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Saint John Paul II's Apostolic Visit to Morocco

Monday 19th August 1985

Pope St John Paul II was a pilgrim to Morocco in 1985 on his 27th apostolic voyage, during which he had also visited Togo, the Ivory Coast, Cameroon, Central African Republic, Zaire (now DR Congo) & Kenya.

On his day's pilgrimage in Morocco, Saint John Paul II celebrated Mass at the Institute 'Charles de Foucauld' before meeting with 50,000 young Muslims in Casablanca (at the invitation of the King - his first such a meeting since becoming Pope).

Homélie du Pape Saint Jean-Paul II à la Messe
à l'Institut Charles de Foucauld, Casablanca, Maroc, lundi 19 août 1985 - in French & Italian

"Niech będzie pochwalony Jezus Chrystus!

Serdecznie pozdrawiam moich Rodaków, którzy tutaj znaleźli się w tej Wspólnocie Eucharystycznej i przywitali mnie pieśnią “Pod Twą obronę, Ojcze na niebie”. Pragnę pod “obronę Ojca na niebie” oddać Was wszystkich, drodzy Bracia i Siostry tutaj w Maroku.

“Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres” (Jn 13, 34-35).

Chers Frères et Sœurs,
1. Ces paroles de Jésus se situent au centre du message évangélique. Elles disent dans quel esprit se rassemblent les chrétiens. Elles sont un appel permanent à accueillir l’amour dont Dieu nous aime en son Fils Jésus, à le partager dans notre communauté, à le vivre avec tous les frères qui nous entourent.

C’est une joie pour moi de vous rencontrer pour célébrer l’Eucharistie et méditer la Parole de Dieu. Je rends grâce au Seigneur pour cette occasion de me trouver au milieu de l’Eglise catholique qui est au Maroc, formée par des familles qui ont vécu ici depuis plusieurs générations et par des personnes venues pour travailler, pour participer à des projets de développement, pour enseigner. Je salue en vous la communauté qui, depuis des siècles, est l’hôte de ce pays aux traditions d’hospitalité et de tolérance. J’adresse un salut fraternel à Mgr Hubert Michon, Archevêque de Rabat, et à Mgr Antonio-José Peteiro Freire, Archevêque de Tanger. Et je dis mes vœux cordiaux aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux laïcs - ceux qui sont présents aujourd’hui et ceux qui habitent dans d’autres régions, ou se trouvent momentanément absents du Maroc.

2. Vous formez une petite communauté de disciples de Jésus dans un pays où la grande majorité de vos hôtes et de vos voisins adhère à la religion de l’Islam. Comme Vatican II nous l’a enseigné, et comme, après mon prédécesseur Paul VI, je l’ai redit bien des fois, il y a beaucoup d’aspects bons et saints dans ce que vivent les musulmans. Vous êtes les témoins respectueux de l’exemple qu’ils donnent par leur prière d’adoration de Dieu. Vous voyez comment ils essaient de mettre en pratique les orientations venues de Lui, par l’obéissance à sa Loi. Vous voyez la simplicité de vie et la générosité envers les pauvres que pratiquent les musulmans fidèles. C’est le vivant témoignage de leur foi.

Animés de l’esprit d’amour qui est au cœur de l’Evangile, les chrétiens peuvent situer en vérité ce qu’apporte la rencontre quotidienne de leurs frères et sœurs de l’Islam. Vous avez une connaissance de la culture et de l’inspiration religieuse vécues dans ce pays, cette connaissance que l’on acquiert dans les relations fraternelles des milieux de travail et de la vie sociale en général avec un peuple d’une autre religion. Cela nous permet de susciter une meilleure compréhension également dans les pays d’occident où résident des travailleurs et des étudiants musulmans. Ce qui est approfondi ici d’une manière naturelle amène à des prolongements appréciables, en jetant des ponts ailleurs entre les traditions différentes. Ceci constitue une des formes du service qui est la vocation des chrétiens au Maroc, dans un monde où un dialogue respectueux de part et d’autre n’est pas toujours facile.

