideologies which allow society or the State to take over the rights and responsibilities which belong to families (Cfr. IOANNIS PAULI PP. II Familiaris Consortio, 45).

Families of Cameroon: make every effort to preserve the spiritual and ethical values of marriage and family life. They are the only effective safeguards of the dignity of the individual. These values are necessary if your society is to offer conditions of justice and progress to all its citizens.

“And above all these, put on love” (Col. 3, 14). Within this love, the relationships of authority and obedience, of education and learning, of freedom and responsibility, which make up such a great part of the daily life of families, will find their natural expression. Through compassion and kindness and patience, and the willingness to sacrifice oneself for the good of others, may your families live in a climate of love like the family of Jesus, Mary and Joseph!

7. At this point I appeal to the civil authorities of all Africa, and to all who have public responsibility for family life: I ask them to work to ensure the implementation of the Charter of the Rights of the Family which the Holy See has drawn up on the basis of the fundamental rights inherent in the family as a natural and universal society. The Charter reflects the values which are already enunciated in the declarations of the various International Organisations with competence in this field: values which are inscribed in the conscience of every man and woman.

The Church wishes to collaborate with all those whose task it is to formulate and implement family policy. The Church’s intention and mission is to serve the family and proclaim to this generation and to the generations to come God’s plan that exists “from the beginning”. The future of society is threatened wherever the family is weakened. The well-being of individuals and of society is safeguarded where customs, laws, and political, social and educational institutions contribute to the strengthening of marriage and the family. For the good of mankind the family must be defended and respected.

8. And now, in union with the entire Church in Cameroon I wish to say to each family what Saint Paul wrote to the Colossians: “Let the peace of Christ rule in your hearts, to which indeed you were called in the one body” (Col. 3, 15).

May this wish become our fervent prayer during this Eucharistic celebration, which we offer to the Father in union with Christ his Son. May peace - the peace of Christ - be upon all the families of Africa and of the whole world!"

Pape Saint Jean-Paul II aux Représentants des Eglises Chrétiennes
Yaoundé, Cameroun, lundi, 12 août 1985 - in French & Italian  

"Chers Frères en Christ,
1. Je voudrais vous remercier tous d’être venus cet après-midi, pour me rencontrer. Je remercie en particulier le Révérend Dr Ambadiang pour les souhaits de bienvenue qu’il m’a adressés, au nom des membres de la Fédération des Eglises et Missions évangéliques du Cameroun.

Au cours de mes visites pastorales à travers le monde, j’attache une grande importance à mes rencontres avec les représentants des autres Eglises et communautés, en chaque pays où je me rends. En effet, comme je l’ai souvent redit avec insistance, l’œcuménisme, l’engagement au service de l’unité de tous ceux qui croient au Christ, est une dimension essentielle de la pastorale de l’Eglise catholique, une dimension étroitement liée à mon propre service de l’unité, à mon ministère d’Evêque de Rome. C’est pourquoi, tout en vous exprimant ma reconnaissance, et, à travers vous, à ceux que vous représentez, j’adresse à Dieu mon action de grâce la plus profonde: c’est lui, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui, dans son mystérieux dessein, veut unir toutes choses en lui, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre (Cfr. Eph. 1, 10).

2. Chaque fois que des chrétiens - des hommes et des femmes qui sont déjà unis par leur baptême en notre Sauveur crucifié et glorieux - sont divisés, se crée une situation à laquelle il faut d’urgence trouver un remède. Et l’urgence est encore plus pressante dans un pays comme le votre, où les communautés chrétiennes, bien que déjà nombreuses et vigoureuses, sont encore relativement jeunes. Si vigoureuses qu’elles soient, la tache que Dieu leur a confiée d’annoncer la Bonne Nouvelle à tous les hommes est gênée, entravée par le mal de la division. “Le Christ est-il divisé?” (1 Cor. 1, 13). Comment, dès lors, pouvons-nous prêcher l’Evangile si nos voix ne sont pas unanimes, mais discordantes?

3. Cependant, nous devons humblement remercier Dieu de ce que nos divisions ne soient pas totales. J’ai souvent rappelé “combien les fondations communes de notre foi chrétienne sont grandes et solides”, cette foi que nous proclamons dans le grand Credo de Nicée-Constantinople (Cfr., ex. gr., Ioannis Paulis PP. II Allocutio ad Commissionum Oecumenicarum Nationalium Delegatos, die 27 apr. 1985: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VIII, 1 (1985) 1137 ss). Sur ces fondations, nous pouvons déjà bâtir, avant même que disparaissent les divisions qui subsistent, en nous efforçant d’être ensemble témoins, devant tous ceux qui nous entourent, du salut que nous apporte Jésus Christ, notre Voie, notre Vérité et notre Vie. Nos divisions persistantes limitent inévitablement le témoignage que nous pouvons donner. Mais ces limites ne doivent pas nous empêcher de donner l’exemple d’une vie chrétienne et d’un témoignage commun chaque fois que nous le pouvons, en proclamant la Bonne Nouvelle, dans l’amour, et ensemble dans toute la mesure du possible.

4. Vous faites déjà cela d’une manière particulière, dans le travail de traduction et de distribution des textes de la sainte Ecriture, à travers les activités de l’Alliance biblique du Cameroun. Je suis heureux d’apprendre que les diocèses catholiques de ce pays coopèrent de plus en plus à ce travail, car la Parole vivante et permanente du Seigneur est la semence incorruptible par laquelle les chrétiens ont été engendrés à nouveau (Cfr. 1 Petr. 1, 23). Comme nous collaborons de plus en plus au service de cette Parole qui est nourriture, puisse le Seigneur de toute grâce nous conduire vers cette pleine unité dans la foi qui, seule, pourra nous permettre de nous retrouver ensemble à la table où le Corps du Seigneur se fait nourriture! (Cfr. Dei Verbum, 21; Sacrosanctum Concilium, 48).

Certes, le chemin est ardu, par suite des tensions du passé dont vous héritez, après les divisions survenues en Europe, mais surtout à cause des exigences, de la profondeur de l’unité telle que la veut notre Seigneur. Demeurons tous humbles, lucides, courageux, ouverts, fortifiés par l’espérance. La pleine communion sera le résultat d’une véritable conversion de tous, du pardon réciproque, du dialogue théologique et des relations fraternelles, de la prière et de la totale disponibilité à l’Evangile, à l’action de l’Esprit Saint et au dessein de Dieu sur l’Eglise.

Cette grâce de la pleine unité dans la vérité, dans la totale fidélité à Dieu, voilà ce que je demande aujourd’hui avec vous dans la prière que nous faisons ensemble. Notre réunion ne peut être longue, et mes paroles doivent donc aussi être brèves. “Paix aux frères, amour et foi de la part de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ. Que la grâce soit avec tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus Christ d’un amour inaltérable!” (Eph. 6, 23-24)."

Jean-Paul II au Président de la République,
aux Corps constitués et aux membres du Corps Diplomatique
Yaoundé, Cameroun, lundi, 12 août 1985 - in French, Italian & Spanish  

"Monsieur le Président, Excellences, Mesdames, Messieurs,
1. Comment ne serais-je pas sensible aux paroles chaleureuses et aux considérations élevées qui viennent d’être exprimées? J’en remercie vivement Son Excellence le Président Paul Biya, et, à travers sa personne, je remercie tous ceux qui contribuent à mon accueil dans ce pays si attachant du Cameroun, que j’éprouve une grand joie à visiter comme Pasteur de l’Eglise universelle. Ce soir, j’ai l’honneur de m’adresser aux dirigeants politiques du pays et aux diplomates: dans l’exercice de ma mission de Pasteur universel, je considère cette rencontre comme très importante, étant donné vos hautes responsabilités pour le progrès du Cameroun et pour la paix du monde.

2. Mes salutations respectueuses et mes vœux vont d’abord à votre personne, Monsieur le Président, qui, depuis bientôt trois ans, avez accédé à la Magistrature suprême, après avoir pris une part importante au service de votre pays depuis bien des années. Vous avez la lourde charge de promouvoir l’unité de la nation, de faire converger toutes les forces vers son développement, en cherchant à assurer le bien de tous les Camerounais et à entraîner le pays dans l’élan et le renouveau nécessaires.

Autour de vous, je salue ceux qui collaborent avec vous dans cette grande entreprise comme membres du Gouvernement, ceux qui la soutiennent sur le plan des options politiques, comme membre du Comité central ou du bureau politique national du “Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais”, et ceux qui ont la responsabilité législative comme parlementaires. Que Dieu vous vienne en aide dans la conduite des affaires publiques au service de tous vos compatriotes!

3. Le Cameroun apparaît effectivement comme un carrefour d’ethnies, de langues, de religions, ouvert à la fois sur le monde francophone et anglophone, au cœur de l’Afrique, et très typique de ce continent. Une telle situation requiert sûrement entre ces groupes aussi divers un esprit de tolérance et de dialogue, le respect des conditions particulières de culture et de religion, une considération pour les responsabilités locales et les droits de chacun, l’estime mutuelle et la coopération fraternelle. Cela demande aussi, chez les dirigeants nationaux, une grande vigilance pour faire observer partout cet esprit, pour éviter que certains ne soient de quelque façon brimés par les autres, et pour assurer la participation de tous au bien commun.

Voilà la situation avec laquelle doit compter le Cameroun. Elle est plus exigeante que certaines situations uniformes. Mais l’union qui sait intégrer dans l’harmonie ce faisceau de réalités différenciées et de valeurs personnelles a des chances d’être plus riche d’humanité. Pour sa part, l’Eglise catholique vit une situation un peu semblable à l’échelle universelle. Et, dans ce pays même, j’ai pu visiter quatre régions aux problèmes pastoraux assez divers; j’ai pu entendre dans la liturgie la symphonie d’expressions linguistiques variées. Notre communion est tissée de cette “catholicité”. Et personne n’est exclu de notre sympathie, ni de notre dialogue: je viens de rencontrer la délégation des Eglises protestantes, puis celle des Musulmans.

4. Mais le Cameroun ne saurait rester une mosaïque d’intérêts particuliers. C’est un Etat souverain, c’est une République unifiée. C’est une Nation. Et il vous appartient d’en raviver la conscience et de faire converger vers le bien commun les efforts de tous les citoyens, la contribution de toutes les ethnies. Vous cherchez à développer ce sentiment patriotique qui rend les Camerounais fiers de leur identité nationale. Vous désirez, à juste titre, que tous participent activement à la vie publique - dans le respect de l’ordre, du bien supérieur de la nation et des droits d’autrui - afin de préparer un avenir digne pour tous les fils de ce pays, en leur assurant le plus possible une égalité de chances. C’est une tache immense que de réaliser vos projets de développement rural intégré, de formation morale et intellectuelle de la jeunesse, de création d’emplois, tout en faisant face aux problèmes de santé, d’habitat, d’urbanisme, de transports, de salaires, de protection sociale.

5. Tous les pays, surtout ceux du tiers-monde, ont ainsi à relever un défi économique et social avec des moyens limités, et ils cherchent à mobiliser toutes les énergies. Ce qui importe, c’est de trouver une manière de le faire qui, par elle-même, développe les qualités les meilleures de l’être humain, sans recourir à un système contraignant qui ferait perdre à l’homme sa liberté, sans non plus laisser les puissances d’argent accroître aveuglément et égoïstement leur emprise au profit d’un petit nombre. Il importe tout autant d’éviter la paralysie d’un excès de bureaucratie, et les maux de la corruption, des fraudes et du gaspillage. On ne peut donc que se réjouir dans la mesure où sont mis en pratique les appels des dirigeants de ce pays à la moralisation des comportements: à la rigueur dans la gestion, à l’intégrité, à la compétence et à la conscience professionnelles, au sens de la responsabilité, à la préoccupation du bien commun, au dévouement, à la recherche de la justice sociale pour tous.