3. Mais, à vous qui êtes la communauté d’Eglise présente dans ce pays, je désire demander de réfléchir sur ce qui est unique dans notre foi chrétienne. Qu’est-ce qui doit caractériser notre vie personnelle et notre vie d’Eglise?

“Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout” (Jn 13, 1). Ces paroles de l’évangéliste Jean nous suggèrent l’orientation essentielle de notre existence chrétienne. Prenant la suite du Christ, nous sommes appelés à “passer de ce monde au Père” et nous sommes appelés à aimer nos frères de tout notre être, à tout moment.

Soyez ici le corps vivant du Christ! Vivez avec lui et par lui la grande offrande de l’humanité au Père, dans le rassemblement eucharistique qui est au centre de la vie de l’Eglise. Laissez-vous pénétrer de la présence de Jésus et illuminer par sa Parole. Car c’est par lui que l’homme entre en plénitude dans sa condition de fils; c’est par lui que sont unis ses frères qu’il a aimés jusqu’au bout. C’est par lui que Dieu nous comble de sa grâce, quand nous célébrons les sacrements du salut où l’homme est sanctifié, réconcilié.

Pour accueillir en pleine clarté les dons de la foi, pour vous disposer à rendre compte de l’espérance qui est en vous (cf 1 Pet 3, 15), approfondissez ensemble le message évangélique. Je sais que vous formez de nombreux groupes où vous priez, où vous étudiez l’Ecriture, où vous réfléchissez, à la lumière de la foi, sur le sens de votre vie, où vous contribuez à la formation chrétienne des jeunes, où vous prenez en charge ceux de vos frères et sœurs qui ont besoin de soutien. De tout cœur je vous encourage dans ces activités multiples, autour des prêtres, des religieux et des religieuses, des animateurs et des catéchistes laïcs. En commun, par la prière, la réflexion et l’accomplissement des taches ecclésiales, vous constituez vraiment la famille des disciples du Christ et vous vous aidez mutuellement à être les témoins du Maître qui a vécu au milieu des hommes un véritable amour et s’est fait le serviteur de ses frères.

4. Qu’est-ce qui spécifie le témoignage quotidien que nous rendons à Jésus-Christ? St Paul nous dit: “Parmi les dons de Dieu, je vais vous indiquer une voie supérieure à toutes les autres” (cf 2 Cor 12, 31). Et il décrit l’amour, comme nous l’avons entendu dans la première lecture.

Pour vous, chrétiens au Maroc, nous pourrions paraphraser St Paul: si nous sommes bien préparés, si nous mettons en œuvre avec compétence de bons programmes de développement, si nous avons des projets bien conçus dans le domaine de la santé, si nous avons l’intelligence du mystère du salut et si nous faisons une juste analyse théologique du plan de Dieu, si nous avons une foi assez forte pour surmonter les obstacles, si même nous donnions notre vie pour ce que nous croyons, mais si nous n’avons pas l’amour, notre présence ici n’est rien, notre témoignage reste vide. “Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres”. C’est là le premier témoignage qui doit caractériser notre vie de chrétiens.

Il ne faut pas que l’amour devienne un mot vidé de son sens à force d’être utilisé. Il faut que nous laissions le plus grand des dons de Dieu s’épanouir dans notre vie de chaque jour. St Paul nous dit les qualités de l’amour (cf 1 Cor 13, 4-7): Il est patient et bon avec tous, même quand les relations ne sont pas faciles. Loin de se vanter de ses propres actions ou de la beauté de son héritage, le chrétien fidèle au don de l’amour bannit toute arrogance, tout égoïsme; il se refuse à l’intolérance envers des coutumes ou des usages différents des siens. Il ne se réjouit pas des faiblesses ou des fautes de ses frères; il est compréhensif; il fait confiance. Respectant la destinée de chaque personne et son cheminement particulier, “il trouve sa joie dans ce qui est vrai”. Lorsque devient lourd le poids de la vie, l’amour “supporte tout, il espère tout”. Sachant découvrir les signes d’espérance, il ne renonce pas à rendre service.

5. Todos los demás dones y talentos que hemos recibido tienen su límite. Llegará el tiempo donde aparezca su fragilidad. La obra realizada continuará, o puede ser que no continúe. Pero lo que permanece siempre es ese testimonio de amor que habréis podido dar en el nombre de Cristo. El Espíritu de Dios arraiga en el corazón de aquellos con los que ejercitáis la caridad en los actos concretos de cada día; ese amor que os anima a trabajar en todas las obras humanas de este País.

Drodzy Bracia i Siostry!

Przynieśliście tutaj obraz św. Maksymiliana Marii Kolbego - patrona naszych czasów. Ten Święty, wpatrzony w wizerunek Niepokalanej Pani Jasnogórskiej (Jej obraz także przynieśliście z sobą), reprezentuje prawdę, o której mówi nam dzisiejsza liturgia. Jest to prawda o miłości, przez którą poznają wszyscy, że jesteśmy Jego, Chrystusa, uczniami. Taką właśnie miłość okazał święty Maksymilian Maria, kiedy dał życie swoje za brata w oświęcimskim bunkrze głodu. Taką miłość Chrystus, przez serce swoje; Matki, zaszczepił w sercu tego syna naszej Ziemi. Podobną miłość niech szczepi we wszystkich synach naszej Ziemi, polskiej ziemi, naszego Narodu, gdziekolwiek się znajdują. To posłannictwo ewangeliczne przekazujęe Wam dzisiaj w Maroku, gdzie znajdujecie się jako synowie naszego Polskiego Narodu i członkowie tej chrześcijańskiej wspólnoty.

Jesús nos pregunta hoy: “¿Entendéis lo que he hecho con vosotros? Vosotros me llamáis Maestro y Señor, y decís bien, porque de verdad lo soy. Si yo, pues, os he lavado los pies, siendo vuestro Señor y Maestro, también habéis de lavaros vosotros los pies unos a otros” (Jn 13, 12-14). Jesús el Maestro se ha hecho él mismo servidor. Esta es también nuestra vocación, si queremos ser sus discípulos. Si queréis vivir como los que llevan su nombre en este País, debéis poseer mucho amor para ser capaz de servir. Trabajad por el bien de todos. Trabajad en una obra que sea esencialmente común, en un clima de respeto a todos. Trabajad en una obra sin esperar alguna recompensa, porque “es al Señor a quien servís”, y vuestro Padre que está en los cielos ve lo que hacéis. Trabajad con esperanza, pero sin pedir ver los resultados de vuestra labor: “Ni el que planta es algo ni el que riega, sino Dios, que da el crecimiento” (1 Cor 3, 7).

6. Chers amis qui désirez vous laisser saisir par le Christ, vous qui désirez aimer et servir à sa suite et grâce à ses dons, vous trouvez des inspirateurs et des modèles particulièrement dans l’héritage de votre communauté. Je pense à tous ceux qui ont vécu ici la tradition franciscaine. Je pense aussi à ces contemplatifs pauvres et désintéressés et ces amis du peuple marocain que furent Charles de Foucauld et Albert Périguère.

Je voudrais vous remercier, vous l’Eglise catholique qui est au Maroc, parce que votre présence dans ce pays témoigne de l’universalité de l’Eglise. Elle montre combien sont diverses les situations où se trouve l’Eglise dans les différentes nations du monde. Je vous encourage à continuer de vivre avec joie votre vocation chrétienne en attestant que le chrétien est un homme de prière, que l’Eglise est un appel à la charité, à la fraternité universelle, et qu’il favorise la promotion intégrale de l’homme.

Que la Vierge Marie intercède pour vous; elle fut tout entière la servante du Seigneur; elle gardait en son cœur l’annonce des merveilles de l’amour qui s’étend d’âge en âge par le Christ Sauveur! Amen."

Papa San Giovanni Paolo II avec les Jeunes Musulmans à Casablanca
Maroc, lundi 19 août 1985 - in English, French & Italian

"Chers jeunes,
1. Je rends grâce et gloire à Dieu qui a permis que je me trouve avec vous aujourd’hui. Sa Majesté le Roi m’a fait l’honneur de me rendre visite à Rome il y a quelques années, et il a eu la courtoisie de m’inviter à visiter votre pays et à vous rencontrer. J’ai accepté avec joie l’invitation du Souverain de ce pays à venir vous parler, en cette Année de la Jeunesse.