6. L’Eglise apprécie ce souci éthique, et elle espère qu’il portera ses fruits. Certes, en tout pays du monde, elle tient à ce que sa fin religieuse, ses méthodes, sa doctrine - qui est un message de vie spirituelle avant entraîner comme conséquence une dignité morale -, ne soient pas confondues avec celles de l’Etat. Elle demeure toujours libre dans son jugement sur les réalités morales. Elle invite à un dépassement dans la justice et la charité qui tienne compte de tous les éléments personnels et communautaires, et qui surmonte les risques toujours renaissants de l’installation égoïste ou de l’abus du pouvoir.

L’Eglise pense aussi qu’un Etat ne pourrait mener à bien sa noble tache d’éducation du sens civique s’il ne s’appuyait pas suffisamment sur les Corps intermédiaires, sur les communautés naturelles plus restreintes et sur les diverses instances qui ont aussi ce rôle éducatif. Je pense notamment aux familles qui doivent être encouragées dans leur stabilité et leur mission, aux écoles qui méritent être bien soutenues dans la mesure où elles intègrent cette formation morale et spirituelle dans l’instruction.

Il reste qu’en soi la formation des consciences à la droiture, au sens de la responsabilité personnelle, à la solidarité avec les autres, est précisément ce que l’Eglise recherche comme projection du message chrétien dans la vie sociale. Aussi est-elle heureuse lorsqu’elle constate des convergences entre son engagement et les efforts des responsables politiques.

7. Mesdames et Messieurs, membres des Corps constitués de ce pays, je ne veux pas oublier non plus tout ce qui vous tient à cœur en matière de politique extérieure. Vous désirez que le Cameroun prenne toute sa place dans le concert des nations, non seulement pour y faire valoir ses droits, mais pour apporter sa contribution aux efforts de la communauté internationale afin de faire progresser la paix, la justice, le développement. Et, en même temps qu’à vous, je m’adresse maintenant aux membres du Corps Diplomatique accrédité auprès de ce Gouvernement et aux représentants des organisations internationales résidant au Cameroun.

Vous connaissez la participation que le Saint-Siège apporte volontiers à la vie de la communauté des nations, soit dans les contacts diplomatiques que lui permet son statut, soit dans les réunions internationales auxquelles il est invité. Au début de chaque année, j’ai moi-même l’occasion d’exposer à l’ensemble des Ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège les principes qui guident notre action, concernant la recherche inlassable de la paix par le dialogue, la nécessité d’une désescalade dans l’armement, la sauvegarde des droits humains fondamentaux et des libertés fondamentales, la consolidation des instruments juridiques qui assureraient plus de justice, la nécessaire solidarité, notamment entre le Nord et le Sud, une efficace prise en considération des besoins primordiaux de subsistance alimentaire et d’hygiène, et en général le souci humanitaire de tous “ceux qui sont laissés pour compte le long du chemin de l’histoire” (Cfr. Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad Exc.mos Viros nationum apud Sanctam Sedem constitutos Legatos, 4, die 15 ian. 1983: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VI, 1 (1983) 125).

Aujourd’hui, sans reprendre ces points-là à l’échelle mondiale, je voudrais envisager avec vous le bien commun du continent africain, où se déroule votre mission. Il me semble que ce bien passe notamment par le respect de l’identité de l’Afrique et de sa dignité, par la contribution à son développement économique, par l’encouragement de son progrès moral. Et telle est la question posée à notre conscience: que faisons-nous, que pouvons-nous faire pour favoriser sincèrement le bien de tous nos frères et sœurs d’Afrique?

8. La dignité suppose d’abord une véritable indépendance nationale (Cfr. Eiusdem Allocutio ad Exc.mos Viros nationum apud Sanctam Sedem constitutos Legatos, 2, die 14 ian. 1984: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VII, 1 (1984) 71). C’est le cas désormais de presque tous les pays du continent africain; et l’on espère que ceux qui ne sont pas encore indépendants - je pense notamment à la Namibie - le deviendront sans tarder, de façon honorable et pacifique, comme toutes les autres nations africaines. L’étape de l’indépendance, heureusement accomplie au cours de ces vingt-cinq dernières années, doit permettre d’épanouir les effets escomptés et déjà obtenus. Qui nierait qu’il s’agit là d’un enjeu capital pour la pleine responsabilité des nations intéressées, pour un développement cohérent avec leurs propres valeurs humaines, morales et spirituelles, et pour un renforcement de la compréhension et de la solidarité entre les pays d’Afrique? Et pourtant l’indépendance ne résout pas par elle-même les graves problèmes de l’évolution d’un pays. Beaucoup craignent encore, de l’extérieur, une forme de dépendance plus subtile, économique ou culturelle, où ils subissent certaines influences idéologiques qu’ils ont laissé pénétrer dans leur civilisation.

Au delà de ces vœux de pleine liberté pour la conduite de leurs affaires intérieures, les pays d’Afrique souhaiteraient sans doute que ceux des autres continents prennent mieux en compte, au niveau international, leurs propositions et leurs décisions qui, en général, portent le sceau de la modération et ne font pas appel à la violence.

Enfin, ce à quoi voudraient arriver ces jeunes nations indépendantes, ce serait maintenant l’autosuffisance.

9. L’autosuffisance économique ne peut signifier la fermeture du pays sur lui-même, qui ne serait ni possible, ni souhaitable. Mais il est normal que chaque pays en Afrique prenne en main son propre développement, et soit encouragé à le faire, en utilisant toutes les ressources naturelles dont il dispose, et en assurant l’essor de productions adaptées à ses besoins. Il est souhaitable aussi que se développe, là où elle existe déjà, une solidarité avec les pays africains qui sont de la même aire géographique, et qu’elle s’établisse là où elle n’existe pas encore. Ces relations naturelles de voisinage ont déjà donné d’heureux résultats.

Je salue également les efforts de l’Organisation de l’Unité Africaine: comment ne pas désirer que progresse cette unité, comme en d’autres organisations continentales, afin d’assurer une marche cohérente vers la solution équitable des divers problèmes politiques et sociaux de l’Afrique?

Il est nécessaire enfin que la communauté internationale continue à apporter son aide et même l’augmente vu l’état d’urgence dans plusieurs pays africains sur le plan de la faim, de la santé ou des investissements. On peut espérer que les problèmes de sécurité Est-Ouest ne polariseront pas trop l’attention et l’emploi des ressources dans les pays dits du Nord: puisent-ils se soucier bien davantage des disparités croissantes avec les pays dits du Sud, et comprendre que l’interdépendance est pour eux aussi une question de survie! Mais le point où les pays du tiers-monde restent à bon droit sensibles est le cadre dans lequel s’inscrit cette entraide: ils n’acceptent pas qu’elle couvre une détérioration des termes de l’échange, ou certaines injustices dans le commerce ou les investissements. Ils veulent qu’on les aide loyalement à sortir de la question inextricable des emprunts et des endettements trop lourds dans lesquels ils ont été amenés à s’engager au prix de grands risques.

Ceux qui recherchent le bien de l’Afrique, qu’ils soient du Nord ou du Sud, sauront reconsidérer ces problèmes avec équité et ouvrir la voie à des solutions réalistes et justes, susceptibles de sauvegarder la dignité des pays qui ont le droit de progresser dans le développement.

10. Si un tel progrès n’est authentique que dans la justice, il n’est possible que dans la paix. L’Afrique a besoin de la paix. Elle ne peut supporter des guerres ni même des guérillas ruineuses en vies humaines et en destructions, qui nécessitent par ailleurs des dépenses militaires accrues et qui exacerbent les passions, changeant les frères en ennemis. Qui pourrait prendre son parti des guerres fratricides, et même en certains cas des génocides?

Devant les conflits qui demeurent ou renaissent, tout le monde doit se poser honnêtement la question de leurs causes. Les injustices commises par certains régimes, concernant les droits de l’homme en général ou les revendications légitimes d’une partie de la population qui se voit refuser la participation aux responsabilités communes, déclenchent des soulèvements d’une violence regrettable, mais qui ne pourront être apaisés qu’avec le rétablissement de la justice. Il est vrai aussi que certaines ingérences extérieures attisent des guérillas dans le seul but de déstabiliser (Cfr. Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad Exc.mos Viros nationum apud Sanctam Sedem constitutos Legatos, 4, die 14 ian. 1984: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VII, 1 (1984) 75). Il est certain, enfin, que les ventes d’armes réalisées en vue du seul profit encouragent les belligérants.

Qui aime l’Afrique évitera au moins de souffler sur ces brasiers de violence, ou plutôt il mettra tout en œuvre pour amener les parties à la sagesse de la paix qui correspond au désir profond de nombre d’Africains suffisamment éprouvés par ailleurs.

11. Parmi les épreuves tout le monde pense au terrible fléau de la sécheresse qui atteint tant de pays, dans la zone du Sahel et bien ailleurs. La famine qui en résulte semble émouvoir enfin le monde entier, mais - au delà des secours d’urgence dont dépend la vie de millions de nos frères et sœurs - chacun sait qu’il faut préparer dès maintenant un avenir plus assuré. Dieu a mis suffisamment de ressources d’imagination dans notre esprit, d’amour dans nos cœurs et de vigueur dans nos bras, avec les moyens techniques qu’il nous a permis de mettre en œuvre, pour que nous sortions d’une mentalité de fatalisme. Le sens des responsabilités de la part des intéressés, la solidarité généreuse de leurs frères ouvrent la porte de l’espoir. La FAO et bien d’autres organismes prennent à cœur ce défi. Le Siège Apostolique y contribue par ses initiatives, selon ses moyens; j’en reparlerai sous peu à Nairobi. Mais qu’aucun des nous ne se détourne de la détresse qui atteint les victimes de la famine à coté de nous!

12. La triste situation des réfugiés n’est malheureusement pas réservée à l’Afrique. Notre planète compte des dizaines de millions de réfugiés, mais ceux de l’Afrique sont devenus particulièrement nombreux et ils se sont probablement accrus du double au cours des cinq dernières années. Ici, nous devons rendre encore hommage aux instances internationales, comme le Haut Commissariat pour les réfugiés, qui suivent ces problèmes avec un profond sens humanitaire et contribuent grandement à la prise en charge des camps de réfugiés. Nous savons aussi tout ce que ce pays du Cameroun a fait pour octroyer l’asile aux réfugiés venus de Guinée Equatoriale et surtout du Tchad, et pour participer à leur intégration. Il faudra là encore remédier aux causes de ces déplacements forcés. Ce ne sont pas seulement la faim ou les conditions précaires de vie, mais la peur, la guerre, l’injustice qui incitent à fuir . Même si on arrive à soutenir la vie matérielle d’une partie des réfugiés, l’état de prostration morale où ils se trouvent, déracinés de leur patrie et sans travail, demeure inhumain. Il est souhaitable qu’ils soient intégrés le mieux possible à la vie économique et sociale du pays d’accueil, mais la solution la meilleure est le rapatriement volontaire avec des garanties de sécurité dans leur pays d’origine. J’attire également l’attention sur les innombrables immigrés, dont le sort est souvent aussi précaire que celui des réfugiés.

13. Il est d’autres fléaux que chaque pays, parvenu à l’indépendance, doit s’efforcer d’éliminer. Ils existent ailleurs qu’en Afrique avec autant ou plus de gravité. Certains pays peuvent être félicités d’y avoir mis fin. Mais ils méritent qu’on y insiste une fois encore, car trop d’innocents en sont victimes et on se sent impuissant à les secourir. Je voudrais leur prêter ma voix. Je veux parler des atteintes aux droits de l’homme, que l’on proclame si fortement par ailleurs. Comment ne pas penser aux emprisonnements arbitraires, aux condamnations, voire aux exécutions sans véritable procès, aux détentions pour délits d’opinion dans des conditions inhumaines, aux tortures, aux disparitions. On évoque la sécurité; personne ne niera l’opportunité de mesures de sécurité devant les menaces qui risquent d’ébranler même les régimes démocratiques; mais on l’invoque souvent au delà de la nécessité, sans les garanties de justice, et comme si une divergence de vue politique était déjà un délit.