Je rencontre souvent des jeunes, en général des catholiques. C’est la première fois que je me trouve avec des jeunes musulmans.

Chrétiens et musulmans, nous avons beaucoup de choses en commun, comme croyants et comme hommes. Nous vivons dans le même monde, marqué par de nombreux signes d’espérance, mais aussi par de multiples signes d’angoisse. Abraham est pour nous un même modèle de foi en Dieu, de soumission à sa volonté et de confiance en sa bonté. Nous croyons au même Dieu, le Dieu unique, le Dieu vivant, le Dieu qui crée les mondes et porte ses créatures à leur perfection.

C’est donc vers Dieu que va ma pensée et que s’élève mon cœur: c’est de Dieu même que je désire avant tout vous parler; de Lui, parce que c’est en Lui que nous croyons, vous musulmans et nous catholiques, et vous parler aussi des valeurs humaines qui ont en Dieu leur fondement, ces valeurs qui concernent l’épanouissement de nos personnes, comme aussi celui de nos familles et de nos sociétés, ainsi que celui de la communauté internationale. Le mystère de Dieu n’est-il pas la réalité la plus élevée dont dépend le sens même que l’homme donne à sa vie? Et n’est-ce pas le premier problème qui se présente à un jeune quand il réfléchit sur le mystère de sa propre existence et sur les valeurs qu’il entend choisir pour construire sa personnalité grandissante?

Pour ma part, dans l’Eglise catholique, je porte la charge de successeur de Pierre, l’Apôtre que Jésus a choisi pour confirmer ses frères dans la foi. Après les Papes qui se sont succédés sans interruption au long de l’histoire, je suis aujourd’hui l’Evêque de Rome, appelé à être parmi ses frères du monde le témoin de la foi et le garant de l’unité de tous les membres de l’Eglise.

Aussi est-ce en croyant que je viens à vous aujourd’hui. C’est tout simplement que je voudrais donner ici le témoignage de ce que je crois, de ce que je souhaite pour le bonheur de mes frères les hommes et de ce que, par expérience, j’estime être utile pour tous.

2. J’invoque tout d’abord le Très-Haut, le Dieu tout-puissant qui est notre créateur. Il est à l’origine de toute vie, comme il est à la source de tout ce qui est bon, de tout ce qui est beau, de tout ce qui est saint.

Il a séparé la lumière des ténèbres. Il a fait croître tout l’univers selon un ordre merveilleux. Il a voulu que les plantes croissent et portent leur fruit, comme il a voulu que se multiplient les oiseaux du ciel, les animaux de la terre et les poissons de la mer.

Il nous a faits, nous les hommes, et nous sommes à lui. Sa loi sainte guide notre vie. C’est la lumière de Dieu qui oriente notre destinée et illumine notre conscience. Il nous rend capables d’aimer et de transmettre la vie. Il demande à tout homme de respecter chaque créature humaine et de l’aimer comme un ami, un compagnon, un frère. Il invite à lui venir en aide quand il est blessé, quand il est abandonné, quand il a faim et soif, bref quand il ne sait plus où trouver sa route sur les chemins de la vie.

Oui, Dieu demande que nous écoutions sa voix. Il attend de nous l’obéissance à sa volonté sainte dans une libre adhésion de l’intelligence et du cœur.

C’est pourquoi, devant lui, nous sommes responsables. C’est Lui, Dieu, qui est notre juge, Lui qui seul est véritablement juste. Nous savons pourtant que sa miséricorde est inséparable de sa justice. Quand l’homme revient vers lui repentant et contrit, après s’être éloigné dans l’égarement du péché et les œuvres de mort, Dieu se révèle alors comme Celui qui pardonne et fait miséricorde.

A lui donc notre amour et notre adoration. Pour ses bienfaits et pour sa miséricorde, nous lui rendons grâce, en tous temps et en tous lieux.

3. Dans un monde qui désire l’unité et la paix et qui connaît pourtant mille tensions et conflits, les croyants ne devraient-ils pas favoriser l’amitié et l’union entre les hommes et les peuples qui forment sur terre une seule communauté? Nous savons qu’ils ont une même origine et une même fin dernière: le Dieu qui les a faits et qui les attend, parce qu’il les rassemblera.

L’Eglise catholique pour sa part, il y a vingt ans, lors du Deuxième Concile du Vatican, s’est engagée dans la personne de ses Evêques, c’est-à-dire de ses chefs religieux, à rechercher la collaboration entre les croyants. Elle a publié un document sur le dialogue entre les religions (Nostra Aetate). Elle affirme que tous les hommes, spécialement les hommes de foi vivante, doivent se respecter, dépasser toute discrimination, vivre ensemble et servir la fraternité universelle (cf Nostra Aetate, 5). L’Eglise manifeste une attention particulière pour les croyants musulmans, étant donné leur foi au Dieu unique, leur sens de la prière et leur estime de la vie morale (
cf Nostra Aetate, 3). Elle souhaite « promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix, la liberté».

4. Le dialogue entre chrétiens et musulmans est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Il découle de notre fidélité envers Dieu et suppose que nous sachions reconnaître Dieu par la foi et témoigner de lui par la parole et l’action dans un monde toujours plus sécularisé et parfois même athée.

Les jeunes peuvent construire un avenir meilleur s’ils mettent d’abord leur foi en Dieu et s’ils s’engagent à édifier ce monde nouveau selon le plan de Dieu, avec sagesse et confiance.

Dieu est source de toute joie. Aussi devons-nous témoigner de notre culture envers Dieu, de notre adoration, de notre prière de louange et de supplication. L’homme ne peut vivre sans prier, pas plus qu’il ne peut vivre sans respirer. Nous devons témoigner de notre humble recherche de Sa volonté; c’est Lui qui doit inspirer notre engagement pour un monde plus juste et plus uni. Les voies de Dieu ne sont pas toujours nos voies. Elles transcendent nos actions, toujours incomplètes et les intentions de notre cœur, toujours imparfaites. Dieu ne peut jamais être utilisé à nos fins, car il est au delà de tout.

Ce témoignage de la foi, qui est vital pour nous et qui ne saurait souffrir ni infidélité à Dieu ni indifférence à la vérité, se fait dans le respect des autres traditions religieuses, car tout homme attend d’être respecté pour ce qu’il est, de fait, et pour ce qu’il croit en conscience. Nous désirons que tous accèdent à la plénitude de la Vérité divine, mais tous ne peuvent le faire que par l’adhésion libre de leur conscience, à l’abri des contraintes extérieures qui ne seraient pas dignes de l’hommage libre de la raison et du cœur qui caractérise la dignité de l’homme. C’est là le véritable sens de la liberté religieuse, qui respecte à la fois Dieu et l’homme. C’est de tels adorateurs que Dieu attend le culte sincère, des adorateurs en esprit et en vérité.

5. Notre conviction est que «nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains de ces hommes créés à l’image de Dieu» (Nostra Aetate, 5).

Il nous faut donc aussi respecter, aimer et aider tout être humain parce qu’il est une créature de Dieu et, dans un certain sens, son image et son représentant, parce qu’il est la route menant à Dieu, et parce qu’il ne se réalise pleinement que s’il connaît Dieu, s’il l’accepte de tout son cœur et s’il lui obéit jusque sur les voies de la perfection.

Aussi cette obéissance à Dieu et cet amour pour l’homme doivent nous amener à respecter les droits de l’homme, ces droits qui sont l’expression de la volonté de Dieu et l’exigence de la nature humaine telle que Dieu l’a créée.

Le respect et le dialogue requièrent donc la réciprocité dans tous les domaines, surtout en ce qui concerne les libertés fondamentales et plus particulièrement la dignité religieuse. Ils favorisent la paix et l’entente entre les peuples. Ils aident à résoudre ensemble les problèmes des hommes et des femmes d’aujourd’hui, plus spécialement ceux des jeunes.

6. Normalement, les jeunes regardent vers l’avenir, ils aspirent à un monde plus juste et plus humain. Dieu a fait les jeunes ainsi, précisément pour qu’ils contribuent à transformer le monde selon son plan de vie. Mais à eux aussi la situation apparaît souvent avec ses ombres.