Une autre injustice criante en certaines régions d’Afrique est celle de la discrimination raciale qui, à juste titre, soulève l’indignation du monde et de l’Eglise. Il est déplorable de voir que se prolonge encore un système d’apartheid qui, au moyen d’une dure répression, continue à faire trop de victimes, foulant aux pieds un droit humain élémentaire!

Enfin, parmi les droits fondamentaux de la personne, je sens le besoin de citer encore une fois la liberté religieuse, car je connais trop de situations où les chrétiens sont brimés dans l’exercice de leur culte et dans l’obtention des moyens nécessaires à leur formation dans la foi. En certaines régions d’Afrique, l’Eglise souffre, par exemple, de voir ses missionnaires expulsés ou non accueillis, alors qu’ils viennent pour consacrer leur ministère au service de l’Eglise locale, qui demande leur aide, et des populations qui en bénéficient; elle souffre de constater certaines formes de discrimination ou de suspicion dont sont victimes ses fidèles; elle souffre de voir porter atteinte à la vie et à la liberté personnelle de prêtres, de religieux et de religieuses qui témoignent uniquement de l’amour et de la paix.

Toutes ces situations déplorables sont le fruit de l’esprit de violence ou d’orgueil d’une très petite minorité; plus souvent, elles traduisent la peur et le manque de maturité. Elles déshonorent ceux qui les instaurent. Les Etats fiers être souverains doivent se montrer dignes de leur responsabilité, et comprendre qu’ils ont des devoirs envers leurs peuples et chacun de leurs citoyens (Cfr. Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad Exc.mos Viros nationum apud Sanctam Sedem constitutos Legatos, 4, die 14 ian. 1984: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VII, 1 (1984) 73 ss).

14. En réalité, celui qui aime l’Afrique décèle, au delà de ces misères universellement attachées à la faiblesse de l’homme, un certain nombre de valeurs humaines, morales et spirituelles qui ne demandent qu’à s’épanouir, et que le christianisme, pour sa part, voudrait encourager et ennoblir grâce à la paix et à la charité qui viennent du Christ. L’Afrique peut offrir au monde, entre autres, l’exemple de l’hospitalité généreuse et jamais lasse, l’exemple de la solidarité qui joue si fortement entre les membres d’une famille ou d’une même tribu au point que personne ne restera sans prise en charge, l’exemple d’un sens religieux spontané qui rend familier de l’invisible. Ce sont là des valeurs dont le monde moderne aurait grand besoin pour éviter les contradictions et les pièges d’un humanisme privé de ses dimensions religieuses fondamentales et pour réaliser une convivialité heureuse à tous les échelons de la société.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames, Messieurs, veuillez discerner dans mes propos le grand désir de voir ce continent africain toujours mieux aimé, respecté, promu, accueilli sur la scène internationale. Votre honneur de responsables politiques et de diplomates est de contribuer au bonheur des peuples, du votre et de tous ceux de la communauté humaine qui ne peuvent vivre que solidaires. Dans cette noble fonction, que le Très Haut vous inspire et vous donne sa paix!"

Homélie du Pape Saint Jean-Paul II à la Messe à Douala
mardi, 13 août 1985 - in French & Italian  

"1. “C’est l’héritage du Seigneur que des fils, récompense que le fruit des entrailles” (Ps. 127 (126), 3).

Chers Frères et Sœurs,

En célébrant cette Eucharistie au cœur de la grande cité portuaire de Douala et de la province ecclésiastique du littoral ouest, nous pensons plus spécialement aux jeunes qui forment 60% de la population de la ville. Nous remercions Dieu pour la chance que représente cette jeunesse. Nous lui confions son avenir. Mais son éducation est aussi un sérieux défi. Comment la réussirons-nous? Ou plutôt, comment permettrons-nous aux enfants et aux jeunes d’acquérir une personnalité digne de l’homme, digne d’un fils de Dieu, d’une fille de Dieu? N’est-ce pas la grande question posée aux parents, aux éducateurs, aux instances sociales et administratives, aux pasteurs et à toute la communauté de l’Eglise? Et les jeunes eux-mêmes n’ont-il pas à réfléchir sur la façon de préparer leur avenir? Après la messe, c’est à eux que je m’adresserai plus directement.

A présent, avec vous tous, devant Dieu, je voudrais envisager les perspectives de l’éducation, convaincu que “si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs” (Ps. 127 (126), 1).

2. L’éducation des enfants, des jeunes et des adultes selon la foi catholique est l’un des objectifs fondamentaux de toute œuvre missionnaire.

Regardons notre Maître: “Jésus parcourait les villages à la ronde en enseignant” (Marc. 6, 6). Et pour proposer plus largement son Message, il commença à envoyer les douze Apôtres devant lui, deux par deux. Ces disciples annonçaient le Royaume de Dieu tout proche, ils invitaient à se convertir, à entrer en quelque sorte dans le chemin éducatif de Dieu. Et déjà, ils libéraient les gens des obstacles, en chassant les esprits impurs; ils manifestaient aux infirmes la bonté de Dieu qui veut guérir et sauver.

Telle fut la première mission des disciples de Jésus. Et je ne peux m’empêcher de penser à la première évangélisation au Cameroun. Il y a moins de cent ans, les Pères Pallotins, venus de l’Eglise d’Allemagne, ont implanté le premier poste missionnaire à Marienberg, dans ce diocèse. D’ici, je salue ce berceau du catholicisme au Cameroun, qui demeure, pour toutes les paroisses du pays, un haut lieu spirituel dédié dès le début à la Reine des Apôtres. Les pionniers apostoliques étaient venus dans le plus grand dénuement, comme les disciples de Jésus dans l’Evangile. Les Pères Pallotins, puis les missionnaires du Sacré-Cœur de Saint-Quentin durent quitter la région en 1914, pour des raisons tout à fait étrangères à la mission. Mais ils n’avaient pas besoin de secouer la poussière de leurs sandales, car les populations avaient déjà répondu merveilleusement à la Bonne Nouvelle. Plus de 50.000 Camerounais, baptisés ou catéchumènes, avaient adhéré à la foi catholique, et déjà plus de 200 catéchistes étaient formés. Les missionnaires avaient annoncé la Parole de Dieu dans sa simplicité, ils avaient pris soin des malades, et ils avaient fondé plus de 200 écoles, avec près de 20.000 élèves. Ils savaient à quel point l’éducation chrétienne était capitale pour l’avenir de la mission.

Les Pères du Saint-Esprit, puis d’autres missionnaires, prêtres, frères, religieuses et laïcs, ont courageusement pris le relais. Et aujourd’hui, je suis heureux de saluer cette Eglise florissante, authentiquement africaine. Je remercie vivement Monseigneur Simon Tonyé, votre Archevêque, de son accueil; je salue son prédécesseur, Monseigneur Thomas Mongo, les Evêques de Bafoussam et de Nkongsamba, et ceux des autres provinces venus prier avec nous. Je salue toutes les ethnies représentées au sein de cette Eglise, car nous formons un seul Corps, le Corps du Christ. Je salue aussi ceux qui, sans partager pleinement notre foi, la respectent et collaborent avec vous: je les assure de mes sentiments fraternels. Nous avons en commun une tache analogue d’éducation, une tache immense, sur laquelle je voudrais maintenant méditer avec vous.

3. Dans toutes les civilisations l’éducation constitue une condition fondamentale de continuité. Par les parents, les maîtres, la société entière, il s’agit de transmettre aux jeunes générations un héritage, l’héritage d’un savoir, d’un savoir-faire, d’une façon de penser et d’une éthique de la vie. Il s’agit de permettre aux jeunes d’assimiler activement les acquis de la famille, le patrimoine commun de la tribu, du peuple ou de la nation avec lesquels on est lié par l’unité de la culture, de la langue et de l’histoire (Cfr. IOANNIS PAULI PP. II Epistula Apostolica ad iuvenes, Internationali vertente Anno Iuventuti dicato, 11, die 31 martii 1985: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VIII, 1 (1985) 783 ss.). L’Eglise, elle aussi, a un héritage à transmettre, l’Evangile et la manière dont il a été cru et vécu par des générations de chrétiens, sous la conduite du Magistère.

Mais si l’on envisage l’éducation à partir de la personne qui en bénéficie, il s’agit de la conduire à la maturité humaine, pour qu’elle apprenne à “être” et pas seulement à “savoir”, pour qu’elle réponde vraiment à sa vocation. Le Concile Vatican II a nettement exprimé le but que poursuit une éducation bien comprise: former la personne en fonction de sa fin la plus haute et des objectifs les plus élevés de la société où elle sera adulte; développer harmonieusement toutes les aptitudes, le sens de l’effort et de la responsabilité; conquérir une maîtrise de sa liberté, orientée par des valeurs morales reconnues et par une foi non seulement apprise, mais vécue (Cfr. Gravissimum Educationis, 1-2). Que le jeune intègre progressivement ce qui est vrai, bon et beau! Qu’il corresponde de tout son être au projet de Dieu qu’il porte en lui, comme homme ou comme femme, créé à l’image de Dieu, puis marqué par la garce du baptême!

Certes, il faut être réaliste. Une telle formation se heurte à bien des obstacles, des résistances intérieures, des influences contraires au dehors. L’éducateur doit progressivement aider le jeune à éclairer son jugement et à fortifier sa volonté, pour qu’il fasse des choix fondés sur la vérité, le bien, le don de soi. La tache de l’éducateur qui l’accompagne est difficile, mais exaltante. Vous savez combien l’Eglise y attache d’importance, et quel respect elle a pour cette noble vocation!

4. L’éducation catholique est d’abord l’œuvre de la famille. Ceux qui ont mis l’enfant au monde ont le droit inaliénable et le devoir de le conduire à sa maturité: le Pape Pie XI le soulignait dans son encyclique “Divini Illius Magistri” (31 décembre 1929). Les parents sont les premiers concernés, et avec eux ceux qui constituent la famille élargie, comme on la conçoit habituellement chez vous. Dieu leur a donné pour cela une autorité naturelle: puisent-ils l’exercer avec fermeté et amour, en donnant eux-mêmes l’exemple! Tout le monde reconnaît le rôle capital du père ou, pour les orphelins, de celui qui en tient lieu; et le rôle primordial de la mère, dont la présence affectueuse est toujours accueillante.

Chers parents chrétiens, mesurez-vous assez le grand don de Dieu qui fait de vous ses coopérateurs, non seulement pour transmettre la vie à vos enfants, mais pour les élever? C’est un talent qu’il vous confie, pour le faire fructifier. J’aimerais que vous relisiez dans la Bible, au chapitre quatre du Livre de Tobie, les recommandations admirables que le père, Tobit, si éprouvé par la vie, donnait à son fils qui partait au loin chercher de l’argent et une épouse: “Honore ta mère . . . Sois tous les jours fidèle au Seigneur. N’aie pas la volonté de pécher . . . Fais de bonnes œuvres . . . Agis dans la vérité . . . Ne détourne jamais ton visage d’un pauvre . . . Ne fais à personne ce que tu n’aimerais pas subir . . . Prends l’avis de toute personne sage . . . En toute circonstance bénis le Seigneur, demande-lui de diriger tes voies . . . N’aie pas peur, mon enfant, si nous sommes devenus pauvres. Tu as une grande richesse, si tu crains Dieu” (Cfr. Tob. 4, 3-20). Le Juif qui parlait ainsi, exilé dans un pays païen, n’avait cessé de joindre l’exemple à la parole: il risquait sa vie par fidélité à ses compatriotes décédés qu’il ensevelissait, il gagnait sa vie dans l’honnêteté scrupuleuse, faisait l’aumône et priait chaque jour. Il a vraiment réussi l’éducation de son fils. Et le Livre biblique montre comment Dieu l’a récompensé.

C’est bien ainsi, je n’en doute pas, que les familles africaines, veulent remplir leur rôle. Mais je sais les difficultés que vous rencontrez. Les enfants acquièrent à l’école un savoir que ne connaissent pas leurs parents et sont peut-être moins sensibles à leur sagesse, moins attentifs à leurs conseils. Le dialogue devient difficile pour beaucoup. Alors que l’instruction est en soi un bien fondamental de la civilisation, les jeunes, parfois, retiennent d’abord de leur formation un esprit critique et enclin au doute, ouvert à de multiples courants d’idées dont ils ne discernent pas bien la valeur. A cause de leurs études, ils sont fréquemment obligés de s’éloigner de la maison familiale. Une fois terminée l’école, ils restent trop souvent sans travail, désœuvrés dans les zones urbaines, en proie à toutes sortes de fréquentations et de séductions.

Oui, chers parents, je comprends que votre responsabilité soit souvent difficile à exercer. Et pourtant, je vous en supplie, n’abdiquez jamais! Vos enfants, même vos grands enfants, ont plus que jamais besoin de vous. Les liens tissés avec vous sont d’un prix inestimable pour leur éducation, parce qu’ils sont marqués par votre autorité naturelle et par l’amour. Cette affection des parents prend appui sur la qualité de leur amour conjugal, comme le veut une authentique conception du mariage. Quand un foyer est désuni, même si les enfants sont toujours pris en charge, l’amour conjoint de leurs père et mère naturels leur manque. Des enfants naissent en dehors du mariage; les jeunes gens devraient être conscients des responsabilités graves qu’ils prennent! Quand, au contraire, un foyer donne l’exemple d’une vie conjugale unie, dans une atmosphère de foi et de prière, les enfants sont heureux et confiants, ouverts au dialogue. Il appartient à la société de vous aider à tenir votre rôle; l’Eglise vous soutient et prie pour vous; “L’Association Chrétienne des Foyers du Cameroun” est à votre disposition; mais personne ne peut vous remplacer.

5. Pourtant, il vous faut compter aussi sur d’autres éducateurs. Vous avez observé, dans la lecture biblique, que Tobit tenait à ce que son fils ait un bon accompagnateur pour son voyage (Iob. 5, 9), un guide sur, qui indique le chemin, protège, guérisse, conseille, sous le regard de Dieu, et demeure fidèle jusqu’au terme de sa mission. Voilà ce que devrait être tout éducateur. Il rend des services inestimables, plus importants que tous les biens matériels: quand Tobit lui offre la moitié de l’argent rapporté, cela ne suffit pas à le récompenser (Cfr. ibid. 12, 1-5).

Il vous revient donc d’introduire vos jeunes dans des cercles plus larges que la famille. Leurs éducateurs pourront être des prêtres, des religieux, des religieuses, des laïcs, adultes ou jeunes aînés. Sachez à qui vous confiez vos enfants!

6. Au delà de la famille, le premier milieu éducatif est l’école. L’école n’a pas seulement pour mission d’instruire, de faire surmonter le handicap de l’analphabétisme, d’aider à s’exprimer, de donner des connaissances scientifiques et techniques, et, par là, un métier, d’apprendre à déchiffrer dans le grand livre de la nature et des œuvrais de l’homme. Elle doit éduquer, en coopération avec les parents, suivant la conception que j’ai rappelée tout-à-l’heure à la suite du Concile. L’exigence des enseignants sera différente et complémentaire de celle des familles. On comprend ainsi qu’ils vérifient ce qui a été reçu par des contrôles et des examens: dans la vie scolaire, c’est une méthode qui encourage l’assimilation sérieuse et durable, bien plus qu’un simple moyen de décerner des diplômes et des titres.

Pour les enfants chrétiens, il est capital qu’ils puissent progresser dans leur formation religieuse au rythme de leur formation profane. Il faut absolument en trouver les moyens. Ils l’avaient bien compris, les pionniers missionnaires qui fondaient les premières écoles du Cameroun! Aujourd’hui, vous disposez, en cette province comme dans l’ensemble du pays, d’un grand nombre d’écoles primaires catholiques et de plusieurs institutions secondaires: elles permettent de créer une communauté où la foi vivante en Jésus Christ et la prière sont comme naturellement intégrées aux études, où l’esprit évangélique inspire l’éducation morale et l’atmosphère de la vie scolaire. J’encourage vivement les parents catholiques qui le peuvent à soutenir ces écoles au delà des subventions normalement reçues; et je demande aux pasteurs et aux maîtres de veiller sur leur qualité, humaine et spirituelle.

Je sais qu’il existe aussi, surtout à Douala, beaucoup d’autres écoles ou collèges d’Etat, ainsi que des collèges privés. Dans tous ces cas, il importe que les parents, les curés et les enseignants de bonne volonté, coopèrent pour assurer aux enfants et aux jeunes une formation chrétienne sérieuse, en particulier grâce aux aumôneries. Les catholiques ne peuvent négliger l’éducation à la foi de leurs enfants.

7. Mais beaucoup d’autres communautés, milieux de travail, organisations de loisirs contribuent aujourd’hui à influencer les jeunes. Là aussi doit s’exercer une action éducative. Pour un chrétien, en particulier, la foi n’est pas une simple connaissance, elle est une expérience d’Eglise. Celle-ci commence dans la famille chrétienne qui est comme un sanctuaire de Dieu à la maison. Elle peut continuer à l’école catholique. Mais elle se vit surtout à la paroisse où les jeunes doivent avoir une place de choix. Ils peuvent développer leur maturité chrétienne grâce aux catéchistes, ou aux groupes de prière, aux mouvements d’action catholique, aux confréries, aux multiples associations où l’on apprend entre jeunes et avec des éducateurs à réfléchir et à agir en chrétiens, dans le climat d’amitié qui convient aux adolescents.

8. Si la famille, l’école, les mouvements sont éducateurs, il revient aux jeunes qui mûrissent d’entreprendre par eux-mêmes la tache de leur propre éducation , de construire leur personnalité à partir de l’héritage reçu, des valeurs morales et spirituelles découvertes. Tous les contacts humains, toutes les connaissances doivent servir cet enrichissement; et surtout le travail lui-même, qui forme l’homme. Tout travail, car on devrait respecter le travail manuel autant que le travail intellectuel.

9. Mais, si les jeunes ont la responsabilité de leur auto-éducation, encore faut-il qu’ils trouvent dans la société des conditions et un climat qui la favorisent. Et là, les responsables du bien commun, les artisans des médias, à quelque religion qu’ils appartiennent, les communautés religieuses, ont leur rôle à remplir pour l’amélioration de ces conditions.

Donnez-vous une grande importance, vous les adultes, aux valeurs morales et spirituelles, à l’honnêteté, au service désintéressé? Ou au contraire, donnez-vous la priorité à l’argent, au profit, à la jouissance égoïste? Entretenez-vous la critique systématique et le scepticisme qui rendent désabusé?

Vous préoccupez-vous de rendre vos communautés chrétiennes vivantes et transparentes? Si elles ne savent pas accueillir chaleureusement les jeunes, ils s’éloigneront pour chercher ailleurs une telle atmosphère. Et si leur formation chrétienne est insuffisante, ils ne pourront pas discerner les faiblesses des doctrines qu’on leur propose.

Le drame des jeunes réduits au désœuvrement, tentés par n’importe quel moyen de survivre, même malhonnête, est-il suffisamment pris en compte? La société cherche-t-elle assez à remédier au déracinement familial des jeunes, les encourage-t-elle assez à trouver et à accepter les possibilités de travail?

Tobit a eu le fils qu’il méritait, vous aurez la jeunesse que vous méritez.

10. Chers Frères et Sœurs, j’ai voulu rappeler des exigences qui peuvent paraître lourdes, mais je vous invite à la confiance. L’œuvre d’éducation catholique dépasserait nos forces, si nous demeurions isolés. Oui, unissons-nous. Et confions à Dieu la collaboration qu’il nous demande pour nos fils, pour ses fils: “Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs”.

Regardons sans cesse vers le Christ. Il est le Maître qui a éduqué les Apôtres à la foi, à la fidélité, au milieu de bien des épreuves, des réticences, avec une patience inlassable. Il est le Sauveur qui délivre du mal en même temps qu’il indique le chemin à suivre. Bien plus, il donne l’Esprit Saint qui agit comme un maître intérieur dans le cœur de nos enfants tandis que nous les exhortons de l’extérieur. Il offre à chacun d’eux ses sacrements pour affermir son alliance avec eux.

Nous allons le supplier pour eux, pour vous, pour tous les éducateurs, comme il priait pour ses Apôtres “afin qu’aucun ne se perde” (Cfr. Io. 17, 12). Il fait sienne notre prière: “Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux” (Matth. 18, 20).

Nous rassemblons tous les efforts du peuple de Dieu au Cameroun pour une éducation réussie des jeunes: que le Christ les unisse à son Sacrifice qui sauve le monde! Qu’il fasse de nous-mêmes une offrande qui plaise à Dieu, et que ce sacrifice porte des fruits dans la vie de tous! Nous vivons cette Eucharistie en union avec le Congrès eucharistique international de Nairobi, auquel je vais participer, et qui a pour thème: l’Eucharistie et la famille chrétienne.

La Vierge Marie a participé à l’éducation des disciples autour de Jésus: “Faites tout ce qu’il vous dira” (Io. 2, 5). Elevée au ciel, elle guide et soutient l’espérance de ce peuple encore en chemin (Cfr. «Praefatio»). Comme une Mère, mieux que toute mère de la terre, elle veille sur nous, afin que nos cœurs s’orientent vers Dieu. Amen.

C’est pour cela qu’à la fin de cette homélie je m’adresse à elle, à la très Sainte Vierge Marie, à la Mère de tous les Camerounais, et je prononce un acte de consécration.

Très Sainte Vierge Marie, au cours de cette dernière messe solennelle au Cameroun, je veux au nom de tous mes frères et sœurs de ce pays, te confier l’avenir de cette Eglise, les progrès de cette nation.

Je reprends aujourd’hui la démarche combien significative des premiers missionnaires catholiques arrivés ici il y a 90 ans, aussitôt ils ont confié leur mission à la montagne de Marie: Marienberg.

Toi qui as été choisie par Dieu pour accueillir son Fils et qui l’as sans cesse remercié de ses merveilles, donne à ce peuple chrétien du Cameroun d’apprécier toujours davantage le don de la foi reçue et la présence de Dieu qui demeure au milieu de nous.

Toi qui as été préservée du péché, qui as conservé ton cœur transparent à Dieu, prie pour nous pauvres pécheurs, donne-nous toujours le désir de nous convertir, de nous purifier, de retrouver la grâce de Dieu, de vivre sous son regard.

Toi qui as cherché la volonté de Dieu comme la servante du Seigneur, rends tes enfants toujours disponibles à servir le Seigneur et leurs frères, spécialement les âmes qui se sont consacrées à Dieu: prêtres, religieux, religieuses. Intercède pour tous, et pour que l’Esprit Saint éclaire et fortifie tous les ouvriers apostoliques.

O Marie, devant cette jeunesse innombrable, avenir du Pays, nous te supplions, veille sur ces enfants et ces jeunes, soutiens le courage des parents et des éducateurs, que jamais ils ne se découragent dans leur tache éducative, et soient pour les jeunes l’étoile qui leur montre le chemin de Dieu déjà inscrit dans leur conscience, qui les guide vers le Christ, vers une foi mure qui les invite au don plénier d’eux-mêmes.

Oui, Marie, nous te confions toute l’Eglise au Cameroun, comme une mère très aimée.

Nous te consacrons toutes les bonnes volontés, toutes les forces vives de ce Pays qui ne demande qu’à progresser dans le bien, dans la paix, dans la charité, dans la foi vécue, vers le bonheur de vivre avec Dieu pour toujours. Amen."