Dans ce monde, il y a des frontières et des divisions entre les hommes, ainsi que des incompréhensions entre les générations; il y a également du racisme, des guerres et des injustices, comme il y a aussi la faim, le gaspillage et le chômage. Ce sont là des maux dramatiques qui nous touchent tous, et plus particulièrement les jeunes du monde entier. Certains risquent de se décourager, d’autres risquent de se résigner, d’autres risquent de vouloir tout changer par la violence ou par des solutions extrêmes. La sagesse nous enseigne que l’autodiscipline et l’amour sont alors les seuls leviers du renouveau désiré.

Dieu ne veut pas que les hommes restent passifs. Il leur a confié la terre pour qu’ils la maîtrisent, la cultivent, et la fassent fructifier ensemble.

Vous êtes responsables du monde de demain. C’est en assumant pleinement vos responsabilités et avec courage, que vous pourrez vaincre les difficultés actuelles. Il vous revient donc de prendre des initiatives et de ne pas tout attendre des aînés et des gens en place. Il vous faut construire le monde, et non pas seulement le rêver.

C’est en travaillant ensemble que l’on peut être efficace. Le travail bien compris est un service des autres. Il crée des liens de solidarité. L’expérience du travail en commun permet de se purifier soi-même et de découvrir les richesses des autres. C’est ainsi que peut naître, peu à peu, un climat de confiance, qui permet à chacun de grandir, de s’épanouir et «d’être plus». N’omettez pas, chers jeunes, de collaborer avec les adultes spécialement avec vos parents et vos maîtres, ainsi qu’avec les «leaders» de la société et de l’Etat. Les jeunes ne doivent pas s’isoler des autres. Les jeunes ont besoin des adultes, comme les adultes ont besoin des jeunes.

Dans ce travail d’ensemble, la personne humaine, homme ou femme, ne doit jamais être sacrifiée. Chaque personne est unique aux yeux de Dieu, et irremplaçable dans cette œuvre de développement. Chacun doit être reconnu pour ce qu’il est, et, par suite, respecté comme tel. Nul ne doit utiliser son semblable; nul ne doit exploiter son égal; nul ne doit mépriser son frère.

C’est à ces conditions que pourra naître un monde plus humain, plus juste et plus fraternel, où chacun pourra trouver sa place dans la dignité et la liberté. C’est ce monde du XXIe siècle qui est entre vos mains; il sera ce que vous le ferez.

7. Ce monde à venir dépend des jeunes de tous les pays du monde. Notre monde est divisé, et même éclaté; il connaît de multiples conflits et des injustices graves. Il n’y a pas de véritable solidarité Nord-Sud; il n’y a pas assez d’entraide entre les nations du Sud. Il y a dans le monde des cultures et des races qui ne sont pas respectées.

Pourquoi tout cela? C’est que les hommes n’acceptent pas leurs différences: ils ne se connaissent pas assez. Ils rejettent ceux qui n’ont pas la même civilisation. Ils refusent de s’entraider. Ils ne savent pas se libérer de l’égoïsme et de la suffisance.

Or Dieu a créé tous les hommes égaux en dignité, mais différents quant aux dons et aux talents. L’humanité est un tout où chaque groupe a son rôle à jouer; il faut reconnaître les valeurs des divers peuples et des diverses cultures. Le monde est comme un organisme vivant; chacun a quelque chose à recevoir des autres et quelque chose à leur donner.

Je suis heureux de vous rencontrer ici, au Maroc. Le Maroc a une tradition d’ouverture; vos savants ont voyagé et vous avez accueilli des savants d’autres pays. Le Maroc a été un lieu de rencontre des civilisations: il a permis des échanges avec l’Orient, l’Espagne et l’Afrique. Le Maroc a une tradition de tolérance: dans ce pays musulman, il y a toujours eu des juifs et presque toujours des chrétiens; cela a été vécu dans le respect, d’une manière positive. Vous avez été et vous demeurez un pays hospitalier. Vous êtes donc, jeunes Marocains, préparés à devenir des citoyens du monde ce demain, de ce monde fraternel auquel vous aspirez avec les jeunes du monde entier.