Salut du Pape Saint Jean-Paul II aux Jeunes
Douala, Cameroun, mardi, 13 août 1985 - in French & Italian  

"Chers amis, Jeunes de Douala et du Cameroun tout entier,
1. Au cours de la messe, nous avons beaucoup parlé de l'éducation catholique. Nous souhaitons que chacun de vous en bénéficie. Nous avons évoqué tous ceux qui peuvent vous aider à réaliser votre projet de vie, votre vocation. Et d’abord vos parents à qui vous devez la vie; il vous ont donné aussi les soins qui vous ont permis d’épanouir cette vie comme Tobie, et une éducation dont vous resterez à jamais marqués, parce qu’elle est inscrite dans l’affection paternelle, dans la tendresse maternelle. Nous avons fait appel aux responsables de l’école, à vos enseignants, aux paroisses, aux mouvements, à tous ceux qui peuvent vous apporter une orientation, une entraide, une amitié, une expérience de vie.

2. Mais c’est à vous qu’il revient, en grandissant, de prendre en main votre éducation; de puiser dans votre héritage familial, culturel, dans votre formation catéchétique, dans vos études, dans la fréquentation de vos aînés et de vos amis, les convictions qui vous permettront de mener une vie de jeune, d’homme et de femme, digne du projet de Dieu sur chacun de vous.

Car chacun a une place dans la pensée de Dieu, dans la famille de Dieu. Nul n’est en trop, même si, hélas, il ne trouve pas encore de place dans l’organisation du travail. Ceux qui sont chrétiens savent que Jésus les regarde avec amour comme un certain jeune homme de l’Evangile. Il compte sur votre réponse.

Il vous invite d’abord à être loyaux envers les commandements inscrits dans votre conscience: honnêtes, francs et courageux, purs, respectueux des autres, de vos parents, des anciens, des autres jeunes, filles et garçons. Il vous met en garde contre les pièges de ceux qui vous promettent un avenir sans peine, une jouissance sans responsabilité, un succès sans travail, un profit sans partage. Quand certains préfèrent fuir dans l’égoïsme, la passivité, peut-être même dans la débauche, le brigandage, la drogue ou la violence, vous voyez que c’est un malheur, que c’est indigne de l’homme!

3. Mais le Christ - et l’Eglise avec Lui - sait bien que vous êtes généreux. Vous voulez que votre vie serve à quelque chose, à quelqu’un, vous estime capables d’aimer vraiment. Ouvrez les yeux sur ceux qui peut-être sont encore plus défavorisés que vous. Soyez solidaires. Développez votre intelligence et, en même temps, élargissez votre cœur. Le Christ vous invite à faire de votre vie un don, qui soit pour les autres un soutien, qui les réconforte et les épanouisse. Certains envisagent ce don dans l’Eglise pour servir comme prêtre, comme diacre, comme catéchiste; et, chers amis, vous savez combien la moisson spirituelle est grande et urgente. D’autres l’envisagent comme un engagement dans la famille, la société. La société a en effet besoin de vous, pour que cette cité de Douala, pour que vos villes et vos villages, pour que le Cameroun tout entier connaissent plus de prospérité partagée, plus de justice, plus de fraternité.

4. Yes, here you have ample room for action. Stretch out your hands to your friends, to bring them your support. In this way an immense possibility for action lies open to all the young people of the world. International Youth Year is meant to be a special time for this awareness. Young people often feel weak and deprived of means; sometimes they have doubts about themselves, about other people, even about God. Most of them want peace. “Peace and Youth Go Forward Together”, as I wrote in my Message for the World Day of Peace. Young people want fraternal solidarity without restrictions of race or frontiers. They want to unite in order to overcome hunger in the world. They want a world in which there will be respect for man and for his freedom and his conscience. They want a world of truth, without hypocrisy.

My dear friends: do you too want such a world? Do you really want it? Then you must pay the price: the price of generous, rigorous and methodical efforts to reach the truth, to build a civilisation of love, beginning with your own lives. The renewal of the world requires a struggle. Not a struggle against man, but a fight against the evil that is present in us and in the world. It calls for sacrifice.

5. Les chrétiens qui ont mis leurs pas dans ceux de Jésus le savent bien. La croix est sur le chemin et, avec la croix, la conversion, le pardon. Mais aussi la résurrection. Jésus a ouvert les voies d’une Vie nouvelle, d’une fraternité: elles ne seront plus jamais obstruées. Il a ouvert les portes d’un monde d’enfants de Dieu. Elles ne seront plus jamais fermées.

Je vous le dis, amis, ne craignez pas ce monde-là! Faites confiance au Christ, l’Ami de votre jeunesse, restez ses familiers dans la prière. Oui, prenez le temps de prier, de méditer ensemble la Bible, de participer à l’Eucharistie dominicale. Approfondissez votre foi, à la mesure de votre culture, convaincus qu’il n’y a pas d’opposition entre la foi et la science. Ne vous laissez pas séduire par n’importe quelle doctrine intellectuelle. Faites confiance à l’Eglise: malgré ses imperfections, elle vous transmet le Message du Christ et ses sacrements de façon certaine. Comme dit un proverbe de chez vous: “Ne repousse pas la pirogue qui t’a ramené sur l’autre rivage”. L’Eglise n’est pas une secte née d’hier, elle est le grand courant de Vie qui vient du Christ par les Apôtres. Et j’ose dire: ne vous contentez pas de recevoir. Ne restez pas au bord du chemin. Vous êtes l’Eglise. Construisez-la dans votre milieu avec vos prêtres, vos aumôniers, vos professeurs chrétiens, vos mouvements catholiques. Soyez à votre tour des apôtres pour ce monde nouveau.

Un jour, saint Pierre, comme Jésus, a dit à un boiteux de Jérusalem: “Lève-toi, et marche!”. Le successeur de Pierre est venu vous dire à chacun aujourd’hui: “Lève-toi, et marche!”. Que le Seigneur, par son Esprit, soit ta joie, ton amour, ta force! Qu’il te bénisse! Qu’il vous bénisse tous, jeunes gens et jeunes filles, enfants de Douala et de tout le Cameroun!"

Pape St Jean-Paul II avec les Intellectuels et les Étudiants Catholiques
Yaoundé, Cameroun, mardi, 13 août 1985 - in French & Italian  

"Mesdames et Messieurs, élite intellectuelle du Cameroun. Chers étudiants et étudiantes,
1. Soyez vivement remerciés d avoir organisé cette rencontre. Je suis sensible à votre présence, à votre sympathie, à votre confiance. Vos paroles d’accueil m’ont touché.

Je suis heureux de saisir cette occasion. D’une part, je réponds à la démarche des intellectuels et étudiants catholiques, de leurs diverses associations, en particulier du “Forum des universitaires chrétiens”: j’ai lu avec attention et intérêt l’exposé de leurs préoccupations dans le mémorandum qu’ils m’ont adressé.

Et d’une façon plus générale j’apprécie de pouvoir m’adresser à l’ensemble du monde intellectuel et universitaire pour rendre hommage à l’œuvre qu’il cherche à accomplir à Yaoundé et dans tout le Cameroun.

2. Ici, je salue d’abord le bel effort que poursuit le pays pour s’équiper d’universités, de facultés ou d’écoles de haut niveau. Je pense qu’un tel engagement correspond chez les jeunes Camerounais à la soif d’être initiés aux diverses sciences, à leur désir de mieux pénétrer le secret de l’univers et des œuvres humaines à travers l’histoire, de mieux se comprendre eux-mêmes, de mieux saisir en particulier leur identité et leur vocation africaines, tout en se préparant à des professions intéressantes et utiles au pays. Je suis sur en tout cas que les dirigeants et notamment les responsables de la culture ont conscience que l’accès aux échanges avec d’autres centres universitaires dans le monde représentent une chance pour la prospérité du Cameroun, pour son rayonnement culturel, pour ses relations internationales.

Certes, comme en maints pays, les possibilités professionnelles ne répondent pas d’emblée à la multiplication des étudiants; il demeure toujours le problème d’aménager les emplois pour correspondre aux possibilités effectives de chacun, aux goûts et vocations multiples, aux besoins réels du pays qui requièrent toutes sortes de taches de type intellectuel ou manuel. Mais, en soi, l’instruction demeure l’un des biens fondamentaux de la civilisation humaine: l’effort pour éliminer l’analphabétisme est une nécessité, le fait de populariser l’instruction et la science représente une chance, et les universités jouent là un rôle primordial. La recherche intellectuelle est un signe prometteur, et on ne peut que se réjouir de voir beaucoup de Camerounais s’y adonner, y prendre goût et s’y sentir stimulés.

J’ai noté d’ailleurs qu’un certain nombre de prêtres et de religieux ont pris place dans ce monde universitaire et qu’ils y apportent une contribution de choix, dans les domaines scientifiques, sociologiques et littéraires de haute spécialisation.

Comment ne pas souhaiter dès lors que les catholiques disposent eux aussi d’un lieu de réflexion théologique approfondie, qui étudie les divers aspects et sources de la foi, avec la même rigueur scientifique, ainsi que les rapports de cette foi avec le reste de la culture, et ses impacts sur la vie sociale? Cela se fait déjà pour nos amis protestants, et je sais que beaucoup ressentent aujourd’hui le besoin d’un Institut catholique à Yaoundé.

3. L’Evêque de Rome est, vous le savez, le successeur de Pierre et le Pasteur de l’Eglise universelle, en union avec tous les autres évêques. Recueillant à ce titre l’héritage de l’Eglise à travers 2000 ans d’histoire, en des pays et continents très variés, je suis le témoin de l’immense effort de l’Eglise pour encourager la vie intellectuelle et, par là, l’épanouissement des cultures. A ce titre, il me plaît d’apporter aux intellectuels et universitaires du Cameroun mes chaleureux encouragements pour leur noble tache.

Devant tous les pays représentés à l’UNESCO, où j’étais invité en 1980, j’ai beaucoup insisté sur l’importance de la culture pour être plus pleinement homme. C’est l’homme, disais-je, qui est le sujet, l’objet et le terme de la culture. Ce qui importe, c’est sa qualité d’être, plus que la quantité de son avoir et de ses produits. Et la tache essentielle de la culture est l’éducation, d’où le rôle primordial de la famille et de l’école. “La Nation (elle-même) existe par la culture et pour la culture, elle est donc la grande éducatrice des hommes pour qu’ils puissent « être davantage » dans la communauté” (Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad UNESCO habita, 14, die 2 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1647). Son histoire dépasse l’histoire de l’individu, de la famille, et aussi de l’ethnie, bien que l’ethnie ait déjà son histoire culturelle et sa langue. Je pensais alors aux nouvelles nations de la communauté internationale “qui luttent pour maintenir leur propre identité et leurs propres valeurs contre les influences et les pressions de modèles proposés de l’extérieur” (Ibid.).

Cette identité propre n’est pas fermeture aux autres cultures. Par définition, la notion d’université comporte une exigence d’universalité, c’est-à-dire d’ouverture à la vérité dans tous les domaines, à toute la vérité. Rien dans l’univers matériel ne lui est étranger, et rien non plus dans l’univers spirituel ne reste en dehors de ses préoccupations intellectuelles.

Mais cette exigence d’universalité n’empêche pas l’université d’être un instrument de formation et de diffusion de la culture originale de votre pays. L’homme vit toujours selon une culture qui lui est propre. C’est grâce à la consistance de cette culture, assimilée comme une dimension fondamentale de l’existence et de l’être, qu’il devient possible d’accéder à la pluralité des cultures. C’est dans ce sens que je forme des vœux pour le développement de vos recherches: qu’elles servent à approfondir votre patrimoine culturel, à forger la conscience de l’identité nationale, et qu’en même temps elles vous permettent des contacts enrichissants avec les autres cultures (Cfr. Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad UNESCO habita, 6, die 14 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1639 ss). Ainsi, vous pourrez inventorier avec lucidité les richesses de vos traditions, déterminer ce par quoi l’homme africain se réalise au mieux. Et en même temps vous serez à même d’apprécier le patrimoine des autres pays, y compris de ceux qui, à un stade de l’histoire, vous ont initiés à leur culture.

4. Le champ des connaissances que vous cherchez à acquérir et à approfondir englobe toutes les sciences, celles de la nature et celles de l’homme.

A partir des sciences de la nature ou des sciences exactes, l’université ouvre la voie à toutes les recherches et applications techniques; et votre pays attend sûrement ces techniciens dans tout les domaines, notamment celui de la santé, du développement agricole et industriel, mécanique et électronique, de l’organisation harmonieuse de la société. C’est le progrès humain du pays que vous avez l’honneur de préparer.

Mais avant cet aspect utilitaire, la recherche de la vérité fait la grandeur du travail scientifique: la vérité mérite d’être recherchée et aimée pour elle-même, en pleine liberté, pour la joie de connaître. Cette recherche met en œuvre les pouvoirs de l’intelligence humaine, capable de nommer toutes les autres créatures (Cfr. Gen. 2, 19-20), de pénétrer le plus possible leur secret, et surtout de mieux saisir les mystères de l’homme, de son langage, de son être, de son sens social, de sa destinée.

C’est dire que dans une telle recherche, tout ce qu’on appelle les sciences humaines a sa place. Je mentionne spécialement ici la philosophie qui permet de scruter le sens profond de la réalité au delà de la physique, de toutes les réalités morales et spirituelles essentielles à l’existence humaine. C’est grâce à elle que l’on pourra déterminer le devoir-être de l’homme, l’éthique qui doit gouverner sa vie personnelle et communautaire. Comme je le disais à l’UNESCO, “le fait culturel premier et fondamental est l’homme spirituellement mur, c’est-à-dire l’homme pleinement éduqué, l’homme capable de s’éduquer lui-même et d’éduquer les autres . . . La dimension première et fondamentale de la culture est la saine moralité: la culture morale” (Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad UNESCO habita, 12, die 2 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1645).

Oui, l’avenir d’une société réussie passe par la formation des consciences. Les hommes et les groupes humains devront être capables de discerner l’essentiel, ce qui est vrai et bon pour l’homme, et en même temps de juger avec un esprit critique les ambiguïtés du progrès, les erreurs ou pseudo-valeurs, les pièges des choses artificielles que certaines civilisations font miroiter, les tentations des matérialismes ou les idéologies qui se disent efficaces, mais efficaces pour quoi?

Enfin, je suis convaincu - et l’histoire des civilisations pourrait en témoigner - qu’il existe un lien organique et constitutif entre la religion et la culture (Cfr. ibid., n. 9: l.c., p. 1642). Et c’est pourquoi le fait religieux, respecté dans sa spécificité comme rapport de l’homme à la transcendance, mérite d’être étudié en profondeur afin de prendre dûment en compte les valeurs des traditions religieuses et des liens communautaires qu’elles fondent, pour que la civilisation à construire conserve son âme. Nous trouvons dans la Bible cette conviction d’un psalmiste: “Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs” (Ps. 127, 1).

5. Toutes ces raisons font que l’Eglise s’emploie partout à promouvoir les cultures, par le biais des universités, afin que le bien de l’homme et de la société soit assuré, dans une vision intégrale du développement, selon le plan de Dieu sur sa création.

Vous savez le zèle que l’Eglise a déployé pour fonder des écoles et particulièrement dans ce pays, dès les débuts de l’évangélisation. C’est l’Eglise qui a donné naissance aux universités médiévales, les premières universités. Aujourd’hui, tout en reconnaissant, en un certain sens, l’autonomie des réalités terrestres par rapport à sa propre responsabilité spirituelle, elle participe volontiers au progrès des universités, et surtout elle invite ses fils à y prendre toute leur part pour servir ce progrès et garantir son authenticité. Elle-même continue à fonder des universités catholiques qui permettent plus facilement une symbiose de la foi et de la culture, comme je l’expliquais récemment à Leuven et à Louvain-la-Neuve, en Belgique.

6. Nous avons parlé de la promotion du savoir scientifique et de la recherche de la vérité sur l’homme, sur Dieu, par la philosophie, l’éthique, la réflexion théologique. Ces considérations, situées au niveau universitaire qui est le votre, ne doivent nous éloigner en rien des besoins humains, du service de l’homme concret, dans la situation actuelle du Cameroun. A juste titre, vous vous souciez des conditions précises du développement authentiquement humain de vos compatriotes, de tous vos compatriotes. Puisiez-vous toujours garder cette préoccupation dans les responsabilités professorales et administratives qui sont les vôtres à l’université, et, pour vous, étudiants et étudiantes, dans les responsabilités économiques, sociales, pédagogiques ou politiques auxquelles vous vous préparez. Il s’agit en effet d’approfondir et de vivre une conception de l’homme et de ses rapports sociaux où la “justice” ne reste pas un leitmotiv verbeux et formel. Aujourd’hui le monde entier s’en réclame sans que cela empêche souvent certaines puissances d’agir de façon injuste envers d’autres peuples ou catégories de personnes. Philosopher sur la dignité de la personne, avec ses droits et ses devoirs, sur les relations interpersonnelles dans la famille et la société, doit conduire à prendre effectivement en compte les aspirations et les besoins de ceux qui souffrent de la faim ou de logements insuffisants, qui cherchent un travail, qui sont méconnus dans leur dignité de femme ou d’enfant, qui n’ont pas la liberté nécessaire pour fonder un foyer stable, de ceux aussi qui voudraient développer les travaux agricoles ou industriels susceptibles de satisfaire les besoins prioritaires des populations; de ceux encore qui tiennent, à juste titre, à épanouir ce qu’il y a de beau et de sain dans leur propre patrimoine culturel.

7. C’est bien ainsi en tout cas que le comprend le christianisme lorsqu’il apporte son appui au développement de la culture. Il proclame la liberté et les droits inaliénables de la personne. Et il reconnaît la source de sa dignité dans l’image du Créateur que toute personne porte en elle, dans le prix que Dieu attache à chaque personne qu’il a rachetée par son Fils pour la libérer de tout mal. Mais la dignité personnelle - qui ne peut jamais être sacrifiée comme un moyen aux impératifs de la société - n’est pas pour autant l’individualisme égoïste, suffisant ou capricieux qui se développe dans certaines sociétés occidentales. C’est celle d’un homme qui apprend à être pleinement homme, avec les autres et pour les autres (Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad UNESCO habita, 11, die 2 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1644). A l’UNESCO, je parlais d’un lien fondamental du message du Christ et de l’Eglise avec l’homme dans son identité même (Cfr. ibid.), car le christianisme permet d’affirmer l’homme pour lui-même, de l’aimer pour lui-même, de revendiquer sans cesse et toujours sa dignité devant tout ce qui peut l’opprimer dans son corps, son esprit, son cœur, son âme. Le Christ s’identifie à l’homme concret, au plus petit des siens, qui a faim, qui a soif, qui est malade, en prison, qui est étranger (Cfr. Matth. 25, 35-36). Il a commencé sa mission en disant: “L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres; il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance . . . renvoyer en liberté les opprimés” (Luc. 4, 18). Oui, on peut dire que les disciples du Christ devront toujours, dans le monde, mener “une pastorale de guérison et de compassion”, comme le Bon Samaritain de l’Evangile, simplement parce que l’homme qui se trouve dans le besoin, sur le bord de la route, est leur frère, leur “prochain” (Cfr. Luc. 10, 33-37). Au cours de l’histoire, des gens appartenant à des nations chrétiennes ne l’ont malheureusement pas toujours fait, et nous en demandons pardon à nos frères africains qui ont tant souffert par exemple de la traite des Noirs. Mais l’Evangile demeure comme un appel sans équivoque.

Je comprends le cri de certains Africains pour une authentique libération et pour la juste reconnaissance de leur dignité, loin de tout racisme et de toute séquelle d’une exploitation politique, économique ou culturelle. Je suis sensible en particulier à certains souhaits exprimés par le Forum des universitaires chrétiens, du Cameroun, ou encore par le Mouvement des intellectuels chrétiens africains. Je me réjouis lorsque, au-delà de la proclamation des principes, ils se préoccupent eux-mêmes de ce qui déjà répond à un besoin humain (centre médical, structures d’accueil pour étudiants, participation des femmes, éducation des enfants, lutte contre la désertification, promotion de l’élevage - Cfr. «Première semaine des Intellectuels Chrétiens d’Afrique», Yaoundé, avril 1983). Je suis attentif à l’engagement de la JEC universitaire, lorsqu’elle fait prendre conscience des efforts à réaliser pour améliorer les conditions de logement, de santé, d’approvisionnement, d’information, de loisirs des étudiants, tout en recherchant les causes sociales des misères actuelles.

8. J’ajouterai, spécialement à l’adresse des intellectuels et universitaires chrétiens, qu’il importe d’aller jusqu’au bout de la réflexion sur la libération souhaitée, sur la volonté d’être à la fois pleinement chrétien et pleinement Africain. C’est un débat difficile, et je souhaite que vous continuiez à avancer dans cette voie, avec objectivité, sagesse et profondeur, en union avec les évêques de votre pays, de cette région d’Afrique, de l’ensemble du continent africain, qui n’omettront pas de l’étudier dans leurs instances (Conseil, symposium ou Concile). Je ne doute pas que votre foi chrétienne et votre amour sincère de l’Eglise, votre souci de communion avec l’Eglise universelle, garantiront le sérieux de votre recherche. Ici je ne peux qu’esquisser quelques jalons.

D’abord, il est bien entendu que la libération recherchée est la libération intégrale de l’homme, de tout ce qui l’asservit du dehors et du dedans. Toute l’histoire biblique - qui demeure un guide inspiré pour nous tous - est comme une prise de conscience que les obstacles, souvent apparus avec les contraintes des étrangers, étaient aussi dans le cœur des Israélites eux-mêmes qui participaient au péché personnel et social, à l’ignorance des valeurs morales et spirituelles, à l’infidélité au Dieu de l’Alliance, lequel était justice, sainteté, amour. Le Seigneur les invitait sans cesse à une fraternité plus réelle entre eux, et à une fraternité élargie avec les autres peuples.

D’autre part, il est bien vrai que la foi chrétienne doit être une Bonne Nouvelle pour chaque peuple. Elle doit donc correspondre aux attentes les plus nobles de son cœur. Elle doit pouvoir être assimilée dans son langage, trouver une application dans les traditions séculaires que sa sagesse avait peu à peu élaborées pour garantir la cohésion sociale, le maintien de la santé physique et morale. L’évangélisation ne peut pas ne pas emprunter des éléments des cultures. La rupture entre Evangile et culture serait un drame (Cfr. Pauli VI Evangelii Nuntiandi, 20). Les éléments positifs, les valeurs spirituelles de l’homme africain doivent être intégrés, davantage intégrés. Le Christ est venu accomplir. Il y a donc un effort inlassable d’inculturation à poursuivre pour que la foi ne reste pas superficielle. Mais - il ne faudrait pas l’oublier non plus -, le Message évangélique ne vient pas seulement consolider l’humain, tel quel; il joue un rôle prophétique et critique. Partout, en Europe comme en Afrique, il vient bouleverser les critères de jugement et les modes de vie (Cfr. ibid. 19). Il est un appel à la conversion. Il vient régénérer. Il passe au crible tout ce qui est ambigu, mêlé de faiblesses et de péché. Il doit jouer cette fonction pour certaines pratiques qui ont été apportées avec la foi par les étrangers; mais aussi pour certaines coutumes ou institutions qu’il a trouvées chez vous. L’Evangile de Dieu vient toujours d’ailleurs pour purifier et pour élever, afin que tout ce qui est bon, noble, vrai, juste, soit sauvé, émondé, épanoui et porte les meilleurs fruits.