Vous tous, jeunes, je suis sur que vous êtes capables de ce dialogue. Vous ne voulez pas être conditionnés par des préjugés. Vous êtes prêts à construire une civilisation fondée sur l’amour. Vous pouvez travailler à faire tomber les barrières dues parfois à l’orgueil, plus souvent à la faiblesse et à la peur des hommes. Vous voulez aimer les autres sans aucune frontière de nation, de race ou de religion.

Pour cela, vous voulez la justice et la paix. «La paix et les jeunes marchent ensemble», comme je l’ai dit dans mon message pour la Journée mondiale de la Paix cette année. Vous ne voulez ni la guerre ni la violence. Vous savez le prix qu’elles font payer aux innocents. Vous ne voulez pas non plus l’escalade des armements. Cela ne veut pas dire que vous voulez la paix à n’importe quel prix. La paix va de pair avec la justice. Vous ne voulez l’oppression pour personne. Vous voulez la paix dans la justice.

8. Vous voulez d’abord que les hommes aient de quoi vivre. Les jeunes qui ont la chance de poursuivre leurs études ont le droit de demeurer soucieux de la profession qu’ils pourront exercer pour leur compte. Mais ils ont aussi à se préoccuper des conditions de vie, souvent plus difficiles, de leurs frères et de leurs sœurs qui vivent dans le même pays, et même dans le monde entier. Comment rester indifférents, en effet, lorsque d’autres humains, en grand nombre, meurent de faim, de malnutrition ou du manque d’assistance sanitaire, quand ils souffrent cruellement de la sécheresse, quand ils sont réduits au chômage ou à l’émigration par des lois économiques qui les dépassent, quand ils connaissent la situation précaire de réfugiés, parqués dans des camps, par suite des conflits des hommes? Dieu a donné la terre à l’ensemble du genre humain pour que les hommes en tirent leur subsistance dans la solidarité et pour que chaque peuple ait les moyens de se nourrir, de se soigner et de vivre en paix.

9. Mais, aussi importants que soient les problèmes économiques, l’homme ne vit pas seulement de pain, il a besoin d’une vie intellectuelle et spirituelle; c’est là que se trouve l’âme de ce monde nouveau auquel vous aspirez. L’homme a besoin de développer son esprit et sa conscience. C’est souvent ce qui manque à l’homme d’aujourd’hui. L’oubli des valeurs et la crise d’identité que traverse notre monde nous obligent à un dépassement et à un effort renouvelé de recherche et d’interrogation. La lumière intérieure qui naîtra ainsi dans notre conscience permettra de donner sens au développement, de l’orienter vers le bien de l’homme, de tout homme et de tous les hommes, selon le plan de Dieu.

Les Arabes du Machreq et du Maghreb, et plus généralement les musulmans, ont une longue tradition d’étude et de savoir: littéraire, scientifique, philosophique. Vous êtes les héritiers de cette tradition, vous devez étudier pour apprendre à connaître ce monde que Dieu nous a donné, le comprendre, en découvrir le sens, avec le goût et le respect de la vérité, et pour apprendre à connaître les peuples et les hommes créés et aimés par Dieu, pour vous préparer à mieux les servir.

Bien plus, la recherche de la vérité vous conduira, au-delà des valeurs intellectuelles, jusqu’à la dimension spirituelle de la vie intérieure.

10. L’homme est un être spirituel. Nous, croyants, nous savons que nous ne vivons pas dans un monde fermé. Nous croyons en Dieu. Nous sommes des adorateurs de Dieu.

Nous sommes des chercheurs de Dieu. L’Eglise catholique regarde avec respect et reconnaît la qualité de votre démarche religieuse, la richesse de votre tradition spirituelle.

Nous aussi, chrétiens, nous sommes fiers de notre tradition religieuse.