9. Ceux qui vous ont apporté ici la foi il y a moins de cent ans - avec une sincérité et une générosité que personne ne peut mettre en doute, avec le désir de partager ce qu’ils avaient de meilleur - l’ont forcément présentée dans le langage qui était le leur. Pouvait-il en être autrement? Mais dans la mesure où ils vous ont initiés à l’essentiel de l’Evangile, de la Tradition vivante de l’Eglise et de sa pratique - auxquels vous adhérez en vérité -, c’est déjà une grâce inouïe. Et c’est à vous, laïcs et prêtres africains, qu’il appartient maintenant de faire que cette graine produise un fruit original, authentiquement africain; de permettre au levain de faire lever toute la pâte chez vous. C’est tout l’enjeu de la seconde évangélisation qui est entre vos mains.

Ces fruits représenteront une nouvelle richesse pour votre pays comme pour l’Eglise entière qui les attend de grand cœur pour être toujours plus “catholique”. On peut observer aussi qu’ils auront forcément des points communs avec ceux produits dans l’ensemble de l’Eglise catholique. Les exigences du Seigneur sont les mêmes en matière d’amour, de pardon, de paix, de pureté. Le Credo est le même. La Tradition vivante de l’Eglise exprime la façon dont cet Evangile et ce Credo ont été vécus, avec l’Esprit Saint et le Magistère, dans la trame d’une histoire concrète certes, mais en réponse à des questions vraies de l’esprit et du cœur humain, qui rejoignent une expérience universelle. Il y a là un donné théologique qui est le chemin obligé d’un approfondissement ultérieur dans les diverses cultures. Il importe que les chrétiens de ce pays et de ce continent étudient à fond ce donné, en même temps que ce qui caractérise leur propre histoire, pour tracer une voie sure et profitable, en communion avec toute l’Eglise. Les chrétiens du passé et aujourd’hui sont toujours imparfaits, et ils peuvent faire des faux-pas; mais l’Eglise sait retrouver l’équilibre par sa doctrine et par la vie de ses saints; les Universités catholiques sont un lieu idéal pour cette réflexion. La mission du successeur de Pierre est d’être pour tous le garant à la fois de cette liberté et de cette fidélité.

10. Je terminerai mon long entretien par un double appel. A vous tous intellectuels, universitaires et étudiants qui avez eu l’amabilité de venir ici à ma rencontre, sans peut-être partager la foi catholique, j’exprime mes chaleureux encouragements à poursuivre votre œuvre de recherche, d’éducation, de formation, pour servir vos frères et sœurs de ce pays, avec une prédilection pour les plus démunis. Les titres, les diplômes, les promotions, l’accès des postes lucratifs et influents - que permettent souvent vos études - ne doivent pas être le motif fondamental de votre travail. Demandez-vous toujours si vous faites vraiment progresser la culture, comme votre pays en a besoin; si vous formez des hommes et des femmes capables de servir leurs compatriotes, le bien de la nation et le progrès des rapports internationaux; si vous développez les qualités du cœur en même temps que l’esprit critique, l’acharnement au travail, l’objectivité, la discipline de vie, le goût de la vérité, la droiture de conscience, le sens de la solidarité avec les pauvres. Je prie Dieu de vous donner courage et joie dans votre magnifique responsabilité.

11. A ceux qui partagent la foi catholique ou qui sont en recherche à son endroit, j’ajoute ceci: approfondissez votre foi. N’acceptez pas l’idée d’une opposition entre la foi et la science: ce sentiment ne peut venir aujourd’hui que d’une méconnaissance des méthodes de l’une et de l’autre. N’acceptez pas non plus un cloisonnement entre votre foi et vos travaux professionnels: que votre foi inspire au contraire votre recherche scientifique, l’étude des problèmes sociaux et politiques, vos responsabilités éducatives. Réfléchissez avec vos évêques, vos aumôniers, vos mouvements pour développer une pastorale de l’intelligence qui surmonte cette dichotomie.

Trop de vos confrères se laissent séduire, de bonne foi souvent, par des associations qui semblent généreuses, brillantes, qui peuvent offrir des avantages, mais qui en réalité entretiennent de grandes confusions dans les idées, une suffisance sectaire, avec parfois des méthodes occultes et un mysticisme syncrétiste, incompatibles avec l’Eglise. Cet ébranlement ne vient-il pas en partie de ce que leur foi, depuis leur catéchisme d’enfants, ne s’est pas approfondie au rythme de leurs études et de leurs responsabilités, qu’il y a comme un déséquilibre dans leur formation?

Quant au dialogue avec les religions non chrétiennes - dans ce carrefour de religions qu’est le Cameroun -, il est certes à développer, il comporte l’estime mutuelle, la reconnaissance des valeurs de l’autre, la coopération fraternelle pour tout ce qui concerne le bien commun, dans la fidélité à sa propre foi.

Enfin, chers laïcs chrétiens, ne craignez pas d’assumer votre rôle dans l’Eglise. Elle a besoin de vous. Vous êtes cette Eglise. Mettez vos talents à son service. Aidez-la à créer des communautés vivantes, à taille humaine. Le fait de prendre un engagement dans votre communauté chrétienne et humaine stimulera votre propre foi. Et, avec le respect des consciences que requiert la conception catholique de la liberté religieuse, prenez votre part dans l’évangélisation du pays qui a un immense champ devant elle, dans l’évangélisation des personnes, des groupes, des cultures. Que par vous le Christ soit présent dans les divers milieux de vie!

Vous avez beaucoup reçu: il vous sera beaucoup demandé.

Que Dieu vous inspire à tous sa sagesse et sa force! Qu’il vous bénisse, vous et tous les vôtres!

Je vous remercie de votre accueil!"

Discours du Pape Saint Jean-Paul II à la Conférence Épiscopale
Yaoundé, mardi, 13 août 1985 - in French & Italian  

"Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Depuis trois jours, je parcours - ou du moins je survole - vos quatre provinces ecclésiastiques, dans leur riche diversité. Je garderai un souvenir profond et ému de nos rassemblements populaires, où j’ai pu mesurer la ferveur joyeuse de votre peuple chrétien et la bienveillance des autres populations. Baptisés, confirmés, communiants, catéchistes, époux et parents, jeunes et universitaires, frères et religieuses, diacres et prêtres, m’ont donné un bon témoignage; j’étais heureux de prier avec eux et de les encourager chacun dans leur apostolat. Mais il me plaît que ces rencontres soient couronnées par un échange avec vous, mes Frères, car le Seigneur m’a confié la charge de l’Apôtre Pierre, avant tout pour aider l’unité, la fidélité et l’élan missionnaire des Pasteurs, successeurs des Apôtres. Ainsi vient de se réaliser le vœu que Monseigneur Jean Zoa, comme Président de la Conférence, m’avait exprimé avec insistance lors de votre visite “ad Limina”, en novembre 1982: rencontrer chez elle l’Eglise au Cameroun, comme je l’avais fait pour quelques pays africains. Nous avons déjà tissé des liens personnels entre nous. J’avais eu un entretien avec la plupart d’entre vous, à Rome, et j’ai même conféré l’ordination épiscopale à Monseigneur Christian Tumi, qui assume maintenant la présidence de la Conférence. A chacun de vous, j’aime redire mon affection et mes vœux.

2. Ce soir, dans le cadre de cette chapelle, après tant de grâces reçues, voulez-vous que nous commencions par nous tourner vers le Seigneur pour le remercier et mieux prendre conscience que toute notre œuvre est son œuvre?

Remontant aux premiers Apôtres, je fais mienne l’adresse de saint Paul aux Thessaloniciens: “Nous rendons grâce à Dieu à tout moment pour vous tous, en faisant mention de vous sans cesse dans nos prières. Nous rappelons en présence de notre Dieu et Père l’activité de votre foi, le labeur de votre charité, la constance de votre espérance, qui sont dus à notre Seigneur Jésus Christ (1 Thess. 1, 2-3).

Oui, Dieu soit béni! J’ai vu chez vous une Eglise en pleine croissance. J’ai fait mémoire du zèle ardent des équipes de missionnaires qui se sont succédés aux différentes étapes, en 1890, en 1916, en 1922 et en 1946. Pour ces pionniers, on peut parler de la “constance de leur espérance”, quand on connaît les difficultés du début. J’ai compris aussi l’accueil et la collaboration empressée sur lesquels, d’autre part, ils ont pu rapidement s’appuyer dans ce pays. La croissance de la communauté a été rapide, la prise en charge africaine également. Nous louons d’un même cœur les évêques qui ont jeté les fondations et qui continuent à être présents à œuvre de leurs successeurs - Monseigneur Plumey, Monseigneur Loucheur, Monseigneur Mongo - et tous ceux qui, aujourd’hui, consolident la maison. C’est le Seigneur qui vous a appelés, choisis, sanctifiés, pour étendre par vous son œuvre de salut. Et pendant que vous travailliez, chers Frères, à la mesure de vos forces, l’Esprit Saint suscitait l’adhésion à la foi et le dynamisme de la charité qui caractérisent les chrétiens. C’est à Lui que nous rendons gloire. Et j’aimerais que tous ceux qui collaborent avec vous se sentent eux aussi les instruments de choix du Seigneur. Je souhaite que, sans négliger l’organisation de l’apostolat, ils accordent toujours une place primordiale à la prière, qu’ils s’appuient sur l’Esprit Saint qui agit en eux à la mesure de leur disponibilité, qu’ils éprouvent une grande joie de servir ainsi le Seigneur. Tel est l’esprit de la mission qui doit prévaloir.

3. Quant aux orientations à adopter, aux actions précises à entreprendre, aux secteurs prioritaires à considérer, je n’ai point à m’étendre là-dessus en cette circonstance. Nous les avions passés en revue à Rome en novembre 1982, et durant ces trois derniers jours, nous avons donné sur place, à chacun des groupes ou à l’ensemble du peuple chrétien, les exhortations et les conseils qui semblaient opportuns. Je me contente de souligner quelques aspects qui m’ont frappé, pour que vous sachiez combien je partage votre souci pastoral. Chez vous, on peut dire que l’évangélisation est à entreprendre, ou à approfondir, ou à renouveler.

Oui, la première évangélisation est à poursuivre, et l’on voudrait que l’Evangile soit présenté sans tarder au grand nombre de Camerounais qui ne connaissent encore que les religions traditionnelles. C’est frappant dans tout le Nord du Cameroun, mais cela existe aussi dans chaque diocèse. Dans la “radiographie des diocèses”, réalisée avec précision au cours de votre séminaire tenu en janvier dernier à Maroua, j’ai noté que certains districts limitrophes du Nigeria n’étaient encore que très peu touchés par l’Evangile; que par ailleurs, des paroisses, avec œuvre des catéchuménats, semblaient s’installer et perdre leur élan missionnaire. Ne croyez-vous pas qu’il faille stimuler chez tous vos fidèles et catéchistes, et d’abord chez vos prêtres, le désir que tous leurs frères du Cameroun bénéficient de la première annonce de la foi? Peut-être faudrait-il accentuer, non seulement l’apport toujours bienvenu des congrégations religieuses, mais l’entraide que les autres provinces pourraient, elles aussi, apporter au Nord. Je vous confie ce qui a été souvent dit aux Africains depuis Paul VI: “Vous êtes vos propres missionnaires”.

4. L’évangélisation est surtout à approfondir chez vos baptisés. La formation à la foi - comme l’avouent beaucoup d’adultes, surtout les intellectuels - est trop souvent restée au stade élémentaire, et les sectes mettent facilement à profit cette ignorance. Mais je sais à quel point c’est votre souci, et je loue les initiatives que vous cherchez à prendre pour y pallier: catéchèse, manuels de catéchisme, sessions et spécialement apostolat biblique. Ce qui est en jeu, ce n’est pas simplement un complément d’instruction religieuse, toujours nécessaire, c’est l’imprégnation des mentalités, des coutumes. “Les religions traditionnelles - disait un de vos documents - contrôlent le subconscient de la masse et l’immense patrimoine de la culture traditionnelle” (Commissio pro Apostolatu Laicorum). D’où la place que vous accordez à juste titre à l’inculturation de l’Evangile, et au dialogue des religions, ce qui suppose, comme je l’expliquais cet après-midi à vos intellectuels, une formation chrétienne et même théologique profonde pour aboutir à des résultats fructueux sans perdre l’identité catholique.

5. Enfin l’évangélisation est aujourd’hui à renouveler, en ce sens que l’évolution rapide de la société fait surgir des défis nouveaux, un peu comme certaines Eglises anciennes les connaissent, avec notamment les phénomènes de déracinement familial, d’urbanisation, de désœuvrement, avec les séductions matérialistes de toute sorte, une certaine sécularisation et un ébranlement intellectuel accentué par l’avalanche d’idées insuffisamment critiquées et par l’influence des médias. Il vous faut donc, avec des moyens souvent bien réduits, mener aussi de front une pastorale adaptée à ce nouveau genre de problèmes.

Sur ce terrain, les milieux qui ont besoin d’une aide accrue et spécialisée sont sans doute ceux des intellectuels, des fonctionnaires et des universitaires, les jeunes des écoles secondaires et techniques. C’est un champ difficile, mais très important, où la vitalité ne devrait pas manquer. L’avenir est en jeu, puisqu’il s’agit de former les responsables, ceux qui seront considérés demain comme l’élite. J’ai été heureux de pouvoir leur consacrer les rencontres d’aujourd’hui. Ma lettre aux jeunes, au printemps dernier, et les échanges fréquents avec eux à travers le monde, vous disent assez le prix que j’y attache personnellement. J’encourage les initiatives que vous prenez vous-mêmes; entre autres, j’ai pris connaissance avec intérêt de la lettre pastorale des évêques des quatre diocèses du Nord aux jeunes chrétiens. Il vaut la peine que des prêtres et des religieuses s’y consacrent davantage et surtout soutiennent les mouvements apostoliques de laïcs qui assureront la présence, la prière, la réflexion chrétienne et le témoignage des chrétiens dans ces milieux.

6. Un secteur de vie qui demeure à juste titre prioritaire à vos yeux est celui de la famille. Vous avez consacré plusieurs assemblées à ce thème, et j’ai vu, dans la province de Bamenda, ce que vous tentez de faire pour préparer au mariage, pour faire connaître la beauté de l’amour conjugal et de sa fidélité selon le plan de Dieu, pour que le témoignage des foyers chrétiens en entraîne d’autres. Je sais les obstacles nombreux auxquels vous vous heurtez en ce domaine: ils viennent de certaines coutumes, de moindres exigences manifestées par d’autres communautés et aussi du laisser-aller moderne. Mais il s’agit d’une idéalité capitale, pour les époux et pour les enfants, et pour toute l’œuvre d’évangélisation. Les femmes jouent un grand rôle dans ce bel apostolat, et de même l’influence des religieuses auprès des jeunes filles et des mamans.

Nous avons eu l’occasion d’évoquer d’autres domaines importants: la formation des aspirants au sacerdoce pour laquelle vous avez mis en place des structures adéquates, la pastorale des vocations masculines ou féminines, la formation des catéchistes et du laïcat engagé, le soutien et la qualité des écoles catholiques.

7. A tous vos diocésains, vous redirez mes encouragements, selon la vocation de chacun, comme j’ai essayé de le faire le premier soir, à la cathédrale de Yaoundé. Que tous soient heureux de travailler de façon complémentaire et irremplaçable dans le Royaume de Dieu qui s’édifie au Cameroun! Qu’ils se stimulent les uns les autres, et toujours dans la charité, sous votre vigilance pastorale!

Un certain nombre de vos fidèles auraient désiré rencontrer le Pape, en cette occasion unique de sa venue dans leur pays, et ils ne l’ont pas pu. Voulez-vous leur transmettre ma Bénédiction, les assurer de ma prière à leurs intentions, leur dire que moi aussi je compte sur leur prière? Je voudrais surtout que vous exprimiez ma tendresse aux malades, aux handicapés, aux lépreux, aux vieillards, aux prisonniers, que j’ai regretté de ne pas rencontrer davantage.

8. Vous exprimerez aussi ma confiance spéciale à vos collaborateurs directs que sont les prêtres. L’enquête que vous avez suscitée semble avoir montré qu’ils ont une bonne conception de la grâce sacerdotale qu’ils ont reçue et des exigences de prière et de zèle apostolique qu’elle comporte. Je sais que leur situation matérielle est souvent difficile, c’est un peu le lot de tous les disciples du Christ; je souhaite que vous-mêmes et les fidèles y trouviez une solution équitable qui leur permette de se consacrer totalement aux œuvres du ministère sacerdotal dont votre peuple a tant besoin. Et je suis sur que tous, prêtres nés au Cameroun et prêtres expatriés sauront entretenir une féconde et fraternelle collaboration, avec le sentiment de bénéficier de cet échange mutuel.

Je vous encourage à poursuivre les initiatives que vous avez prises pour éveiller et soutenir les vocations sacerdotales et religieuses dans les quatre provinces. Vous assurez ainsi les fondations de l’Eglise de demain! Continuez à sensibiliser vos fidèles, invitez-les à prier à cette intention.

9. J’ai fait allusion cet après-midi à intérêt de la fondation d’un Institut catholique au Cameroun, qui approfondirait les questions théologiques et la doctrine sociale. Je ne veux pas préjuger des possibilités et des modalités qui sont étudiées actuellement dans le cadre plus vaste de l’Afrique Centrale. Mais je sais que vous nourrissez ce désir, pour vos prêtres et laïcs et pour tous les ouvriers apostoliques de la région. Avec vous, j’espère.

D’une façon générale, notamment pour œuvre complexe et nécessaire d’inculturation africaine du christianisme, il sera bon d’agir en coordination avec les autres évêques de cette partie de l’Afrique, ou de l’ensemble du continent, et, c’est bien évident pour vous, en communion confiante avec les dicastères du Siège Apostolique.

10. Je n’avais pas l’intention de dresser un tableau complet des taches à accomplir. Cela risquerait d’ailleurs d’être décourageant s’il s’agissait d’une œuvre seulement humaine qui apparaît nécessairement complexe et trop étendue, vu la pauvreté de vos moyens apostoliques. Mais c’est à œuvre de Dieu, comme je le disais au début, que nous coopérons. Le Seigneur nous demande de semer, de semer sans nous lasser, d’arroser; de déployer pour cela courage, ténacité, clairvoyance, imagination, vigilance et sens de la coresponsabilité. Mais la graine ne pourra pas ne pas germer et porter du fruit si elle est authentique (Cfr. Marc. 4, 26-29), et si nous confions notre œuvre à Dieu.

Pour ma part, je ne cesse d’admirer la confiance de l’Apôtre Paul: il a fondé, en peu de temps, un grand nombre de communautés chrétiennes, là où personne n’avait encore semé. Et il ne pouvait pas les accompagner longtemps. C’était pour le moins audacieux! Mais il savait à qui il les confiait: au Seigneur et aux Anciens. Il était sur qu’elles se développeraient avec l’Esprit Saint. Il continuait à les soutenir de sa prière et de ses lettres.

Pour moi, mon rôle est plus modeste. Je n’ai pas fondé vos communautés. Je me suis réjoui de les visiter, de les “confirmer”. Je ne cesserai de les porter dans mon souvenir et ma prière. Et je sais en quelles mains elles sont confiées. Je demande au Seigneur de vous combler de sa lumière et de sa force, et je vous bénis en son nom."

Discours du Pape Saint Jean-Paul II à la Cérémonie de Départ
Aéroport de Yaoundé, Cameroun, mercredi, 14 août 1985 - in French & Italian  

"1. Au moment où je quitte le Cameroun pour visiter d’autres pays africains, j’exprime mes vifs remerciements et ma satisfaction à tous les Camerounais.

A vous-même, Monsieur le Président de la République: vous m’avez si bien accueilli dans ce pays confié à votre haute responsabilité! Vous avez disposé les choses pour que je puisse rencontrer largement vos compatriotes en quatre chefs-lieux du pays, dans un climat de sérénité. Avec Votre Excellence, je remercie toutes les Autorités nationales et locales qui ont veillé sur le bon déroulement de ce voyage et qui, bien souvent, ont tenu à honorer de leur présence nos rassemblements. Je voudrais nommer tous ceux qui ont pris part aux travaux et aux services que requéraient mes déplacements, la sécurité, le service d’ordre, l’aménagement des lieux, la diffusion de l’événement par les communications sociales. Je remercie tous ceux dont le sentiment religieux ou l’idéal humanitaire ne s’exprime pas dans la foi catholique mais qui sont venus au-devant de moi avec bienveillance, pressentant sans doute que nous sommes tous à la recherche du bien de l’homme selon le plan de Dieu. Je leur redis mes sentiments fraternels.

2. Je suis venu en visite pastorale spécialement pour les frères et sœurs de ce pays qui partagent ma foi et qui forment l’Eglise catholique au Cameroun. J’ai su qu’ils s’étaient soigneusement préparés à cette visite, dans chaque diocèse, dans les paroisses, les mouvements. C’est sans doute ce qui a contribué le plus à faire de nos rencontres des moments d’intense communion dans la prière, dans la fraternité, dans la joie. Vous avez semblé heureux de pouvoir rencontrer chez vous le successeur de l’Apôtre Pierre, parce que vous vous sentiez ainsi plus proches du Christ Jésus, le Chef invisible de l’Eglise, et de tous les chrétiens qui forment un même Corps avec Lui. Moi, en tout cas, j’ai été témoin, avec une grande satisfaction de tout le travail missionnaire accompli ici, de tout l’engagement actuel de votre Eglise.

3. Regardons maintenant l’avenir. Comme je l’ai dit à vos évêques, hier soir, je vous invite à étendre l’évangélisation si bien commencée, afin que le message de Jésus parvienne à la connaissance de tous vos compatriotes. Je vous exhorte aussi à approfondir l’évangélisation dont vous avez vous-mêmes bénéficié, afin que s’opère une symbiose plus grande encore entre votre foi et votre âme africaine, vos coutumes africaines, toutes les valeurs naturelles que vous portez en vous et que le Christ vient transfigurer par sa présence. Enfin, je vous encourage à faire face aux nouveaux problèmes pastoraux que posent à votre pays les changements de la vie moderne, urbaine, et l’accès de tant de jeunes aux études.

Dans quelques années, vous allez célébrer le centenaire de l’évangélisation au Cameroun. Puisse ce jubilé être un nouveau motif de fierté et d’action de grâce, et le point de départ d’un nouvel élan missionnaire, dont il faudra que vous-mêmes vous fassiez profiter un jour d’autres pays!

4. All of this is possible because God has given you the Holy Spirit who lives in you to assist you always with his light and his strength. In order to correspond to this gift, accept ever more the word of God. Do not stop praying. With your priests, take on your responsibilities as Religious, as catechists, as lay men and women within your communities, so that they may be lively and hospitable communities which radiate the charity of Christ. And gather together, like a family, around your Bishops, whom God sends to you to be your leaders and guides. With them you remain united with the Bishop of Rome and with the universal Church.

5. Que Dieu vous garde tous dans sa joie et sa paix! J’ai une pensée affectueuse et une bénédiction particulière pour ceux qui, dans vos familles et vos communautés, sont malades, dans l’épreuve, et qui n’ont pu se joindre à nos rassemblements.

Que le Très Haut permette au Cameroun de réaliser une heureuse croissance! Qu’il assiste ses dirigeants! Qu’il inspire chaque Camerounais dans sa propre conscience afin que ce soit toujours le bien qui l’emporte dans son action, et qu’ainsi la justice, la paix, la fraternité imprègnent la vie sociale du pays et que Dieu y soit honoré comme il convient!

Je continue à prier à toutes vos intentions.

A tous, de grand cœur, merci."

 

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