Je crois que nous, chrétiens et musulmans, nous devons reconnaître avec joie les valeurs religieuses que nous avons en commun et en rendre grâce à Dieu. Les uns et les autres nous croyons en un Dieu, le Dieu unique, qui est toute Justice et toute Miséricorde; nous croyons à l’importance de la prière, du jeune et de l’aumône, de la pénitence et du pardon; nous croyons que Dieu nous sera un Juge miséricordieux à la fin des temps et nous espérons qu’après la résurrection, il sera satisfait de nous et nous savons que nous serons satisfaits de lui.

La loyauté exige aussi que nous reconnaissions et respections nos différences. La plus fondamentale est évidemment le regard que nous portons sur la personne et œuvre de Jésus de Nazareth. Vous savez que, pour les chrétiens, ce Jésus les fait entrer dans une connaissance intime du mystère de Dieu et dans une communion filiale à ses dons, si bien qu’ils le reconnaissent et le proclament Seigneur et Sauveur. Ce sont là des différences importantes, que nous pouvons accepter avec humilité et respect, dans la tolérance mutuelle; il y a là un mystère sur lequel Dieu nous éclairera un jour, j’en suis certain.

Chrétiens et Musulmans, nous nous sommes généralement mal compris, et quelquefois, dans le passé, nous nous sommes opposés et même épuisés en polémiques et en guerres.

Je crois que Dieu nous invite, aujourd’hui, à changer nos vieilles habitudes. Nous avons à nous respecter, et aussi à nous stimuler les uns les autres dans les œuvres de bien sur le chemin de Dieu.

Vous savez, avec moi, quel est le prix des valeurs spirituelles. Les idéologies et les slogans ne peuvent vous satisfaire ni résoudre les problèmes de votre vie. Seules les valeurs spirituelles et morales peuvent le faire, et elles ont Dieu pour fondement.

Je souhaite, chers jeunes, que vous puissiez contribuer à construire ainsi un monde où Dieu ait la première place pour aider et sauver l’homme. Sur ce chemin, vous êtes assurés de l’estime et de la collaboration de vos frères et sœurs catholiques que je représente parmi vous ce soir.

11. Je voudrais maintenant remercier Sa Majesté le Roi de m’avoir invité, vous remercier vous aussi, chers jeunes du Maroc, d’être venus ici et d’avoir écouté avec confiance mon témoignage.

Mais plus encore, je voudrais remercier Dieu qui a permis cette rencontre. Nous sommes tous sous son regard. Il est aujourd’hui le premier témoin de notre rencontre. C’est lui qui met dans nos cœurs les sentiments de miséricorde et de compréhension, de pardon et de réconciliation, de service et de collaboration. Les croyants que nous sommes n’ont-ils pas à reproduire dans leur vie et leur cité les Très Bons Noms que nos traditions religieuses lui reconnaissent? Puissions-nous donc Lui être disponibles, et être soumis à sa volonté, aux appels qu’il nous adresse! Ainsi nos vies retrouveront un dynamisme nouveau.

Alors pourra naître, j’en suis convaincu, un monde où les hommes et les femmes de foi vivante et efficiente chanteront la gloire de Dieu et chercheront à construire une société humaine selon la volonté de Dieu.

Je voudrais terminer en L’invoquant personnellement devant vous.

O Dieu, Tu es notre Créateur.
Tu es bon et ta miséricorde est sans limites.
A Toi la louange de toute créature.
O Dieu, Tu as donné aux hommes que nous sommes une loi intérieure dont nous devons vivre.
Faire Ta volonté, c’est accomplir notre tache.
Suivre Tes voies, c’est connaître la paix de l’âme.
A Toi, nous offrons notre obéissance.
Guide-nous en toutes les démarches que nous entreprenons sur terre.
Affranchis-nous des penchants mauvais qui détournent notre cœur de Ta volonté.
Ne permets pas qu’en invoquant Ton Nom,
nous venions à justifier les désordres humains.
O Dieu, Tu es l’Unique. A Toi va notre adoration.
Ne permets pas que nous nous éloignions de Toi.
O Dieu, juge de tous les hommes,
aide-nous à faire partie de tes élus au dernier jour.
O Dieu, auteur de la justice et de la paix,
accorde-nous la joie véritable, et l’amour authentique,
ainsi qu’une fraternité durable entre les peuples.
Comble-nous de Tes dons à tout jamais. Amen!"